Traitements de la maladie d’Alzheimer : le déremboursement en France

Introduction

Les démences représentent un enjeu majeur du XXIe siècle en matière de santé publique. Une démence est le résultat d’un déficit cognitif acquis avec un retentissement sur l’autonomie, rendant particulièrement difficile les tâches du quotidiens (1). Sa prise en charge se révèle délicate et présente un fort impact social et économique sur notre société. En 2015, environ 47 millions de personnes vivaient avec une démence et les prévisions annoncent que ce chiffre triplera d’ici 2050 (2). La maladie d’Alzheimer est une pathologie neurodégénérative découverte en 1906 par le médecin allemand Alois Alzheimer (3). C’est aujourd’hui la première cause de démence dans le monde, représentant 60 – 70% des cas (2). L’incidence de cette maladie a significativement diminué depuis sa découverte, conséquence probable de l’amélioration globale de la qualité de vie. Toutefois, avec le vieillissement de la population, sa prévalence ne cesse d’augmenter ces dernières années et les conséquences qui en découlent prennent de l’envergure (4).

Deux principales théories expliquent les mécanismes causant l’Alzheimer. La première est l’accumulation de la protéine extracellulaire bêta-amyloïde, l’autre repose sur un trouble de la protéine intracellulaire TAU. Ces mécanismes peuvent se développer durant des dizaines d’années avant l’apparition de symptômes (5). Les facteurs de risques influençant ces mécanismes sont pour les deux tiers non modifiables ; c’est le cas, par exemple, de l’âge et de la génétique. Le tiers restant correspond aux facteurs de risque environnementaux, et donc modifiables, tels qu’un style de vie sédentaire, l’hypertension, l’obésité et la diète. D’après un article de Gill Livingston publié dans The Lancet, la prise en charge des facteurs de risques modulables semble réduire l’incidence de l’Alzheimer (2).

Il est intéressant de noter que si le premier facteur de risque est l’âge, cette maladie ne semble pas être une composante normale du vieillissement. En effet, l’incidence de la maladie diminue une fois que le patient est arrivé à l’âge très avancé de 95 ans (6). Si la maladie était une conséquence normale du vieillissement, il semble que toutes les personnes très âgées devraient être atteintes. Pour Florence Pasquier, investigatrice au Centre Hospitalier Régional Universitaire de Lille, la maladie d’Alzheimer n’est pas une fatalité et la recherche d’un remède efficace est légitime (7). Il y a cependant divergence d’avis sur ce sujet ; certains pensent que la maladie d’Alzheimer est un mythe fondé sur les symptômes normaux du vieillissement (8). C’est le cas, par exemple, du docteur Martial Van der Linden, responsable de l’unité de psychopathologie de la faculté de psychologie à Genève et traducteur du livre “Le mythe de la maladie d’Alzheimer”. Cet avis est soutenu par le fait qu’aucun traitement curatif n’a été développé, et ce même un siècle après la découverte de la maladie.

À ce jour, les seuls traitements disponibles sont des médicaments ralentissant le déclin cognitif sur une durée temps limitée et n’ayant pas le même effet sur tous les patients (9). Ils agissent sur les conséquences de la maladie et non sur la cause. Ces traitements sont divisés en deux grandes classes. La première classe concerne les inhibiteurs de l’acétylcholine estérase, tels que :

–      Le Donepezil (vendu sous le nom de Aricept)

–      La Rivastigmine (vendu sous le nom d’Exelon)

–      La Galantamine (vendu sous le nom de Reminyl)

Ces différents inhibiteurs de l’acétylcholinestérase diminuent la dégradation de l’acétylcholine, un neurotransmetteur en déficit dans la maladie d’Alzheimer. La cible thérapeutique de la seconde classe de traitements est le glutamate, un neurotransmetteur excessivement relargué dans la maladie d’Alzheimer et responsable de l’accélération de la neurodégénérescence (10,11). Ces médicaments sont composés d’un principe actif appelé mémantine qui bloque le glutamate. Il existe principalement deux médicaments anti-glutamate de la maladie d’Alzheimer à base de mémantine, vendus sous les noms d’Ebixa et d’Axura. Les méta-analyses faites par l’Organisation Mondiale de la Santé (dit OMS) indiquent que ces deux classes de traitements peuvent être proposées à une majorité de patients. Toutefois, cela n’implique pas qu’ils devraient être forcément prescrits et il est donc recommandé aux responsables politiques de discuter avec les différents acteurs impliqués afin de trancher sur la question du remboursement (12 à 14).

C’est ainsi que le 29 mai 2018, le Gouvernement français a décidé d’arrêter le remboursement de ces médicaments (15). Ce choix a été expliqué par le manque d’efficacité des traitements disponibles et du trop grand nombre d’effets secondaires. Il existe en effet un grand nombre d’effets indésirables de type digestifs (diarrhées, vomissements), neurologiques (maux de tête, vertiges), neuropsychiques (hallucinations, constipation) et parfois même cardiaques (troubles et ralentissement du rythme cardiaque) (16). En revanche, le système de pharmacovigilance de l’Agence européenne des médicaments (AEM) n’a révélé aucun problème de sécurité important depuis leurs mises sur le marché (17). Sur la question de l’efficacité des traitements de la maladie d’Alzheimer, on peut observer des avis très divergents. Cela est probablement dû au fait que l’effet du traitement est significatif mais relativement modeste (18 à 20). L’utilité des médicaments relève donc plus d’un choix subjectif, voire personnel. La décision de déremboursement du Ministère français de la Santé, cet été, a donc soulevé de vives contestations.

Bref historique de la controverse

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (dit ANSM) est l’autorité compétente en matière d’autorisation de mise sur le marché d’un médicament en France (21). Cette agence nationale d’expertise se base sur des critères de sécurité et d’efficacité pour déterminer si un médicament mérite sa place sur le marché français. C’est ainsi que dans les années 2000, des dossiers sont déposés auprès de l’ANSM pour que quatre nouveaux médicaments contre la maladie d’Alzheimer soient inspectés. L’ANSM rend une réponse favorable aux quatre laboratoires (22). Leur autorisation s’accompagne cependant de quelques conditions : les médicaments ne peuvent être obtenus que par prescription médicale et chaque patient entrant en traitement doit être suivi avec attention (22). En 2013, on estime à 630’000 le nombre de patients français traités par un des quatre médicaments anti-Alzheimer (20).

La Haute Autorité de Santé (HAS) est l’organisme officiel responsable d’optimiser le système de santé français (21). Une de ses commissions, la Commission de Transparence, est chargée d’évaluer l’utilité des médicaments autorisés sur le marché français pour déterminer si un remboursement par la Sécurité Sociale est recommandé (22). Pour ce faire, la Commission de Transparence rend régulièrement des rapports documentant les relations efficacité / effets secondaires des médicaments autorisés. Le ministère des Solidarités et de la Santé est alors chargé de décider sur la base de ces rapports scientifiques si un remboursement entre effectivement en vigueur ou, le cas échéant, demeure maintenu.

Dès leur mise sur le marché français dans les années 2000, les quatre médicaments anti-Alzheimer ont été évalués par la HAS à plusieurs reprises comme il en serait le cas pour tout autre médicament autorisé en France. C’est dans un rapport de 2011 que la HAS rend son premier avis plutôt sceptique quant à ces quatre médicaments. La commission déclare que “leur efficacité est au mieux modeste et de pertinence clinique discutable” (23). Le gouvernement décide à ce moment-là de maintenir le remboursement.

Les quatre médicaments font ensuite de plus en plus polémique. C’est en 2016 que la controverse prend réellement de l’ampleur. Cette année-là, la Commission de Transparence rend deux avis tranchants sur la question du remboursement des quatre médicaments de la maladie d’Alzheimer (24). Elle y déclare qu’ils “n’ont plus de place dans la stratégie thérapeutique” et que “le service médical rendu est insuffisant pour justifier leur remboursement“ (24). La commission y communique l’importance de leurs effets secondaires (25 à 27) et y recommande expressément leur déremboursement.

Entre 2016 et 2018, la commission publie un total de trois avis s’opposant catégoriquement au remboursement aux médicaments anti-Alzheimer (15). C’est seulement au troisième de ces avis que le ministère décide finalement de mettre fin au remboursement. En effet, la ministre en charge durant l’année 2016, Mme Marisol Touraine, se refuse à dérembourser les médicaments car elle attend qu’un nouveau protocole de prise en charge, axé sur une approche non médicamenteuse, soit mis en place pour envisager le déremboursement (29). Pendant le mandat ministériel de Mme Touraine, l’hématologue et politicienne Agnès Buzyn, est à la tête de la HAS (30). La Dr. Buzyn succède ensuite Mme Touraine et devient ministre de la Santé sous le gouvernement Macron en 2017 (31). Cela signifie que l’affaire des médicaments anti-Alzheimer lui était bien connue étant donné qu’elle dirigeait la HAS lors du rendu des deux avis tranchants de la Commission de Transparence en 2016. En été 2018, alors que le protocole est terminé, le troisième avis de la Commission de Transparence est publié et le Dr. Agnès Buzyn, alors ministre de la Santé, décide de mettre fin au remboursement des quatre traitements de la maladie d’Alzheimer (15).

Ainsi, en date du 29 mai 2018, le gouvernement français communique sa décision de mettre fin au remboursement des quatre médicaments de la maladie d’Alzheimer dès le 1er août 2018 (15). Dans un interview sur Europe1, la ministre Agnès Buzyn explique qu’elle s’est appuyée sur l’expertise de la HAS et que sa décision est purement scientifique (32).

Source du tweet : (86)

La ministre de la santé déclare également que l’argent ainsi économisé sera réorienté pour le financement de la prise en charge des patients (33). Elle déclare dans ce même interview qu’il “n’y aura aucune économie faite sur le dos des malades. Ce qui compte c’est que les malades soient bien accompagnés.” (33).

Regard scientifique

Les avis concernant l’efficacité des traitements contre la maladie d’Alzheimer sont très divergents. L’enjeu étant le rapport entre le coût des médicaments en question et leurs bénéfices apportés. La décision entre prescription et proscription est difficile à prendre. En effet, ce sont des traitements qui coûtent cher, en particulier sur le long terme, et dont l’efficacité reste encore controversée. Mais, en amont de la question de prescrire ou proscrire les médicaments indiqués pour la maladie d’Alzheimer, les scientifiques soulèvent une autre problématique, celle du diagnostic de cette maladie. En effet, ce type de diagnostic s’avère très complexe. Premièrement, pas toutes les démences sont des maladies de type Alzheimer. Certaines pathologies peuvent avoir des symptômes semblables à ceux de la maladie d’Alzheimer, mais n’auront pas pour autant le même type de physiopathologie et de ce fait ne nécessitent pas le même type de traitement. Deuxièmement, il y a plusieurs types de maladie d’Alzheimer, certaines plus courantes que d’autres. On parle d’Alzheimer de type amnésique en cas de déficits de la mémoire épisodique alors qu’on qualifie d’Alzheimer de type non amnésique une démence caractérisée par des déficits de langage, de capacités visuo-spatiales et de fonction exécutive (42). Troisièmement, la maladie d’Alzheimer peut être associé à d’autres pathologies cérébrales. De ce fait, il s’agit plutôt d’un continuum entre différents types de démence et non pas de symptômes parfaitement catégorisables. De ce fait, ce diagnostic réside en un tableau clinique extrêmement complexe.

Concernant les méthodes de diagnostics, il existe actuellement des tests neuropsychiatriques très avancés issues des progrès technologiques, tels que la mesure de la concentration de biomarqueurs (des protéines β 1–42-amyloïdes, τ et τ hyperphosphorylée) dans le liquide céphalo-rachidien ou la neuroimagerie des amyloïdes cérébraux. Mais, d’après le comité de la quatrième conférence consensuelle sur le diagnostic et le traitement de la démence, ce diagnostic demeure fondamentalement clinique, en se basant sur une liste de critères et de définitions de démences causées par la maladie d’Alzheimer, formulée par le NIA-AA en 2011 (34).

À propos des traitements, il s’agit principalement de traitements symptomatiques, qui concernent généralement les psychoses et les comportements agités, voire agressifs. Actuellement, les deux principaux types de traitements sont les inhibiteurs de la cholinestérase et les APAs (antipsychotiques atypiques).

Parmi les APAs, la rispéridone et l’olanzapine sont les médicaments les plus étudiées et qui semblent être les plus efficaces (35). Toutefois, dans le cadre d’une étude issue des Clinical Antipsychotic Trials of Intervention Effectiveness-Alzheimer Disease (CATIE-AD), l’efficacité des olanzapine, rispéridone et quétiapine a pu être démontrée en les comparant à des placebos. Malheureusement, ces substances présentent énormément d’effets indésirables et d’après cette étude ils ne sont pas suffisamment contrebalancés par leurs effets bénéfiques (36). Cet avis est soutenu par les recommandations du comité de la quatrième conférence consensuelle sur le diagnostic et le traitement de la démence, où il est conseillé de donner ces types de médicamentation si des comportements qui pourraient être soigné à l’aide de ce traitement sont dangereux pour l’entourage et le patient lui-même, tout en pesant les bénéfices du traitement par rapport aux effets indésirables (ici de nature cérébrovasculaire).

En ce qui concerne l’utilisation des inhibiteurs de la cholinestérase, d’après une étude menée sur un échantillon de 364 personne (37), l’utilisation de ce type de médicaments est suivi d’effets secondaires graves tels qu’une “diminution des performances physiques et une diminution du statut fonctionnel“. Pourtant, dans les recommandations du comité de la quatrième conférence consensuelle sur le diagnostic et le traitement de la démence, il est clairement énoncé que “les trois inhibiteurs de la cholinestérase ont été efficaces dans le traitement de la maladie d’Alzheimer légère à modérée. Il est recommandé de faire l’essai d’un inhibiteur de la cholinestérase chez la plupart des patients atteints de la maladie d’Alzheimer“. En conclusion, bien que s’en suit une liste d’effets secondaires et de lignes directives d’arrêt du traitement, ce type de médication est vu comme efficace et est conseillé d’un point de vue purement scientifique.

Avis des médecins

Dans un premier temps, les praticiens ne s’entendent déjà pas sur la question du bien-fondé de la maladie. Par exemple, pour le Pr. Bruno Dubois, professeur en Neuroscience à l’Université́ Pierre et Marie Curie Paris 6 et directeur de l’Institut de la Mémoire et de la Maladie d’Alzheimer (IM2A) (38), les troubles de mémoires dont se plaignent certaines personnes âgées ne sont pas forcément la conséquence d’une maladie de type Alzheimer. En effet, il affirme que “la plupart du temps, les gens qui se plaignent de leur mémoire souffrent d’un simple trouble attentionnel. Parce qu’ils sont déprimés, fatigués, ou stressés, ou tout simplement surinformés, ils perdent beaucoup d’informations“ (39). Il semble évident qu’il est difficile de soutenir le recours à des médicaments pour une maladie que l’on considère irréelle chez beaucoup de patients.

D’autre part, certains spécialistes considèrent que les comportements et symptômes assignés à la maladie d’Alzheimer ne sont pas une fatalité. Le professeur Philippe Amouyel, directeur de la Fondation Alzheimer, fondation soutenant tout acteur de la maladie, des laboratoires de recherche aux proches-aidants, est d’avis qu’il est tout à fait possible de prévenir un bon nombre des symptômes en adoptant le bon comportement au quotidien. Ce médecin et professeur à l’Université de Lille décrit cela dans un livre dénommé “Le guide anti-Alzheimer, Les secrets d’un cerveau en pleine forme“, qu’il publie en mars 2018. Dans cet ouvrage il propose différents conseils visant à prévenir les troubles du fonctionnement cognitif tel que la perte de mémoire, qui pour lui n’est forcément en lien avec la maladie d’Alzheimer (40).

Si la majorité des médecins s’entendent à définir la maladie d’Alzheimer comme une maladie bien réelle, ils ne sont de loin pas tous du même avis concernant les quatre médicaments existants. Dès le début de la controverse en 2016, de nombreux médecins et institutions médicales s’expriment sur leur compte. Dans une enquête menée en 2016 par le neurologue Mathieu Ceccaldi, chef du service de neurologie et neuropsychologie de l’hôpital de Marseille (41), la grande majorité des médecins praticiens des centres de prise en charge de patients atteints de la maladie d’Alzheimer, une fois questionnés, jugent que les traitements anti-Alzheimer sont utiles (28). Ce même Dr. Ceccaldi explique dans un interview mené par Europe 1 en 2016 que les effets secondaires des traitements anti-Alzheimer sont sous contrôle car les médecins les prescrivent en connaissance de cause (42). En 2016 également, le Dr. Virginie Desestret, une médecin tous les jours en contact avec des patients de l’hôpital de la ville de Lyon, résumait bien des idées que beaucoup défendent lorsque la question de l’efficacité des traitements anti-Alzheimer lui fut posée :

“Cela dépend de ce que l’on entend par le terme « efficace ». Si l’on parle de guérir la maladie, non ils ne sont pas efficaces. Si l’on parle d’un effet sur les symptômes des patients, alors oui. Ces traitements ne sont pas prescrits à titre compassionnel, pour éviter le désespoir du patient : les patients peuvent bénéficier d’une amélioration ou au moins d’une stabilisation de leur déficit. Sachant que ces médicaments ont d’éventuels effets secondaires, nous ne prendrions pas le risque de les prescrire sans être certains qu’il y a un bénéfice attendu, même modeste “ (43).

Un autre médecin en contact direct avec les patients et cofondateur de la Fondation pour la recherche sur la maladie d’Alzheimer, fondation soutenant financièrement des projets de recherche sur la maladie d’Alzheimer, le Dr. Olivier de Ladoucette déclare des médicaments anti-Alzheimer dans un interview de 2017 :

“Certes, ils ont une efficacité limitée. Toutefois, cette efficacité n’est pas nulle. De plus, ils permettent d’assurer un suivi des patients. En effet, sans médicament, il est très difficile de médicaliser une personne. Grâce à la prescription, le patient et sa famille peuvent être pris en charge par l’équipe médicale, le spécialiste et les autres soignants. De cette manière, un suivi du malade et de son entourage est assuré“ (44).

Il est intéressant de relever que beaucoup des médecins favorables aux traitements anti-Alzheimer sont des docteurs au contact de patients et de leurs proches. Ils trouvent globalement que les médicaments présentent une vraie utilité, même si celle-ci est modeste. Ils sont favorables à la prescription suivie et surveillée des médicaments.

Tous les médecins ne sont pourtant pas du même avis. C’est le cas, par exemple, du très sceptique professeur Olivier Saint-Jean. Ce professeur en gériatrie, directeur du service de gériatrie de l’Hôpital Georges-Pompidou et enseignant à l’université Paris-Descartes indique que “rien ne justifie la poursuite de la prescription de médicaments inutiles” tel que déclaré dans le journal Libération le 20 Septembre 2015 (45). Selon lui, les quatre traitements de la maladie d’Alzheimer ne présentent pas d’intérêt médical et ne devraient donc pas être prescrits. Il explique dans ce même article qu’en plus de conflits d’intérêt “massifs“, c’est le besoin des praticiens d’être en mesure de proposer un traitement après le diagnostic de la maladie d’Alzheimer qui les poussent à continuer de prescrire (45).

En 2016, le docteur Claude Leicher, ancien président du syndicat français des médecins généralistes (MG France), relève l’inutilité des médicaments anti-Alzheimer et demande qu’ils soient “retirés du marché“ (46,47). Il défend, en 2016 déjà, que ces médicaments sont trop dangereux pour les patients (47).

Comme le Dr. Olivier de Ladoucette le déclarait en 2017 (44), certains soutiennent que la prescription des médicaments anti-Alzheimer permet un suivi des patients atteints de la maladie d’Alzheimer. D’autres s’insurgent contre une telle argumentation. C’est le cas, par exemple, du professeur Vincent Renard, actuel président du Collège National des Généralistes Enseignants (CNGE), l’organisme majeur de médecine générale en France. Il répond à cela qu’il est “incroyable de défendre l’idée qu’une consultation médicale ne peut pas exister sans médicament“ (48). Il fait d’ailleurs partie des médecins opposés aux médicaments dès l’aube de la controverse.

En été 2018, alors que la controverse est déjà bien en place, la décision de déremboursement du ministère de la Santé retentit dans la sphère médicale. Nombreux sont les individus et institutions qui s’y opposent à la démarche ministérielle. Cent-nonante-quatre médecins écrivent et publient une lettre ouverte dans Le Figaro à l’intention de la ministre pour dénoncer le déremboursement et demander publiquement un retour en arrière (49). Ils cherchent à y défendre l’intérêt de leurs patients et font part de leur “désarroi” et de leur “colère“ (49). Ces médecins, auteurs de la lettre, proviennent notamment des vingt-huit Centres Mémoires de Ressources et de Recherche sur la maladie d’Alzheimer et maladies apparentées (CMRR) (50). Ces centres répartis dans toute la France sont en particulier spécialisés dans la prise en charge spécifique de patients souffrant de la maladie d’Alzheimer comme expliqué sur la page web du CMRR de Grenoble (51).

En juin 2018, un communiqué de presse est publié par la Société Française de Gériatrie et Gérontologie (SFGG) en réaction au déremboursement (52). Cette organisation scientifique chargée de “l’expertise de la médecine de la personne âgée et du vieillissement“ y fait part de son appui aux médicaments anti-Alzheimer et y demande “un nouvel examen des résultats scientifiques réels des grandes études internationales avant (que le ministère ne prenne) une décision définitive qui isolerait la France et surtout, serait délétère pour les patients français et leur entourage“ (52,53).

Fervent défenseur des médicaments anti-Alzheimer, le Dr. Olivier De Ladoucette déclare dans un interview sur Europe 1 en date du 30 mai 2018 (54) :

“Là, je m’interroge. J’ai du mal à comprendre le pourquoi de cette démarche. Parce qu’on nous prétend que ces médicaments sont dangereux et inefficaces. Moi, je suis prescripteur de ces médicaments depuis 30 ans. Je suis au contact de malades atteints d’Alzheimer.”

Cet homme, à la fois médecin sur le terrain et cofondateur de la Fondation pour la recherche sur la maladie d’Alzheimer, déclare également dans un autre interview donné cette fois encore sur Europe 1 (55) :

“Ces médicaments freinent le déclin. Donc, il est toujours difficile d’évaluer le bénéfice de ce type de traitement. Dans certains cas rares, la condition des patients est améliorée. Mais, le plus souvent, le déclin est freiné. Et comment s’en rend-on compte ? Tout simplement lorsque nous sommes contraints d’arrêter prématurément le traitement. Nous voyons chez un certain nombre de ces patients une chute très rapide de leur fonction cognitive. Et on valide après coup l’intérêt de ces médicaments.”

Ils sont plusieurs à partager cet avis comme c’est le cas, par exemple, d’une autre médecin, professeur en neurologie, Marie Sarazin. Cette neurologue, cheffe de l’Unité de Neurologie de la Mémoire et du Langage au centre hospitalier Sainte-Anne à Paris, témoigne être dans l’incompréhension quant à la récente décision de déremboursement du ministère(56,57). Elle déclare dans un interview du journal Le Télégramme que “ces traitements ont montré leur efficacité pour freiner la progression de la maladie et éviter certaines complications“ (56).

Cependant, tout le corps médical ne s’oppose pas à la décision ministérielle. Ils sont également nombreux à soutenir la ministre Agnès Buzyn dans cette démarche de déremboursement. Parmi eux, on trouve sans surprise le professeur Olivier Saint-Jean qui se réjouit de l’annonce du déremboursement :

Source du tweet : (87)

Le Collège National des Généralistes Enseignants (CNGE), l’organisme majeur de médecine générale en France, soutient également la décision de la ministre.

Source du tweet : (88)

Somme toute, malgré les fortes oppositions, la ministre reste sur ses positions et déclare ne pas vouloir revenir en arrière concernant cette décision de déremboursement (58).

Impact sur la santé du patient

La maladie d’Alzheimer est souvent explicitée comme étant la cause de l’apparition de troubles de la mémoire toujours plus fréquents et toujours plus importants. Malheureusement, cette maladie s’accompagne de nombreux autres types de troubles et de déficits, qui rendent la vie quotidienne du malade et celle de son entourage très difficile. En effet, la maladie d’Alzheimer possède une symptomatologie extrêmement variée dont la cinétique d’apparition reste encore très incertaine (59).

En plus des troubles de la mémoire, des symptômes issus de troubles du fonctionnement cognitif apparaissent progressivement. Il s’agit de sauts d’humeur, souvent sans raison apparente, de troubles affectifs et de troubles du comportement, allant parfois jusqu’à de l’agressivité envers l’entourage et les proches. Des troubles de la fonction exécutive et du langage sont aussi fréquemment observés. Une personne souffrant d’Alzheimer peut parfois avoir du mal à s’exprimer car elle aura tendance à remplacer un mot par un autre au point de rendre une phrase totalement incompréhensible (42). Il est aussi fréquent d’observer une anxiété croissante, probablement due à la prise de conscience des dysfonctions cognitives, jusqu’à ce que dans un second temps, une anosognosie s’installe progressivement. Au vu de l’étendue très vaste des symptômes, les médecins conseillent vivement aux personnes directement concernées ou à leur entourage de faire une investigation à l’aide d’outils de “repérage“. Ces outils sont, en l’occurrence, des tests psychométriques qui permettent d’évaluer l’état de l’ensemble des fonctions cognitives. Comme exemple de tests actuellement utilisé, il y a le “Mini-Mental State Examination“ (MMSE) et le “Montreal Cognitive Assessment“ (MoCA) (59).

Par ailleurs, il faut aussi garder à l’esprit qu’il existe de nombreuses autres maladies neurodégénératives qui peuvent aisément être confondues avec la maladie l’Alzheimer, au vu des symptômes que toutes ces pathologies ont en commun. Pour citer quelques exemples, il peut s’agir de démences issues de causes vasculaires secondaires à une macro- ou microangiopathie, ou de l’un des syndromes de démences fronto-temporales (DFT) ou encore de démences liées à la maladie de Parkinson.

Quant à l’effet de l’abandon de la prise des médicaments anti-Alzheimer, l’enquête menée par France Alzheimer pour étudier les conséquences du déremboursement fait état de plusieurs témoignages de proches aidants ayant constaté une dégradation de l’état de santé de leur proche malade suite à l’arrêt de la prise médicamenteuse (60). C’est le cas, par exemple, de Régine qui regrette d’importantes répercussions sur la cognition et la motricité de son mari après interruption de la prise (60).

Comme l’a déclaré le docteur Olivier de Ladoucette juste après l’annonce de la décision ministérielle, les médicaments anti-Alzheimer ralentissent le déclin cognitif et ainsi une interruption dans la prise conduit à une “chute rapide de la fonction cognitive“ (46)

Impact social

Les patients et leurs familles sont les premiers sur qui retombent les conséquences de la décision prise par la Ministre. En France, 3 millions de personnes, proches-aidants compris, sont concernés par cet arrêté (61). Certains proches-aidants témoignent d’un quotidien difficile, devant souvent choisir entre arrêter de travailler ou changer de métier pour tout de même aider leur proche (62). Le retentissement financier est souvent double pour les proches-aidants : aux lourdes factures qu’engendre la maladie s’ajoute l’impact sur leur métier pour lequel les proches-aidants ont moins de temps et moins d’énergie. En effet, selon une enquête menée chez environ 1’500 Français par l’association France Alzheimer, association mère représentant malades et proches-aidants de cette maladie, 72% des accompagnants affirment que la maladie de leur proche a une incidence négative sur leur concentration et leur efficacité au travail et 43% sur leur évolution de carrière (63). Brigitte Huon, vice-présidente de l’association ajoute en Octobre 2016 dans le journal La Dépêche que “si on abandonne complètement cette piste médicamenteuse, c’est assez dramatique pour les familles” (64).

De plus, à ce jour, il n’existe pas d’aide spécifique attribuée aux patients atteints d’Alzheimer et à leurs proches. Ces derniers jouissent uniquement de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), aide fournie à toute personne en perte d’autonomie. Selon une étude socio-économique de France Alzheimer faite auprès d’environ 500 aidants et publiée en 2010, cette aide ne répond pas aux besoins imposés par la maladie.

La prise en charge mensuelle d’un patient atteint de la maladie d’Alzheimer s’élèverait en moyenne à 1’200€ par famille en 2018 (et 1’000€ en 2010) (65,66). À ces 1200€ s’ajoutent les traitements anti-Alzheimer représentant un coût mensuel de 30€ par patient en absence de remboursement d’après le “centre national de référence pour les malades Alzheimer jeunes” (7). C’est ainsi que si ces médicaments continuent d’être administrés aux patients, l’arrêt de leur remboursement représente une hausse de 3% des coûts de prise en charge de la maladie. Ces frais supplémentaires de 360 € par an représentent tout de même 1,6% du salaire médian français (qui est de 22’095€ en 2017 (67)). C’est ainsi qu’une membre de l’association France Alzheimer témoigne sur France 3 en affirmant que les économies faites suite au déremboursement des traitements devraient bénéficier aux malades et proches aidants (68). D’après elle, cela pourrait être fait en leur apportant une aide financière plus importante, sous forme d’allocation, conçue pour les patients atteints d’Alzheimer. La Ministre avait d’ailleurs assurée en Mai 2018 que “tout l’argent qui (serait) économisé (serait) intégralement réorienté vers l’accompagnement des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, soit pour les centres mémoire soit pour le secteur médico-social qui les prend en charge” (32).

Du côté des patients, Brigitte, âgée de 62 ans, rapporte qu’elle avait “arrêté d’utiliser son patch destiné à stabiliser sa mémoire en août dernier, parce qu’il n’était plus remboursé” avant de changer d’avis car son mari a noté une aggravation de ses symptômes (69).  Cette dernière n’est pas la seule concernée par des aggravations des troubles cognitifs suite à l’arrêt du traitement. En effet, cela s’est produit pour 52% des patients qui ont stoppé leur prise médicamenteuse selon la récente enquête de l’association France Alzheimer. Ce sondage national effectué dans les sept mois suivant l’entrée en vigueur de l’arrêté investiguait le vécu de plus de 2’500 patients et leurs proches après le déremboursement (70). On y apprend que 20% des patients ont mis fin à leur traitement en conséquence de l’arrêt du remboursement (69). Le professeur Philippe Amouyel, président de la Fondation Alzheimer, a par ailleurs affirmé que “bien utilisés, ces médicaments avaient une certaine utilité. On avait de bons retours des patients et des familles.” (71). Une pétition pour relancer le remboursement des médicaments anti-Alzheimer a été d’ailleurs lancée par l’association France Alzheimer, avec le but de “mettre fin à une décision injustifiée et dangereuse” (72). Depuis sa création en juin 2018, la pétition compte près de 27’900 signatures (73).

Par ailleurs, les traitements n’étant plus remboursés, leurs prix risquent d’augmenter. En effet, d’après une étude publiée en février 2019 par le ministère des Solidarités et de la Santé, le déremboursement d’un médicament entraîne la hausse immédiate de son prix. Notamment, les tarifs ont augmenté « pour 54 % des médicaments déremboursés fin 2011 » et de « 39 % en moyenne en un an » (74)Cette hausse des prix est expliquée par le déficit en chiffre d’affaires causé par le déremboursement et que les industries cherchent à désespérément à combler en augmentant les prix des médicaments concernés.

Une alternative serait d’avoir recours à un traitement sans effet pharmacologique, mais cette idée fait également débat. Dr. Virginie Desestret, neurologue de profession, exerçant à l’hôpital Pierre Wertheimer à Lyon, affirme en Juin 2016 dans l’interview donné par la Fondation Vaincre Alzheimer, une association de soutien financier pour la recherche de la maladie d’Alzheimer, “qu’il existe des prises en charge dites non médicamenteuses qui sont efficaces. C’est le cas de la remédiation, de l’accompagnement du patient, de toute la prise en charge de stimulation du patient. Mais ce sont des compléments incontournables aux traitements médicamenteux, il ne s’agit pas d’alternatives” (43). Une deuxième neurologue, Dr. Catherine, rejoint également ce même point de vue en soutenant dans la suite de l’interview que “le soin comprend également des traitements non médicamenteux mais il ne s’agit pas d’une alternative mais plutôt d’un traitement complémentaire”.

À ce propos, le rapport de l’HAS se termine sur une brève présentation en expliquant comment “prendre en charge et accompagner les patients en s’appuyant sur une approche non médicamenteuse, globale et pluriprofessionnelle” (24). Un guide a été publié par l’HAS en Mai 2018, après le rendu du dernier rapport (75). Ce dernier permettrait de mettre en pratique le modèle de prise en charge selon l’HAS. Il parle particulièrement de l’attention qu’il faut portée aux premiers signes de la maladie afin d’établir un diagnostic au plus vite où les professionnels de santé et les intervenants au domicile ont un rôle essentiel à jouer (85).

Impact économique

D’après le rapport mondial 2015 de l’organisation Alzheimer’s Disease International, les coûts mondiaux de prise en charge de la maladie d’Alzheimer se sont élevés à 820 milliards de dollars en 2015, soit plus de 1% du produit intérieur brut mondial (76). Si ce chiffre nous donne un aperçu de l’ampleur de l’impact économique que peut représenter cette maladie, il faut garder à l’esprit que ce marqueur est difficile à mesurer précisément. Pour mieux appréhender le sujet en France, le rapport de la fondation Médéric est publié en 2015 différencie des coûts médicaux et paramédicaux (diagnostic, hospitalisation, médicaments, psychologue, etc.) les coûts liés à l’aide informelle (aide prodiguée par une personne de l’entourage de la personne malade telles que les soins d’hygiène corporelle, l’aide à l’habillage, à la marche, l’aide pour le ménage, etc.). Les coûts médicaux et paramédicaux s’élèveraient à 5.3 milliards d’euros par an et comprennent l’établissement du diagnostic, les soins des personnes malades à leur domicile, leur prise en charge en établissement de santé et les éventuels traitements suivis. Les coûts liés à l’aide informelle sont estimés à 14 milliards d’euros par an. Cela comprend l’aide prodiguée par une personne de l’entourage de la personne malade telle que les soins d’hygiène corporelle, l’aide à l’habillage, à la marche, l’aide pour le ménage et la gestion du budget (77). Toujours selon la fondation Médéric en 2015, l’estimation des coûts liés à la maladie d’Alzheimer est de 19.3 milliards d’euros par an, somme qui serait même encore sous-estimée.

Pour déterminer la partie des coûts attribuable au remboursement des traitements anti-Alzheimer, il est important de prendre en compte que la majorité des médicaments de la maladie d’Alzheimer sont actuellement vendus sous forme de génériques. En effet, pour chacune des quatre molécules anti-Alzheimer, plusieurs brevets, conférant droit exclusif de vente, ont été déposés. Par exemple, l’exelon a en premier lieu été breveté sous forme de gélule puis un nouveau brevet a été déposé pour des patchs à base d’exelon. Aujourd’hui, les brevets attribués à la vente des quatre médicaments anti-Alzheimer sont pour la plupart arrivés à terme. Cela implique que la concurrence se trouve en droit de vendre les quatre médicaments et, celle-ci n’ayant pas à amortir les frais liés à la recherche, elle peut produire les médicaments à de bas prix. Tout ceci explique bien pourquoi le prix des médicaments à significativement baissé depuis leur entrée sur le marché français dans les années 2000. En effet, rien qu’entre 2011 et 2015, le prix moyen d’une boîte de traitement anti-Alzheimer a été divisé par deux, passant de 78.6 euros à 35.8 euros. Nous pouvons, entre autres, nous demander pourquoi l’État français n’a décidé que maintenant de dérembourser ces médicaments, alors que leurs prix ont considérablement baissé et que leur efficacité n’a pas changé. Au total, le ministère français des Affaires sociales et de la Santé affirme que le remboursement total de tous les types de médicaments anti-Alzheimer a coûté à la France environ 90 millions d’euros en 2015 (78). Ce chiffre entre dans la catégorie des coûts médicaux et paramédicaux, et représente environ 17% de cette catégorie (pourcentage se rapprochant des 13% annoncés par la fondation Médéric). Les traitements ne représentent donc pas la majeure partie des coûts liés à la maladie.

Si nous avons vu précédemment que l’achat des traitements représentent 1,6% du salaire médian français, il est intéressant de noter que les économies du déremboursement représentent 0.05% des dépenses de la Sécurité Sociale liées aux maladies en France en 2015 (2). On observe donc un déséquilibre entre l’impact social et l’impact sur l’état. D’après la ministre de la santé Agnès Buzyn, les économies faites avec le déremboursement seront réorientées vers la prise en charge des patients (33). Toutefois, encore aucune aide officielle n’a concrètement supporté ces propos.

Étant donné l’effet controversé des traitements sur le ralentissement du déclin cognitif, il est important de se référer aux études pharmaco-économiques tentants de vérifier la rentabilité de ces traitements. En effet, même si les traitements actuels ne sont pas curatifs, ils peuvent tout de même être rentables socialement et économiquement parlant. Si l’on repousse le déclin cognitif et ainsi la perte d’autonomie chez le patient, on diminue aussi le temps durant lequel la prise en charge du patient est difficile et coûte cher (temps accordé par les proches-aidants, aide à domicile, mise en institution, etc.). Selon un article tiré du The Lancet Commissions, retarder la démence de quelques années permettrait à beaucoup de personnes d’atteindre la fin de leur vie sans développer de symptômes handicapants. Ainsi, la prévalence de démence serait réduite de moitié si son apparition était retardée de 5 ans (2). Les études pharmaco-économiques effectuées à ce jour ne sont pas très nombreuses et ne présentent pas les mêmes conclusions. Toutefois, elles tendent toutes à affirmer que la prise de traitement anti-Alzheimer ne représente pas une perte financière. La prise de traitement serait rentable ou au pire équivalent à un placebo (neutre) en termes de rentabilité (18,20,79). En conclusion, le remboursement des médicaments semble être un investissement au pire neutre d’un point de vue économique et leur prise induit au mieux une légère amélioration sur la qualité de vie.

D’un point de vue européen, la France n’est pas l’unique pays à avoir fait le choix de ne rembourser aucun des traitements anti-Alzheimer. Il est intéressant de noter que les autres pays dans cette situation, c’est-à-dire Malte, la Bulgarie et la Lettonie, sont peu nombreux et ont un produit intérieur brut par habitant relativement bas pour l’Europe (11,80). Selon l’organisme britannique équivalent à la HAS appelé National Institute for Health and Care Excellence, les recommandations officielles qui ont été actualisées en juin 2018 restent positives quant à la prescription des traitements anti-Alzheimer (81).

Absence de prise de position de l’industrie pharmaceutique

Les quatre médicaments de la maladie d’Alzheimer ont été créés par quatre laboratoires de recherche différents. Par exemple, le donépézil (aricept) provient d’un laboratoire parisien alors que la rivastigmine (exelon) a été créé par l’entreprise pharmaceutique suisse Novartis. Les quatre laboratoires ont déposé quatre premiers brevets sur leur invention respective dans la fin des années 90 et puis plusieurs autres brevets par la suite pour différentes compositions et formes de ces quatre traitements originels. À ce jour, la majorité des brevets sont échus et la commercialisation de traitements anti-Alzheimer est principalement régie par le principe de concurrence. Toute entreprise pharmaceutique est donc aujourd’hui libre de produire et commercialiser les quatre molécules. En conséquence, les industries pharmaceutiques produisant les quatre médicaments sont nombreuses et les recettes qu’ils engendrent semblent logiquement être plutôt modestes.

Nous ne sommes pas parvenus à trouver de réactions de ces nombreuses entités pharmaceutiques face au déremboursement. Il semble que l’enjeu du remboursement / déremboursement en France ne soit pas une préoccupation majeure pour elles.

Il paraît que les laboratoires et différentes industries concernées sont plutôt focalisés sur la recherche d’un nouveau traitement révolutionnaire de la maladie d’Alzheimer. Par exemple, le page web de neurosciences de l’entreprise Novartis affiche qu’elle continue la recherche sur la maladie d’Alzheimer et le développement d’un nouveau traitement (82). Exelon n’est absolument pas mentionné.

Conclusion

La maladie d’Alzheimer est, de par sa prévalence et son impact sur la société, un enjeu sanitaire majeur du XXIe siècle. Les quatre traitements actuellement disponibles permettent de ralentir l’apparition des symptômes de cette démence, mais pas de la guérir. Si leur efficacité est avérée, elle reste toutefois très modeste et provoque une quantité non-négligeable d’effets secondaires.

D’après les analyses médico-économiques disponibles, ces médicaments sont au pire considérés comme neutre sur le plan économique (20), et voire même, selon certaines études, coûts efficaces (18,79). Concernant la communauté scientifique, les chercheurs démontrent à travers des études sérieuses que l’efficacité est prouvée mais ils restent sceptiques quant aux rapports bénéfices/effets secondaires. Ils proposent donc un diagnostic au cas par cas. Du côté des médecins praticiens, il y a tout d’abord un manque de consensus concernant le diagnostic de la maladie d’Alzheimer ainsi que sur les méthodes de traitement. En effet, certains proposent des méthodes cognitivo-comportementales axées sur la prise en charge, tandis que d’autres affirment être favorables aux quatre médicaments de la controverse. À ce jour, il en incombe donc à chaque état de décider d’encourager ou non la prescription des traitements anti-Alzheimer par leur remboursement.

Depuis l’été 2018, la France fait partie des quelques pays au monde à avoir déremboursé les quatre médicaments existants de la maladie d’Alzheimer. Cet arrêté ministériel a engendré bon nombre d’oppositions. Que ce soit dans le monde associatif ou lors d’interview, les médecins et le grand public ont exprimé leur incompréhension face à la décision du ministère et ils sont nombreux à demander le retour du remboursement.

Concernant notre point de vue, la frontière entre l’efficacité à ralentir le déclin et la capacité curative des traitements en question est parfois mal définie. De plus, certains acteurs de cette controverse semblent être sceptiques quant à l’efficience à freiner l’évolution de la maladie et sont plutôt alertés par les effets secondaires. Ces deux faits combinés les rendent défavorables aux traitements.

Or, selon nous, comme la maladie d’Alzheimer ne possède pas de traitement curatif à ce jour, un traitement qui permet d’éviter un aggravement de l’état de santé est profitable. Au sujet des effets secondaires, étant donné que chacun est libre de prendre ou ne pas prendre le traitement, il s’agit de peser les bénéfices du traitement et ses effets secondaires au cas par cas.

Pour ce qui est des coûts qu’ils génèrent, ces derniers semblent rentabilisés par le ralentissement du déclin cognitif, de la perte d’autonomie et donc le retardement de l’admission en établissement médical. Il est aussi intéressant de rappeler que la part de la Sécurité Sociale ne s’élève qu’à environ 0.05% de ses dépenses. Ceci ne représente pas une part majeure et paraît absorbable pour l’État français.

En outre, on pourrait reprocher à la HAS et au ministère de n’avoir qu’une balance scientifique des coûts/bénéfices et que ceci ne suffise pas pour la question du déremboursement de ces médicaments. En effet, n’aurait-il pas fallu intégrer un raisonnement éthique ? Est-il acceptable de refuser la possibilité à certains patients d’avoir accès à un traitement qui leur serait profitable ?

Heureusement, grâce aux avancées technologiques que nous vivons, l’espoir de pouvoir un jour diagnostiquer à temps et soigner la maladie d’Alzheimer perdure. Par exemple, des essais sont actuellement en cours dans le but d’utiliser des anticorps afin d’éliminer les protéines déficientes qui sont responsables de la neurodégénérescence dans l’Alzheimer (84). La recherche d’un remède continue.

Bibliographie

1.         La démence – OMS [Internet]. [cité 13 mars 2019]. Disponible sur: https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/dementia

2.         Davies R. Gill Livingston: transforming dementia prevention and care. The Lancet. 16 déc 2017;390(10113):2619.

3.         N. C. B, C. W. C. Evolution in the Conceptualization of Dementia and Alzheimer’s Disease: Greco-Roman Period to the 1960s. Neurobiol Aging. 1998;19:173–189.

4.         Derby CA, Katz MJ, Lipton RB, Hall CB. Trends in Dementia Incidence in a Birth Cohort Analysis of the Einstein Aging Study. JAMA Neurol. 1 nov 2017;74(11):1345.

5.         Giovanni B Frisonni. Troubles cognitifs de l’âge adulte et avancé 2.0. Diagnostique et prise en charge; 2018 sept 13; Université de genève, CMU.

6.         Nelson PT, Head E, Schmitt FA, Davis PR, Neltner JH, Jicha GA, et al. Alzheimer’s disease is not “brain aging”: neuropathological, genetic, and epidemiological human studies. Acta Neuropathol (Berl). mai 2011;121(5):571‑87.

7.         Leroy M. Rappels suite au déremboursement des traitements anti Alzheimer [Internet]. CNRMAJ. 2018 [cité 10 janv 2019]. Disponible sur: http://www.centre-alzheimer-jeunes.fr/rappels-suite-deremboursement-traitements-anti-alzheimer/

8.         Linden MV der L et A-CJV der. Le mythe de la maladie d’Alzheimer : que veut vraiment dire ce titre provocateur ? [Internet]. PENSER AUTREMENT LE VIEILLISSEMENT. [cité 4 mai 2019]. Disponible sur: http://www.mythe-alzheimer.org/article-le-mythe-de-la-maladie-d-alzheimer-que-veut-vraiment-dire-ce-titre-provocateur-51714052.html

9.         Giovanni BF. Maladie d’Alzheimer : existe-t-il des médicaments efficaces ? [Internet]. Hopitaux Universitaires de Genève; 2016. Disponible sur: https://www.youtube.com/watch?v=3pyUEV_vG5c

10.       Les traitements médicamenteux de la maladie d’Alzheimer [Internet]. Fondation pour la Recherche sur Alzheimer. [cité 4 mai 2019]. Disponible sur: https://alzheimer-recherche.org/la-maladie-alzheimer/prise-charge-traitements/medicamenteux/

11.       Alzheimer Europe – Policy in Practice – Country comparisons – 2006: Reimbursement of anti-dementia drugs [Internet]. [cité 4 mai 2019]. Disponible sur: https://www.alzheimer-europe.org/Policy-in-Practice2/Country-comparisons/2006-Reimbursement-of-anti-dementia-drugs

12.       OMS. For people with dementia, do acetylcholinesterase inhibitors, when compared to placebo/comparator, produce benefits/harm in the specified outcomes in non-specialist health settings? Juin 2012 [Internet]. [cité 4 mai 2019]; Disponible sur: https://www.who.int/mental_health/mhgap/evidence/resource/dementia_q1.pdf?ua=1

13.       OMS. For people with dementia, does memantine, when compared to placebo/comparator, produce benefits/harm in the specified outcomes in non-specialist health settings? Juin 2012 [Internet]. Disponible sur: https://www.who.int/mental_health/mhgap/evidence/resource/dementia_q2.pdf?ua=1

14.       OMS. Explanation of strength of recommendations. 2019 [cité 4 mai 2019]; Disponible sur: https://www.who.int/mental_health/mhgap/evidence/recommendations/en/

15.       Arrêté du 29 mai 2018 portant radiation de spécialités pharmaceutiques de la liste mentionnée au premier alinéa de l’article L. 162-17 du code de la sécurité sociale | Legifrance [Internet]. [cité 13 mars 2019]. Disponible sur: https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2018/5/29/SSAS1804466A/jo/texte

16.       Les médicaments de la maladie d’Alzheimer – EurekaSanté par VIDAL [Internet]. EurekaSanté. [cité 4 mai 2019]. Disponible sur: https://eurekasante.vidal.fr/maladies/systeme-nerveux/maladie-alzheimer.html

17.       Alzheimer Europe – News – Alzheimer Europe – Tuesday 26 June 2018 – Alzheimer Europe Press release: Alzheimer Europe calls on French health authorities to continue reimbursing anti-Alzheimer’… [Internet]. [cité 4 mai 2019]. Disponible sur: https://www.alzheimer-europe.org/News/Alzheimer-Europe/Tuesday-26-June-2018-Alzheimer-Europe-Press-release-Alzheimer-Europe-calls-on-French-health-authorities-to-continue-reimbursing-anti-Alzheimer-s-medicines

18.       Knapp M, King D, Romeo R, Adams J, Baldwin A, Ballard C, et al. Cost-effectiveness of donepezil and memantine in moderate to severe Alzheimer’s disease (the DOMINO-AD trial): Donepezil and memantine cost-effectiveness. Int J Geriatr Psychiatry. déc 2017;32(12):1205‑16.

19.       Ströhle A, Schmidt DK, Schultz F, Fricke N, Staden T, Hellweg R, et al. Drug and Exercise Treatment of Alzheimer Disease and Mild Cognitive Impairment: A Systematic Review and Meta-Analysis of Effects on Cognition in Randomized Controlled Trials. Am J Geriatr Psychiatry. déc 2015;23(12):1234‑49.

20.       Birks JS, Harvey RJ. Donepezil for dementia due to Alzheimer’s disease. Cochrane Dementia and Cognitive Improvement Group, éditeur. Cochrane Database Syst Rev [Internet]. 18 juin 2018 [cité 5 mai 2019]; Disponible sur: http://doi.wiley.com/10.1002/14651858.CD001190.pub3

21.       L’ANSM, agence d’évaluation, d’expertise et de décision – ANSM : Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé [Internet]. [cité 7 mai 2019]. Disponible sur: https://www.ansm.sante.fr/L-ANSM/Une-agence-d-expertise/L-ANSM-agence-d-evaluation-d-expertise-et-de-decision/(offset)/0

22.       Autorisation – Accueil [Internet]. [cité 7 mai 2019]. Disponible sur: http://agence-prd.ansm.sante.fr/php/ecodex/index.php

23.       alzheimer_19102011_synthese.pdf [Internet]. [cité 10 mai 2019]. Disponible sur: https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2012-01/alzheimer_19102011_synthese.pdf

24.       Haute Autorité de Santé – Médicaments de la maladie d’Alzheimer : un intérêt médical insuffisant pour justifier leur prise en charge par la solidarité nationale [Internet]. [cité 6 mai 2019]. Disponible sur: https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2679466/fr/medicaments-de-la-maladie-d-alzheimer-un-interet-medical-insuffisant-pour-justifier-leur-prise-en-charge-par-la-solidarite-nationale

25.       ebixa_recours_r163-13_ct16754_audition.pdf [Internet]. [cité 10 mai 2019]. Disponible sur: https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2018-05/ebixa_recours_r163-13_ct16754_audition.pdf

26.       aricept_eisai_recours_r163-13_ct16767.pdf [Internet]. [cité 10 mai 2019]. Disponible sur: https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2018-05/aricept_eisai_recours_r163-13_ct16767.pdf

27.       galantamine_biogaran_recours_r163-13_ct16756.pdf [Internet]. [cité 10 mai 2019]. Disponible sur: https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2018-05/galantamine_biogaran_recours_r163-13_ct16756.pdf

28.       Les traitements symptomatiques dans la maladie d Alzheimer en 2016 : à partir des Centres mémoire ressources recherche (CMRR) en France – PDF [Internet]. [cité 9 mai 2019]. Disponible sur: https://docplayer.fr/61966930-Les-traitements-symptomatiques-dans-la-maladie-d-alzheimer-en-2016-a-partir-des-centres-memoire-ressources-recherche-cmrr-en-france.html

29.       Alzheimer: les médicaments ne seront plus remboursés à partir du 1er août [Internet]. [cité 13 mars 2019]. Disponible sur: http://sante.lefigaro.fr/article/buzyn-va-derembourser-les-medicaments-contre-alzheimer/

30.       Décret du 3 mars 2016 portant nomination d’un membre et du président du collège de la Haute Autorité de santé.

31.       La liste complète du gouvernement d’Edouard Philippe. 17 mai 2017 [cité 7 mai 2019]; Disponible sur: https://www.lemonde.fr/politique/article/2017/05/17/le-gouvernement-d-edouard-philippe-nomme_5129160_823448.html

32.       Alzheimer : l’argent économisé par le déremboursement « sera réorienté vers l’accompagnement des malades », selon Agnès Buzyn [Internet]. [cité 9 mai 2019]. Disponible sur: https://www.lemonde.fr/sante/article/2018/05/28/alzheimer-vers-le-deremboursement-des-medicaments_5305562_1651302.html

33.       Alzheimer : le gouvernement financera « l’accompagnement » plutôt que « des médicaments dangereux » [Internet]. [cité 9 mai 2019]. Disponible sur: https://www.europe1.fr/sante/alzheimer-le-gouvernement-financera-laccompagnement-plutot-que-des-medicaments-dangereux-3666353

34.       Moore A, Patterson C, Lee L, Vedel I, Bergman H. Quatrième conférence consensuelle sur le diagnostic et le traitement de la démence. Can Fam Physician. mai 2014;60(5):e244‑50.

35.       Netgen. Antipsychotiques atypiques à l’âge avancé : à prescrire ou à proscrire ? [Internet]. Revue Médicale Suisse. [cité 7 mai 2019]. Disponible sur: https://www.revmed.ch/RMS/2008/RMS-153/Antipsychotiques-atypiques-a-l-age-avance-a-prescrire-ou-a-proscrire

36.       Schneider LS, Tariot PN, Dagerman KS, Davis SM, Hsiao JK, Ismail MS, et al. Effectiveness of Atypical Antipsychotic Drugs in Patients with Alzheimer’s Disease. N Engl J Med. 12 oct 2006;355(15):1525‑38.

37.       Landi F, Russo A, Liperoti R, Cesari M, Barillaro C, Pahor M, et al. Anticholinergic drugs and physical function among frail elderly population. Clin Pharmacol Ther. févr 2007;81(2):235‑41.

38.       L’IHU-A-ICM et l’IM2A – Fondation pour la Recherche sur Alzheimer [Internet]. [cité 13 mars 2019]. Disponible sur: https://alzheimer-recherche.org/1503/ihu-a-icm-im2a/

39.       Maladie d’Alzheimer : des spécialistes répondent aux 5 questions clés [Internet]. [cité 9 mai 2019]. Disponible sur: https://www.pourquoidocteur.fr/Articles/Question-d-actu/3671-Maladie-d-Alzheimer-des-specialistes-repondent-aux-5-questions-cles

40.       Notre histoire : Az France [Internet]. France Alzheimer. [cité 13 mars 2019]. Disponible sur: https://www.francealzheimer.org/notre-histoire/

41.       Mathieu Ceccaldi | Assistance Publique Hôpitaux de Marseille, Marseille | APHM | Service de neurologie et neuropsychologie [Internet]. [cité 6 juin 2019]. Disponible sur: https://www.researchgate.net/profile/Mathieu_Ceccaldi

42.       Les médicaments contre la maladie d’Alzheimer ne seraient pas efficaces [Internet]. [cité 6 juin 2019]. Disponible sur: https://www.europe1.fr/sante/les-medicaments-contre-la-maladie-dalzheimer-ne-seraient-pas-efficaces-2886698

43.       Médicaments « anti-Alzheimer » : l’efficacité est-elle réelle ? [Internet]. Fondation Vaincre Alzheimer. 2016. [cité 9 mai 2019]. Disponible sur: https://www.vaincrealzheimer.org/2016/06/03/medicaments-symptomatiques-alzheimer/

44.       Comment soigne-t-on aujourd’hui la maladie d’Alzheimer? [Internet]. [cité 6 juin 2019]. Disponible sur: /sante/comment-soigne-t-on-aujourd-hui-la-maladie-d-alzheimer,i142549

45.       Alzheimer : le Pr Olivier Saint-Jean veut en finir avec les médicaments inefficaces [Internet]. Libération.fr. 2015 [cité 6 mai 2019]. Disponible sur: https://www.liberation.fr/france/2015/09/20/alzheimer-le-pr-olivier-saint-jean-veut-en-finir-avec-les-medicaments-inefficaces_1386908

46.       Claude Leicher, stratège d’une médecine pour tous. 3 juin 2013 [cité 6 juin 2019]; Disponible sur: https://www.lemonde.fr/sciences/article/2013/06/03/claude-leicher-stratege-d-une-medecine-pour-tous_3423086_1650684.html

47.       Alzheimer: les malades doivent-ils encore prendre leurs médicaments? | Slate.fr [Internet]. [cité 6 juin 2019]. Disponible sur: http://www.slate.fr/story/129005/alzheimer-malades-prendre-medicaments

48.       Alzheimer : la fin du remboursement des médicaments encore en question [Internet]. Neuromedia. 2019 [cité 6 juin 2019]. Disponible sur: http://www.neuromedia.ca/alzheimer-la-fin-du-remboursement-des-medicaments-encore-en-question/

49.       «Non au déremboursement des médicaments symptomatiques de la maladie d’Alzheimer» [Internet]. FIGARO. 2018 [cité 6 juin 2019]. Disponible sur: http://www.lefigaro.fr/sciences/2018/06/17/01008-20180617ARTFIG00034-non-au-deremboursement-des-medicaments-symptomatiques-de-la-maladie-d-alzheimer.php

50.       Des médecins dénoncent le déremboursement des médicaments anti-Alzheimer. 18 juin 2018 [cité 9 mai 2019]; Disponible sur: https://www.lemonde.fr/sante/article/2018/06/18/des-medecins-denoncent-le-deremboursement-des-medicaments-anti-alzheimer_5317074_1651302.html

51.       Centre Mémoire de Ressources et de Recherche (CMRR) et neuropsychologie [Internet]. CHU Grenoble Alpes. 2015 [cité 9 mai 2019]. Disponible sur: https://www.chu-grenoble.fr/content/centre-memoire-de-ressources-et-de-recherche-cmrr-et-neuropsychologie

52.       Communiqué de presse officiel : « Le déremboursement des médicaments contre la Maladie d’Azheimer » (juin 2018) – SFGG [Internet]. Société Française de Gériatrie et Gérontologie (SFGG). 2018. [cité 6 juin 2019]. Disponible sur: https://sfgg.org/actualites/communique-de-presse-officiel-le-deremboursement-des-medicaments-contre-la-maladie-dazheimer-juin-2018/

53.       Missions – SFGG [Internet]. Société Française de Gériatrie et Gérontologie (SFGG). [cité 6 juin 2019]. Disponible sur: https://sfgg.org/la-sfgg/qui-sommes-nous/missions/

54.       Europe 1. Fin du remboursement de médicaments anti-Alzheimer [Internet]. [cité 9 mai 2019]. Disponible sur: https://www.youtube.com/watch?v=D5-rHLaBJg4

55.       Alzheimer : « Les médicaments déremboursés freinent le déclin des patients » [Internet]. [cité 9 mai 2019]. Disponible sur: https://www.europe1.fr/sante/alzheimer-les-medicaments-derembourses-freinent-le-declin-des-patients-3723983

56.       Le Télégramme – France – Alzheimer. « Perdre la mémoire, c’est ne plus être soi » [Internet]. [cité 6 juin 2019]. Disponible sur: https://www.letelegramme.fr/france/alzheimer-perdre-la-memoire-c-est-ne-plus-etre-soi-21-09-2018-12084737.php

57.       Professeur Marie Sarazin [Internet]. Fondation pour la Recherche sur Alzheimer. [cité 6 juin 2019]. Disponible sur: https://alzheimer-recherche.org/professeur-marie-sarazin/

58.       Alzheimer : Buzyn ne « reviendra pas sur le déremboursement des médicaments » [Internet]. [cité 9 mai 2019]. Disponible sur: https://www.rtl.fr/actu/politique/alzheimer-buzyn-ne-reviendra-pas-sur-le-deremboursement-des-medicaments-7793790027

59.       Rouaud O, Demonet J-F. La maladie ­d’Alzheimer et les ­maladies ­apparentées. Forum Méd Suisse ‒ Swiss Med Forum [Internet]. 21 mars 2018 [cité 10 mai 2019];18(11). Disponible sur: https://doi.emh.ch/fms.2018.03210

60.       Dossier-de-presse-Sondage-France-Alzheimer-déremboursement-2018.pdf [Internet]. [cité 10 mai 2019]. Disponible sur: https://www.francealzheimer.org/wp-content/uploads/2019/02/Dossier-de-presse-Sondage-France-Alzheimer-d%C3%A9remboursement-2018.pdf

61.       Alzheimer : 1 million de malades, 2 millions d’aidants, 20 milliards d’euros de coûts… et 0 traitement. 21 sept 2018 [cité 6 juin 2019]; Disponible sur: https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/09/21/alzheimer-1-million-de-malades-2-millions-d-aidants-20-milliards-d-euros-de-couts-et-0-traitement_5358249_4355770.html

62.       Aidant : un rôle qui s’est imposé ! – France Alzheimer [Internet]. [cité 13 mars 2019]. Disponible sur: https://www.francealzheimer.org/travail-accompagnement-double-vie-de-laidant/aidant-un-role-qui-sest-impose/

63.       Enquete_FA_JM2016vf_.pdf [Internet]. [cité 5 mai 2019]. Disponible sur: https://www.isere.fr/mda38/aider-aidants/Documents/Enquete_FA_JM2016vf_.pdf

64.       France Alzheimer : «Risquée et injustifiée» [Internet]. ladepeche.fr. [cité 6 mai 2019]. Disponible sur: https://www.ladepeche.fr/article/2016/10/21/2443778-france-alzheimer-risquee-et-injustifiee.html

65.       Synthèse Etude Reste à Charge [Internet]. calameo.com. [cité 5 mai 2019]. Disponible sur: https://www.calameo.com/read/00556489065a1d39e6819?authid=tixaPLIs5Ksz

66.       Déremboursement des médicaments anti-Alzheimer, et après ? [Internet]. France Alzheimer. 2018 [cité 13 mars 2019]. Disponible sur: https://www.francealzheimer.org/deremboursement-des-medicaments-anti-alzheimer-et-apres/

67.       Eurostat – Data Explorer [Internet]. [cité 5 mai 2019]. Disponible sur: http://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/show.do?dataset=ilc_di04&lang=fr

68.       France 3 Nouvelle-Aquitaine. Alzheimer : les médicaments déremboursés [Internet]. [cité 9 mai 2019]. Disponible sur: https://www.youtube.com/watch?v=5wppZ3jhQCw

69.       Quelles conséquences du déremboursement des médicaments ? [Internet]. RTL.fr. [cité 7 mai 2019]. Disponible sur: https://www.rtl.fr/actu/bien-etre/alzheimer-quelles-consequences-du-deremboursement-des-medicaments-7797012211

70.       Dossier de presse ; France Alzheimer. DÉREMBOURSEMENT DES MÉDICAMENTS DITS «  A N T I – A L Z H E I M E R  » [Internet]. [cité 6 juin 2019]. Disponible sur: https://www.francealzheimer.org/wp-content/uploads/2019/02/Dossier-de-presse-Sondage-France-Alzheimer-d%C3%A9remboursement-2018.pdf

71.       Les médicaments anti-Alzheimer vont être déremboursés [Internet]. [cité 9 mai 2019]. Disponible sur: https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Sante/medicaments-anti-Alzheimer-vont-etre-derembourses-2018-05-27-1200942113

72.       Avez-vous signé notre pétition contre le déremboursement des médicaments ? [Internet]. France Alzheimer. 2018 [cité 9 mai 2019]. Disponible sur: https://www.francealzheimer.org/avez-vous-signe-notre-petition-contre-le-deremboursement-des-medicaments/

73.       MesOpinions.com. Pétition : Médicaments anti-Alzheimer : satisfaits mais déremboursés… [Internet]. https://www.mesopinions.com/. [cité 9 mai 2019]. Disponible sur: https://www.mesopinions.com/petition/sante/medicaments-anti-alzheimer-satisfaits-derembourses/44237

74.       Le déremboursement entraîne une hausse immédiate des ventes des médicaments non remboursables.pdf [Internet]. [cité 6 juin 2019]. Disponible sur: https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/er1107.pdf

75.       Isabelle L-P. Haute Autorité de santé. 2018;35.

76.       World Alzheimer Report 2015, The Global Impact of Dementia: An analysis of prevalence, incidence, cost and trends. :87.

77.       Bérard A, Gervès C, Aquino J-P. Combien coûte la maladie d’Alzheimer ? 2015;100.

78.       Pr Michel CLANET. QUEL PARCOURS POUR LES PERSONNES ATTEINTES DE LA MALADIE D’ALZHEIMER ? [Internet]. Disponible sur: https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_pr_michel_clanetdf.pdf

79.       Coyle K. A Pharmacoeconomic Review of Cholinesterase Inhibitor Drugs for Alzheimer ’ s Disease. In 2015.

80.       World Economic Outlook (April 2019) – GDP per capita, current prices [Internet]. [cité 6 juin 2019]. Disponible sur: https://www.imf.org/external/datamapper/PPPPC@WEO

81.       Recommendations | Dementia: assessment, management and support for people living with dementia and their carers | Guidance | NICE [Internet]. [cité 5 mai 2019]. Disponible sur: https://www.nice.org.uk/guidance/NG97/chapter/Recommendations#pharmacological-management-of-alzheimers-disease

82.       Neuroscience [Internet]. Novartis. [cité 6 juin 2019]. Disponible sur: https://www.novartis.com/our-focus/neuroscience

83.       Cohen S. Alzheimer’s is not normal aging — and we can cure it [Internet]. [cité 9 mai 2019]. Disponible sur: https://www.ted.com/talks/samuel_cohen_alzheimer_s_is_not_normal_aging_and_we_can_cure_it

84.       Mo J, Li J, Yang Z, Liu Z, Feng J. Efficacy and safety of anti‐amyloid‐β immunotherapy for Alzheimer’s disease: a systematic review and network meta‐analysis. Ann Clin Transl Neurol. 30 oct 2017;4(12):931‑42.

85.       La HAS publie un guide exhaustif et des fiches pratiques sur la prise en charge des malades d’Alzheimer [Internet]. Banque des Territoires. [cité 9 mai 2019]. Disponible sur: https://www.banquedesterritoires.fr/la-has-publie-un-guide-exhaustif-et-des-fiches-pratiques-sur-la-prise-en-charge-des-malades

86.      Agnès Buzyn (@agnesbuzyn) | Twitter [Internet]. [cité 9 mai 2019]. Disponible sur: https://twitter.com/AgnesBuzyn

87.       JEAN OS. Alzheimer : vers le déremboursement des médicaments http://www.liberation.fr/france/2018/05/25/alzheimer-vers-le-deremboursement-des-medicaments_1654121 …via @libe Enfin !!! [Internet]. @PrOSaintJean. 2018T23:57 [cité 10 mai 2019]. Disponible sur: https://twitter.com/PrOSaintJean/status/1000269728588410880

89.       CNGE. Communiqué de presse : « Déremboursement des médicaments anti Alzheimer : enfin un pas important vers la clarté pour les patients et les professionnels » #CNGE #Alzheimer  https://www.cnge.fr/le_cnge/adherer_cnge_college_academique/cp_cnge_juin_2018_deremboursement_des_medicaments_/ …[Internet]. @CNGE_France. 2018T03:08 [cité 10 mai 2019]. Disponible sur: https://twitter.com/CNGE_France/status/1003941526400008192

Pilule contraceptive: les opinions divergent

Lucie DIBY, Camille MALLET, Juliette SEBELLIN, Jeanne SIMON THOMAS

https://www.choisirsacontraception.fr, 2018

En 1912 une jeune mère de trois enfants meurt en voulant avorter par ses propres moyens. La jeune infirmière Margaret Sanger assiste à l’événement. Issue d’une famille de 11 enfants, elle est confortée dans l’idée de trouver une solution libérant les femmes des grossesses non désirées.

Avec l’aide financière de la biologiste Katharine McCornick et les connaissances scientifiques de Gregory Pincus, ils tentent de trouver un nouveau moyen de contrôler les naissances. Leur projet ne s’achèvera qu’en 1960, après le développement d’un nouveau moyen contraceptif que l’on connaît tous aujourd’hui, la pilule hormonale. Elle a permis aux femmes de vivre des grossesses pleinement consenties, de pouvoir s’épanouir, si elles le souhaitaient dans d’autres domaines que la vie familiale 1.

La pilule fut légalisée en France en 1967 par le vote de la loi Neuwirth autorisant sa vente sur ordonnance en pharmacie. En 1974 la pilule rejoint la liste des médicaments remboursés par la sécurité sociale, ce qui a participé à sa démocratisation 2. Elle fut alors de plus en plus utilisée comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous, qui met en évidence l’essor de la pilule des années 70 jusqu’en 2010 3.

Figure 1 : Méthodes de contraception utilisées en France, 1968-20133

Toutefois, même si la pilule est le principal moyen de contraception en France, on constate sur le graphique une chute du nombre d’utilisatrices : “la désaffection amorcée dans le courant des années 2000, confirmée en 2010, puis en 2013 après la crise des pilules de troisième et quatrième génération se poursuit. Entre 2013 et 2016, le recours à la contraception orale a baissé de 3,1 points. Alors que 40,8 % des femmes prenaient la pilule […] en 2010, elles ne sont qu’un peu plus d’un tiers (33,2 % […]) en 2016” 4.

Aujourd’hui, son efficacité demeure indéniable puisque “Si elle est utilisée parfaitement, l’efficacité de la pilule (qu’elle soit combinée ou microprogestative) est très grande car supérieure à 99,7% 5.

Comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous, elle a le plus de succès chez les 20-24 ans et son utilisation est inversement proportionnelle à l’âge des utilisatrices 6.

Figure 2 : Méthodes de contraception utilisées en France en 2016 6

Au cours du temps, différentes catégories de contraception orale ont vu le jour. Il existe aujourd’hui deux principaux types de pilule : les pilules combinées et les pilules progestatives. Les pilules combinées sont oestroprogestatives (oestrogène et progestérone), et sont elle-mêmes réparties en quatre catégories (1ère, 2ème, 3ème et 4ème génération) en fonction de leurs composés. Elles sont administrées sur un minimum de 21 jours sur 28. Les pilules progestatives contiennent uniquement de la progestérone et sont administrées en continu 5. La pilule de première génération est composée d’un taux très élevé d’oestrogènes et de “versions artificielles de progestérones”. Il ne reste qu’une seule pilule de première génération encore en vente sur le marché suite aux craintes qu’elle suscite. La pilule de deuxième génération contient “une quantité beaucoup moins élevée d’hormones artificielles” que celle de première génération. “Elles se composent de progestatifs tels que lévonorgestrel et noréthistérone. La majorité des pilules contraceptives actuellement prescrites contiennent l’un de ces deux ingrédients.” Puis s’ensuivent les pilules de troisième génération “à base de progestérone comme norgestimate, désogestrel, gestodène ou acétate de cyprotérone”. La génération la plus récente à ce jour, est la quatrième génération. Elle contient “une hormone progestative, telle que drospirénone, acétate de nomégestrol ou diénogest” 6.

Les pilules agissent directement sur les ovaires, les hormones qu’elles déversent bloquent la maturation des ovules mais empêchent aussi la formation, dans l’utérus, d’un environnement favorable à la réception d’un ovule fécondé (nidation). Elles déclenchent également une réaction en cascade ayant pour but de créer un obstacle aux spermatozoïdes voulant rentrer dans le col de l’utérus en épaississant la glaire cervicale 7.

Cependant, son mode de fonctionnement étant basé sur la diffusion d’hormones de synthèse, la pilule semble être la cause de nombreux maux comme la prise de poids, les sauts d’humeur, les risques de cancers, d’AVC et de thrombose veineuse 8. Dès sa mise sur le marché, certaines femmes se sont posées des questions sur l’effet de l’absorption de composés chimiques sur la corps, ce qui a mis en place une controverse qui s’est maintenue au fil des années. Dans son livre The Doctors’ Case Against the Pill publié en 1969, Barbara Seaman met en garde les femmes sur la sécurité de ce nouveau contraceptif oral 11. La pilule s’est aussi récemment vue impliquée dans des procès la mettant en cause comme celui d’une jeune femme ayant subit un AVC massif qu’elle attribue à sa pilule de troisième génération 12.

Suite aux scandales dus aux effets secondaires des pilules de 3ème génération dans les années 2010, la contraception orale est de plus en plus sur la sellette. Des témoignages sur les effets secondaires de la pilule ne sont plus banalisés mais portés au grand jour, allant même jusqu’au lancement de nouveaux projets de recherches. La pilule perd sa notoriété et est de plus en plus boudée par les femmes. Ainsi les effets bénéfiques de cette contraception en comparaison à ses effets secondaires sont le cœur d’un débat entre acteurs économique, politique, médical et consommateurs.

L’impact des enjeux économiques sur l’accès à la pilule.

Delphine Rahib (chargée d’études en santé sexuelle), Mireille Le Guen (démographe) et Nathalie Lydié (directrice adjointe des affaires scientifiques à l’Inpes) ont réalisé une enquête (Baromètre Santé 2016) interrogeant les femmes sur leur contraception. Depuis sa commercialisation en France, la pilule occupe une place majeure au sein des moyens de contraception : en 2016 la pilule est le moyen le plus utilisé avec 33,6 % d’utilisation chez des femmes âgées de 15 à 49 ans 6. On peut alors se demander quels sont les enjeux économiques liés à ce nombre important de consommatrices.

La demande de pilule est donc élevée, mais l’offre l’est également. D’après le recensement des pilules disponibles sur le marché français du journal Le Monde, 87 pilules différentes sont disponibles, ainsi que « 14 anti-acnéiques prescrits et utilisés comme des pilules contraceptives ». Ainsi une multitude de pilules différentes existent afin de pallier les besoins des patientes et de « trouver la molécule la mieux adaptée » 13. Toutefois, cet article met en évidence un paradoxe : aujourd’hui il existe un nombre suffisant de pilules permettant de s’adapter à chaque type de patiente. En parallèle, les patients (et parfois les soignants) ont de la peine à s’y retrouver, les pilules ne sont pas toujours prises en charge par la Sécurité Sociale et le prix peut être élevé (jusqu’à 40 € la boîte de trois plaquettes d’après Le Monde).

En 2012, une jeune femme sous pilule oestroprogestative de troisième génération a eu un accident thrombo-embolique veineux. Sa plainte déposée contre un laboratoire pharmaceutique remet en cause la sécurité des contraceptifs. La mise en évidence de risques liés à l’utilisation de ces méthodes de contraception entraîne le déremboursement des pilules de 3e et 4e génération en mars 2013 6. Cette « crise de la pilule » a donc modifié l’accès à certains composés.

Malgré la mise en évidence d’effets secondaires graves tels que la thrombose, l’embolie pulmonaire ou l’AVC 7 provoqués par certaines pilules, la responsabilité des laboratoires pharmaceutiques est souvent niée. C’est notamment le cas pour la pilule « Yasmin » de la firme pharmaceutique Bayer, dont la notice est jugée insuffisante par le Tribunal Fédéral Suisse. « La société Bayer (Schweiz) AG n’est pas responsable, en tant que producteur de la pilule contraceptive « Yasmin », de la grave atteinte à la santé subie par une jeune femme devenue invalide, en 2008, à la suite d’une embolie pulmonaire. Sous l’angle de la responsabilité du fait des produits, l’entreprise pharmaceutique ne peut pas se voir reprocher d’avoir fourni des indications insuffisantes sur les risques de »Yasmin » dans la notice d’information destinée aux patients. » 14.

D’autre part, on constate de manière générale que les firmes pharmaceutiques ne s’expriment pas sur la manière avec laquelle elles décident de stopper le remboursement de certaines pilules. C’est notamment le cas du laboratoire pharmaceutique Merck Sharp and Dohme avec sa pilule en continu Varnoline : « Alors que Varnoline, non remboursée, est vendue autour de 30 euros, MSD a dû resserrer ses prix à 7,12 euros la boîte pour permettre le remboursement de Varnoline continu. Un prix quatre fois moins élevé… pour la même molécule » 13. D’après Le Monde, aucun des laboratoires contactés n’a souhaité s’exprimer concernant le déremboursement de leur médicament. Il en est de même pour ce qui concerne les effets secondaires de la pilule.

Ainsi, les pilules de 3e et 4e génération dont les effets secondaires peuvent s’avérer très graves ne sont pas retirées du marché, mais passent au statut de non-remboursées. Cela crée une disparité sociale puisque les femmes n’ayant les moyens financiers de se procurer ces pilules passent peut-être à côté d’un moyen de contraception qui serait adapté pour elles. Pour illustrer cela, reprenons le cas de Varnoline : une femme payant 7,12 euros sa boîte ne pourra peut-être pas continuer à acheter cette pilule une fois que celle-ci ne sera plus remboursée et deviendra quatre fois plus chère 13.

Les firmes pharmaceutiques ont conscience de cela et la mise à disposition d’une pilule de 3e génération à faible coût reste d’actualité : « plus l’offre contraceptive sera diversifiée, en termes de type de pilule et plus généralement de méthodes de contraception, plus les femmes auront de chances de trouver la méthode la mieux adaptée à leur situation sociale, affective et sexuelle comme à leur physiologie » 15.

Comme dit précédemment, le déremboursement des pilules de 3e et 4e génération restreint le nombre d’utilisatrices, ce qui baisse le nombre de ventes. Cependant l’argument des moyens financiers n’est pas le seul à expliquer pourquoi ces types de pilules sont moins vendues. En effet, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé incite les prescripteurs à privilégier les pilules de 1e et 2e génération au détriment des autres, dans un souci de prévention des risques et afin d’assurer la sécurité des consommatrices.

Ce phénomène est mis en avant sur le graphique ci-dessous, qui représente la répartition des pilules sur le marché français en fonction de leur génération dans le temps 16 :

Figure 3 : Parts de marché (%) des COC 1e et 2e Génération vs 3e et 4e génération

L’ANSM a lancé un plan d’action en 2012 recommandant aux médecins de prescrire des pilules faiblement dosées en estrogènes afin de limiter le risque de thrombose veineuse, qui s’avère être plus important pour les pilules de 3e et 4e génération. Cela explique la constante augmentation des parts de marché pour les pilules de 1e et 2e génération, qui passent de 52% en 2012 à 79 % en 2015.

La chute des parts de marché des pilules de 3e et 4e génération (48% en 2012 contre 28% en 2013) engendrée par la « crise de la pilule » n’inquiète pas les industries pharmaceutiques 13, qui visent un rééquilibrage à long terme des parts de marché (la hausse du pourcentage pour les pilules de 1e et 2e génération compensant la baisse des autres types de pilule).

A l’opposé, des études montrent que certaines pilules cessent d’être remboursées au profit des entreprises (et non à cause des risques sur la santé) : « Les chiffres de vente de pilules des douze derniers mois montrent que les laboratoires compensent des volumes de ventes plus faibles par un chiffre d’affaires conséquent grâce aux prix plus élevés des pilules non remboursées » 13. Les bénéfices des ventes sont parfois favorisés au détriment de l’égalité d’accès à la pilule.

Sachant cela, on pourrait alors se demander pourquoi ces pilules sont toujours prescrites et vendues. Selon le journal Nouvelobs, ces pilules continuent d’avoir du succès grâce aux arguments marketing des laboratoires, promettant aux femmes qu’elles auront moins d’effets secondaires (réduction de l’acné, de la pilosité excessive, des maux de tête et de la prise de poids). En écoutant leur gynécologue, certaines femmes sont donc prêtes à payer une pilule non remboursée en espérant que cela leur conviendra mieux 17.

Nous avons pu voir que le marché de la pilule est sujet à de nombreuses variations, notamment en raison de la médiatisation des effets secondaires. Ces derniers sont donc au coeur de la controverse sur la contraception orale.

Les effets secondaires sont-ils estimés à leur juste valeur ?

L’un des plus lourds effet secondaire, bien que rare, pouvant survenir est la thrombose, un      « phénomène pathologique consistant en la formation d’un thrombus (caillot sanguin, formé

de fibrine, de globules blancs et de plaquettes) dans une artère ou une veine » 18. La thrombose peut mener à une embolie pulmonaire ou un AVC (accident vasculaire cérébral), pouvant s’avérer mortel. Il est clairement exposé, notamment par l’organisation mondiale de la santé que la pilule augmente la probabilité de thrombose veineuse et qu’elle peut même varier selon les différentes générations de pilules 19. Chez les femmes de moins de 40 ans sans contraception, « la fréquence des accidents thromboemboliques veineux varie de 5 à 10 accidents/100 000 femmes par an » pour un chiffre de « 20 à 40 accidents/100 000 » 7 femmes prenant la pilule oestroprogestative.

Même si les médecins sont conscients que « ces risques thromboemboliques » sont « le danger de la pilule », ils trouvent le risque minime. Mr. Seydoux, Président de la Société gynécologique Suisse le montre en citant l’exemple d’un épidémiologiste disant clairement que pour une jeune femme de 25 ans prenant la pilule et conduisant, le risque de mourir d’une embolie est 15 fois inférieur à la probabilité de mourir d’un accident de voiture 20. Ces risques sont aussi dédramatisés quand on sait que « la grossesse et le post-partum ont un impact bien supérieur sur le risque thrombotique (5 fois plus que les oestroprogestatifs) et qu’elles restent les périodes les plus à risque de thrombose chez les femmes de moins de 40 ans : près de la moitié des accidents dans cette tranche d’âge surviennent au cours de la grossesse et du post-partum »7.

Les médecins du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français mettent aussi en avant que les AVC ou les infarctus du myocarde « sont essentiellement dus aux facteurs de risque de la patiente » 7.

Un autre effet redouté par les femmes est le cancer. En 2017, un groupe de médecins de la CNGOF mettent en commun les études et rédigent un rapport afin de savoir si la pilule favorise ou non l’apparition de cancer. Selon eux, « les grandes études de cohortes prospectives n’ont pas retrouvé d’augmentation de l’incidence des cancers (tous confondus) » et les femmes prenant la pilule « présenteraient même une réduction significative d’environ 10 % du risque global de cancer » 7.

Ces résultats sont confirmés dans une étude du Royal College britannique, qui montre « une diminution de 29 % des cancers gynécologiques et une meilleure espérance de vie chez les femmes ayant pris la pilule” 21. Ces chiffres sont principalement obtenus car la pilule agit en réduisant fortement les cancers de l’endomètre : dans le monde 400 000 cancers de l’endomètre auraient été évité en 50 ans grâce à la contraception orale 22.

Mais attention, le gynécologue Isaël Nisand le dit clairement : « cela ne fait évidemment pas des pilules des médicaments à utiliser pour leurs effets préventifs du cancer “21 . D’ailleurs a contrario, la prise de contraception estroprogestative engendrerait un sur-risque de cancer du sein (entre 1,2 et 1,6), notamment en cas de prise prolongée 7.

Toutefois, les médecins de la CNGOF montrent que la pilule a de nombreux bienfaits en plus de la contraception, tels que son pouvoir contre l’androgénie (production des hormones masculines virilisante provoquant pilosité, acné etc) , la ménorragie (exagération de l’abondance ou de la durée de l’écoulement menstruel) et les dysménorrhées (menstruations douloureuses) 7.

D’autre part, des effets secondaires dont les médecins ne parlent pas ont récemment été affichés par des femmes suivies au quotidien sur les réseaux sociaux, par des millions d’autres jeunes femmes. Des influenceuses, dont certaines utilisent la pilule, publient des vidéos à ce sujet pour témoigner et partager leur expérience avec leurs abonnés. Par exemple, les youtubeuses Enjoyphoenix 23, Shera 24, Cindy 25 et La Plume 26 font part des effets secondaires suivants : prise de poids, baisse de la libido, sauts d’humeur, problèmes de tension, malaise, migraines ophtalmiques… Bien que nombreux et concordant, ces témoignages sont à prendre avec du recul puisqu’il s’agit de l’avis de femmes sans formation médicale. Néanmoins, leurs affirmations ont une grande influence sur les jeunes filles et jouent le rôle de mise en garde et de sensibilisation. Cela permet aux jeunes d’être mieux renseignés au moment de la recommandation par le médecin d’un moyen de contraception.

EnjoyPhoenix, l’une des influenceuses les plus suivies en France, a récemment fait une vidéo sur son arrêt de la pilule à cause d’effets secondaires 23. Elle a notamment remarqué une très forte baisse de sa libido. Les médecins de la CNGOF répondent à ces accusations en disant qu’une revue de la littérature sur 30 ans n’a pas retrouvé « de profil précis permettant d’affirmer qu’un facteur hormonal ou biologique est déterminant dans ces troubles de la libido décrit chez certaines utilisatrices de pilule contraceptive ». De plus « pour la majorité des utilisatrices de la pilule contraceptive, l’effet sur la libido est donc neutre »7. Dans le rapport rédigé par le groupe de médecins décrit précédemment, les préjugés comme la stérilité ou la diminution de la libido sont également démentis.

Mais les médecins sont encore une fois divisés sur le sujet : dans le livre de Sabrina Debusquat, elle cite une gynécologue (Bérangère Arnal) affirmant sur cette baisse de désir sexuel que « le nombre de patientes faisant part de leurs troubles sexuels depuis qu’elles prennent la pilule (lui) suffit pour en être convaincue » 27.  

Ce n’est pas le seul effet secondaire ignoré et banalisé par le corps médical. De nombreux témoignages ont jailli sur les réseaux sociaux, comme celui d’une jeune fille racontant son enfer lors de sa prise de contraceptif hormonal sur le site de madmoiZelle. Pour elle « ce qui se manifestait comme une déprime se transforme en vraie dépression avec la prise de la pilule ». « Je suis toujours en larmes, sur la défensive, je retrouve de vieilles angoisses que j’avais réglées depuis une dizaine d’années » confie-t-elle 28.

Une étude Danoise 29 suivant 550 000 femmes sur 13 ans montre « la preuve, de grande qualité, que les contraceptions hormonales augmentent le risque de dépression ». Selon le chercheur Guillaume Fond, « le risque de déclarer une dépression doit être mentionné comme un potentiel effet secondaire de la pilule » 26.

A nouveau, les médecins de la CNGOF relativisent ce risque dans leur communiqué sur la pilule. Ils écrivent : « La revue de littérature la plus récente s’intéressant au lien entre dépression et utilisation de la pilule contraceptive est très rassurante.

Elle conclut que : – d’une part les résultats sont contradictoires mais que la majorité des études va dans le sens d’un effet plutôt neutre de la pilule sur le risque de dépression ;   – et que d’autre part la plupart des études qui retrouvent une augmentation de risque de syndrome dépressif chez les utilisatrices de pilules ne prennent pas en compte les facteurs confondants, ce qui signifie en d’autres termes qu’elles ne sont donc pas méthodologiquement fiables » 7.

A l’inverse des témoignages précédents, l’un des rares avis positifs sur la pilule venant des influenceuses est celui de la youtubeuse Allyfantaisies. Elle répond à la polémique actuelle de la pilule et contraste avec les autres youtubeuses. Elle est clairement favorable à la prise de ce moyen de contraception car elle ne note pas d’effets secondaires sur elle, et fait face à des crises du comportement alimentaire beaucoup plus fortes quand elle ne prend pas la pilule que lorsqu’elle la prend. Elle est donc l’une des rares femmes utilisant ce moyen contraceptif qui le conseille ouvertement.30

Cet avis n’est pas partagé par Shera qui fait part de son désarroi dans sa vidéo. Elle ne sait pas vers quel moyen de contraception se tourner car il n’y a pas de solution optimale connue ; chaque moyen de contraception implique des concessions.24 Cet état d’esprit se répand de plus en plus chez les femmes car les informations concernant la contraception sont contradictoires et les avis des médecins divergent. Dans un article du Figaro intitulé ”Pilule, des gynécologues indignés contre le docteur Joyeux”, le Pr Israël Nisand et le Dr Brigitte Letombe (CHU de Lille) réagissent aux propos récalcitrants du Dr Joyeux concernant la pilule. Les deux médecins sont pro-pilule et révèlent que le docteur Joyeux « se permet d’écrire dans un livre paru en 2013 des contrevérités dans le domaine de la contraception ». Il présente la pilule comme étant “la plus grande déroute médicale du XXIème siècle” et propose d’utiliser la méthode Ogino à la place de la pilule contraceptive. Cette méthode d’abstinence périodique est très décriée par le Pr Israël Nisand et le Dr Brigitte Letombe, puisqu’ils disent « qu’aucun spécialiste digne de ce nom n’oserait la proposer aujourd’hui, tant elle est défaillante ».21

Hormis quelques points de vue marginaux au sein de la communauté scientifique, la plupart des médecins préconisent la prise de la pilule. Les gynécologues la présentent aux patientes comme le moyen de contraception le plus utilisé et l’un des plus fiables. Dans l’émission “La maison des maternelles”, le docteur Lorainne Maitrot Mantelet rassure les femmes sur les accusations faites contre la pilule mais prévient que le choix d’une pilule n’est pas un choix anodin et doit être réfléchi. Elle dit aussi que les effets secondaires violents sont bien réels mais qu’ils ne sont présents que chez une minorité des femmes.31

Pilule contraceptive : entre investissement personnel et contraintes  

Dans le débat de la prise ou l’abandon de la pilule, les effets secondaires ne sont pas les seuls à faire parler d’eux. D’autres contraintes liées au fait que la pilule est un médicament ou simplement liées à la manière dont elle doit être prise, alimentent la controverse. L’argumentaire entre nos différents acteurs naît notamment d’une asymétrie réelle entre les recommandations des grandes instances de santé et l’application de celles-ci par le personnel médical.

Dans un mémo qu’elle publie nommé : Contraception hormonale orale : dispensation en officine 32 , mis à jour mars 2018, la HAS rappelle aux pharmaciens que la pilule est un médicament que l’on obtient uniquement sous prescription.

La HAS ( Haute autorité de santé ) se définit comme :  « […] une autorité publique indépendante à caractère scientifique.[…] Elle vise à assurer aux personnes un accès pérenne et équitable à des soins et des accompagnements pertinents, sûrs et efficients. Elle travaille aux côtés des pouvoirs publics dont elle éclaire les décisions, avec des professionnels pour optimiser leurs pratiques et leurs organisations et au bénéfice des usagers pour renforcer leurs capacité à faire leur choix. »33.

Pour cette première prescription, la HAS donne des directives dans une fiche Mémo nommée Contraception : prescriptions et conseils aux femmes, définie comme étant un outil pour le professionnel de santé afin de mieux aider les femmes à trouver la méthode de contraception qui leur convient 34. Elle suggère que l’on dédie une séance complète à ce choix. Cette consultation doit s’articuler autour des points principaux suivants :  mettre l’individu au cœur de cette consultation : « évaluer les attentes et besoins de la personne, ses connaissances et ses habitudes de vie », mais aussi informer le patient sur l’ensemble des possibilités qui lui sont accessibles : « fournir une information […] sur les méthodes contraceptives disponibles (y compris la stérilisation) […] et s’assurer de la compréhension de ces informations ». Il est aussi clairement mentionné que le « rapport bénéfices/risques des différentes méthodes » doit être pris en compte lors de la prescription 34. La HAS préconise donc d’adopter un certain comportement face au choix du contraceptif. Néanmoins, aujourd’hui de nombreuses voix s’élèvent et font entendre leur mécontentement à ce sujet.

On peut ainsi citer Sabrina Debusquat, auteur du livre Marre de souffrir pour ma contraception. Elle donne en 2019 une interview pour le média en ligne KONBINI ou elle évoque :  « le systématisme du tout pilule » avant de détailler cette expression : « une jeune femme qui va voir son gynécologue on va quasi systématiquement l’orienter assez fortement vers la pilule ou une contraception hormonale ». Selon elle la pilule serait distribuée trop facilement, et presque automatiquement 35.

Son avis fait écho à l’article d’Alexandra Roux, « Des experts aux logiques profanes : les prescripteurs de contraception en France » 36. Cet article a permis de mettre en avant les différentes pratiques des gynécologues et généralistes en fonction de leur lieu de travail et de leur niveau de formation. Il vise à expliquer la place centrale qu’occupe la pilule dans le rang des contraceptifs en France. On peut lire en conclusion de cet article : “Le faible encadrement des prescriptions contraceptives favorise des recommandations fondées sur l’expérience profane et les représentations des médecins, ce qui se traduit par une très grande variabilité de ce qui est effectivement proposé aux usagers (qui sont, en France, le plus souvent des femmes).” De telles constatations et témoignages ne vont pas dans le sens du comportement préconisé officiellement, notamment selon la HAS. En effet, certaines personnes estiment que la pilule est prescrite de manière trop systématique ou mettent en évidence que l’individu n’est pas toujours central dans le choix du contraceptif.

Ces éléments vont en faveur d’une pilule qui doit être délivrée sous un avis médical car c’est une contraception qui ne s’adapte pas à tous. Citons dès lors un exemple qui illustre un cas réel qui a opposé trois acteurs, patiente, médecin et industrie pharmaceutique.

En Suisse, le rôle du praticiens a aussi été évoqué dans le communiqué aux médias du Tribunal fédéral 14. Ce dernier fait suite aux conclusions d’un procès opposant le groupe pharmaceutique BAYER à une mère dont la fille souffrait d’un lourd handicap causé par un accident cérébral pouvant être relié à la prise d’une contraception orale hormonale. Elle mettait en cause rôle de BAYER dans cet accident et réclamait des dommages et intérêts pour tort moral sur la base de la loi sur la responsabilité du fait des produits. Ce communiqué à pour titre :  Pilule « Yasmin »: responsabilité de Bayer du fait des produits niée. En effet, on peut y lire : “[…]S’agissant des médicaments ne pouvant être délivrés que sur ordonnance médicale, il faut partir du principe que le patient ne possède généralement pas lui-même les compétences nécessaires à l’appréciation correcte des dangers qu’il court. Aussi les connaissances du médecin doivent-elles être prises en compte dans l’analyse de la question. Le médecin doit évaluer les profits et les risques des différents produits offerts sur le marché en fonction de l’application concrète et en discuter avec le patient. N’apparaît dès lors pas critiquable, pour ce motif, le fait que la possibilité d’un risque d’embolie plus élevé par rapport aux produits antérieurs n’ait été signalée que dans l’information mise à la disposition des médecins, et non dans la notice informative concernant « Yasmin » destinée aux patients.”

Les conclusions ont donc été que l’intervention du médecin étant nécessaire car ce médicament est sous prescription, on attendait de lui qu’il prévienne la patiente, non qualifiée pour sa lecture d’ordonnance, de tout risque. Il devait aussi mettre en place le protocole nécessaire à sa sécurité. Ces déductions ont donc conduit à nier la pleine responsabilité de BAYER dans l’accident. Ce procès peut donc être pris comme exemple des conséquences d’un non respect des recommandations de la HAS.

Comme vu précédemment on reproche à la pilule d’être trop souvent prescrite. Cependant de nombreux intervenants tentent de montrer qu’elle n’est pas un contraceptif qui s’adresse à toutes et ce notamment en raison des contraintes temporelles qu’elle impose.

Certains intervenants rappellent quelles sont les conséquences d’une mauvaise prise. Dans un dossier de presse copublié par le Ministère de la santé et l’INSEP, on peut lire qu’elle n’est pas 100% fiable. L’INPES (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé) est un établissement public administratif du ministère en charge de la santé. Dans le cadre de la politique de santé publique française, cet institut a pour mission de prévenir les comportements et les consommations à risques par la mise en œuvre d’actions favorables à la santé. Dans ce dossier intitulé : « CONTRACEPTION : Les Françaises utilisent-elles un contraceptif adapté à leur mode de vie ? » On peut lire que les circonstances du recours à la contraception d’urgence varient selon l’âge : les problèmes d’utilisation du préservatif étaient plus souvent évoqués par les femmes de 15-19 ans, l’oubli de pilule par les femmes de 20-24 ans. Chez ces dernières, la prise de la contraception d’urgence est consécutive à un oubli de la pilule dans 42,3 % des cas 37. Ce document met en avant l’importance d’un prise quotidienne de la pilule et souligne les conséquences de son oubli : la nécessité d’une prise de contraceptif d’urgence pour empêcher une grossesse.

Les institutions vont même jusqu’à créer des publicités servant à avertir le public sur les contraintes temporelles de la pilule. Dans un spot diffusé en 2012 à la télévision, produit par l’état français et diffusé par le site www.choisirsacontraception.fr, on peut entendre la conclusion suivante : « Certaines femmes pensent à leur pilule quoi qu’il arrive. Si vous avez tendance à l’oublier, il y a d’autres contraceptifs plus adaptés. Parlez-en avec un professionnel de santé”. 38 Cela met en avant le fait que la pilule est une contraception à laquelle il faut penser au quotidien. Ce spot publicitaire réaffirme que la pilule n’est pas adaptée à toutes en conseillant à chacune de se rendre sur le site internet afin de trouver sa contraception.

La pilule est présente sur la liste des contraceptifs, en effet elle prévient des grosses indésirées, un autre facteur est néanmoins à prendre à compte lors du choix de cette méthodes. Ce comprimé hormonal n’est dans certains cas pas suffisant, aux contraintes qu’elle impose s’ajoute parfois celles d’un autre contraceptif pour se proteger des infections sexuellment transmissible: le préservatif. En effet on peut voir que le site www.choisirsacontraception.fr préconnise l’emploie d’une double protection: “ Associer méthode contraceptive et préservatif vous assure une sécurité maximale. Contre les grossesses non prévues mais également contre les IST et le VIH-sida.”39

Il existe d’autres impératifs liés à la prise de ce médicament. Dans le dossier évoqué précédemment : Contraception: prescriptions et conseils aux femmes 34, la HAS préconise des comportements différents selon le contexte médical de chacun : « chez une personne sans antécédent personnel ni familial de maladie métabolique ou thromboembolique, qui ne fume pas et dont l’examen clinique est normal, peut être réalisé 3 à 6 mois après la prescription, en cas d’antécédent familial de dyslipidémie, doit être réalisé avant le début de toute contraception estroprogestative et 3 à 6 mois après »

Figure 4 : Témoignage paye ta contraception

Selon un témoignage paru en 2019 sur la page Instagram paietacontraception, qui diffuse des paroles anonymes de femmes prenant ou ayant arrêté la pilule, ce suivi est décrit de la façon suivante :  « Ras-le-bol de me rendre chez le gynéco tous les six mois pour subir touchers vaginaux insertion de spéculum et frottis en échange d’une prescription de pilule. Gestes invasifs, gênants à la limite du viol comme un prix à payer pour cette contraception. » 40. Ces rendez-vous réguliers préconisés par la HAS dans un souci de sécurité médicale peuvent pour certaines être mal vécus, ce qui alimente le débat.

On peut évoquer ici un autre aspect qui est sujet à débat, la prise de la pilule elle-même. C’est à nouveau un point sur lequel les avis divergent entre comportement à adopter selon la HAS et celui des autres acteurs : l’implication du partenaire.

Ainsi toujours dans le mémo Contraception:prescriptions et conseils aux femmes, on peut lire : « L’implication du partenaire dans le choix de la contraception peut avoir des conséquences positives sur l’observance et l’acceptation de la méthode. » 34 Or aujourd’hui plusieurs avis tendent à dire que les hommes ne sont pas assez impliqués dans le processus contraceptif.

C’est ce que dénonce Deborah Orr dans son article Sex is a shared responsibility. So why not contraception?, publié dans The Guardian en 2016. Elle est une journaliste régulière de ce média sur lequel elle publie majoritairement au sujet de débats politiques et sociaux. Dans son article elle critique ouvertement le manque de recherches sur une pilule masculine et dénonce le fait que les rares  qui ont été menées ont dû être arrêtées en raison d’effets secondaires. Elle les qualifie de similaires à ceux que peuvent ressentir les femmes sous pilule. On peut notamment y lire la phrase suivante : « Yet shared responsibility for reproductive freedom still seems so far away.” 41

Une fois de plus ceci montre que le débat est en majorité animé par les impératifs qu’engendrent la prise de la pilule mais surtout par les variations entre ce qui est préconisé officiellement notamment par la HAS et le vécu de certains acteurs.

Conclusion :

La controverse autour de la pilule contraceptive fait de plus en plus parler d’elle. Les scientifiques, les femmes, les politiques et les industriels se confrontent et n’arrivent pas à trouver un point d’entente qui satisfait les intérêts de chacun. Les femmes soulignent les effets secondaires de la pilule pendant que les médecins continuent de la prescrire revendiquant son efficacité. En cas d’incidents, industries pharmaceutiques et médecins s’accusent mutuellement d’en être responsables.

De plus, de nombreuses personnes se plaignent de l’inégalité Femme-Homme présente autour de la contraception et mettent en lumière le chemin qu’il reste à parcourir jusqu’à atteindre un  partage équitable du poids de la contraception.

La pilule engendre d’autres grands débats de société :  “La peur des hormones, le refus des effets secondaires (migraine, nausées, prise de poids), une conscience écologique plus grande expliquent l’émergence de cette génération post-pilule.4

Les contraintes directement liées à la femme ne sont pas les seules qui entourent la pilule. D’un point de vue écologique, il y a aussi tous les effets dus à la fabrication de la pilule et à son recyclage une fois qu’elle a été consommée. En effet, les pilules sont dans des emballages très gros pour leur nombre total et leur taille. Ceux-ci sont très gourmands en papier, d’autant plus que c’est un médicament qui s’achète en permanence, sur une longue durée et que les utilisatrices ne pensent pas toujours à les recycler.
Une fois la pilule consommée, une partie des hormones présentes est utilisée par le corps mais une partie est rejetée dans les urines. Les eaux sont ensuite traitées mais les traitements ne suppriment pas la totalité des hormones présentes. Elles peuvent donc se disperser dans la nature, ce qui a un impact sur les écosystèmes. En effet, un article a montré que lorsqu’on ajoutait de faibles doses d’hormones dans un lac, les poissons mâles devenaient hermaphrodites et qu’à terme, cela pouvait aboutir à une féminisation de la population puis à sa disparition 42. Un autre article fait le lien entre ce phénomène chez les poissons et l’augmentation des malformations congénitales et des problèmes de fertilité masculine chez les petits garçons.43
En réponse à ces accusations, le journaliste et docteur en physique Denis Delbecq a mené l’enquête pour savoir si la pilule a vraiment un effet néfaste sur l’environnement. Après l’analyse de l’ensemble des études parues à ce sujet, il affirme que les hormones présentes dans l’eau ne proviennent de la pilule que dans une proportion inférieure à 1% et qu’il ne faut donc la mettre en cause dans le phénomène de pollution et de féminisation des poissons. Pour lui, la plupart des hormones présentes dans les eaux usées proviennent des animaux et des médicaments autres que la pilule, tels que les médicaments pour les femmes ménopausées.44

La controverse sur la pilule contraceptive ne cesse donc de s’enrichir de nombreux acteurs et d’arguments qui alimentent le débat.

Bibliographie

1. DUCRUET, C. Comment la pilule a changé la vie des femmes. Les Echos (2009). Available at: https://www.lesechos.fr/2009/07/comment-la-pilule-a-change-la-vie-des-femmes-474515. (Accessed: 7th May 2019)

2. Contraception et avortement : les grandes dates en France. nouvelobs (2017). Available at: https://www.nouvelobs.com/societe/20071127.OBS6977/contraception-et-avortement-les-grandes-dates-en-france.html. (Accessed: 5th May 2019)

3. Guen, M. L., Roux, A., Rouzaud-Cornabas, M., Fonquerne, L. & Thomé, C. Cinquante ans de contraception légale en France : diffusion, médicalisation, féminisation. 4 (2017).

4. Cazi, E. Une enquête sur la contraception confirme la désaffection pour la pilule. (2017).

5. ChoisirSaContraception. (2018). Available at: https://www.choisirsacontraception.fr/moyens-de-contraception/la-pilule/. (Accessed: 5th May 2019)

6. Rahib, D., Le Guen, M. & Lydié, N. Baromètre santé 2016 – Contraception. 8 (2016).

7. Robin, G., Letombe, B., Rousset-Jablonski, C., Christin-Maitre, S. & Nisand, I. Faut-il vraiment avoir peur de la pilule contraceptive ? 17 (2017).

8. Pilules de 1ère, 2e, 3e, 4e génération: quelle différence ? Treated.com (2019). Available at: https://fr.treated.com/contraception/pilules-de-1ere-2e-3e-4e-generation. (Accessed: 6th May 2019)

9. Les types de pilules contraceptives, leur fonctionnement et comment les utiliser. (2019). Available at: https://www.mmt-fr.org/pilules-contraception/. (Accessed: 5th May 2019)

10. Pilule – Effets secondaires ? – Fiches santé et conseils médicaux. lefigaro.fr Available at: http://sante.lefigaro.fr/mieux-etre/sexualite/pilule/effets-secondaires. (Accessed: 1st May 2019)

11. Barbara Seaman. Wikipedia (2018).

12. Méréo, F. Marion Larat, victime d’un AVC : «Sur les risques de la pilule, il y a encore besoin d’informer» – Le Parisien. (2019). Available at: http://www.leparisien.fr/societe/marion-larat-victime-d-un-avc-sur-les-risques-de-la-pilule-il-y-a-encore-besoin-d-informer-29-01-2019-7999758.php. (Accessed: 5th May 2019)

13. Gérard, M. Les pilules contraceptives : un marché français très saturé. (2013).

14. Josi, P. Communiqué aux médias du Tribunal Fédéral. (2015).

15. Bajos, N. et al. Les inégalités sociales d’accès à la contraception en France | Cairn.info. (2004). Available at: https://www.cairn.info/revue-population-2004-3-page-479.htm?contenu=plan. (Accessed: 28th March 2019)

16. Evolution de l’utilisation en France des Contraceptifs Oraux Combinés (COC) de janvier 2013 à décembre 2015 – Communiqué – ANSM : Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (2017). Available at: https://www.ansm.sante.fr/S-informer/Communiques-Communiques-Points-presse/Evolution-de-l-utilisation-en-France-des-Contraceptifs-Oraux-Combines-COC-de-janvier-2013-a-decembre-2015-Communique. (Accessed: 5th May 2019)

17. Deffontaines, C. & Rocfort-Giovanni, B. Pourquoi il faut jeter sa pilule de dernière génération. L’Obs (2013). Available at: https://www.nouvelobs.com/societe/20130114.OBS5349/pourquoi-il-faut-jeter-sa-pilule-de-derniere-generation.html. (Accessed: 5th May 2019)

18. Larousse, É. Définitions : thrombose – Dictionnaire de français Larousse. Available at: https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/thrombose/77954. (Accessed: 7th May 2019)

19. de Bastos, M. et al. Combined oral contraceptives: venous thrombosis. Cochrane Database Syst. Rev. (2014). doi:10.1002/14651858.CD010813.pub2

20. Pilule contraceptive : le point avec Jacques Seydoux, Président de la Société gynécologique suisse – Vidéo. Play RTS Available at: https://www.rts.ch/play/tv/mise-au-point/video/pilule-contraceptive–le-point-avec-jacques-seydoux-president-de-la-societe-gynecologique-suisse?id=4668461. (Accessed: 7th May 2019)

21. Nisand, I. Pilule : des gynécologues indignés contre le Dr Joyeux. (2016). Available at: http://sante.lefigaro.fr/actualite/2016/03/18/24757-pilule-gynecologues-indignes-contre-dr-joyeux. (Accessed: 7th May 2019)

22. Beral, V. et al. Breast cancer and abortion: collaborative reanalysis of data from 53 epidemiological studies, including 83?000 women with breast cancer from 16 countries. Lancet Lond. Engl. 363, 1007–1016 (2004).

23. EnjoyPhoenix. POURQUOI J’AI ARRÊTÉ LA PILULE ? (2019).

24. Shera Kerienski. J’ARRÊTE … (2019).

25. Cindy Dslv. J’ARRETE LA PILULE ? QUELS EFFETS SECONDAIRES ? (2019).

26. La Plume. De la pilule au stérilet : mon expérience ! (2019).

27. Debusquat, S. J’arrête la pilule. (Les liens qui libèrent, 2017).

28. octobre 2018, M. | 26 octobre 2016 | 54 C. M. à jour le 08. La contraception hormonale m’a causé des dépressions — Témoignage. madmoiZelle.com (2016). Available at: http://www.madmoizelle.com/contraception-hormonale-depression-652941. (Accessed: 6th May 2019)

29. Piquet, C. ‘On a la preuve que la pilule contraceptive augmente le risque de dépression’ – L’Express. (2016). Available at: https://www.lexpress.fr/actualite/societe/on-a-la-preuve-que-la-pilule-contraceptive-augmente-le-risque-de-depression_1838128.html. (Accessed: 6th May 2019)

30. AllyFantaisies. Je prends la pilule et J’ADORE ÇA ! (Mes explications). (2019).

31. La Maison des Maternelles. Contraception : quoi de neuf en 2017 ? – La Maison des Maternelles #LMDM. (2017).

32. Haute Autorité de Santé – Contraception hormonale orale : dispensation en officine. Available at: https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1720982/fr/contraception-hormonale-orale-dispensation-en-officine. (Accessed: 7th May 2019)

33. Haute Autorité de Santé – Missions de la HAS. Available at: https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1002212/fr/missions-de-la-has. (Accessed: 6th May 2019)

34. Haute Autorité de Santé – Contraception : prescriptions et conseils aux femmes. (2015). Available at: https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1752432/fr/contraception-prescriptions-et-conseils-aux-femmes. (Accessed: 28th March 2019)

35. Debusquat, S. contraception konbini – Recherche Facebook. (2019). Available at: https://www.facebook.com/search/top/?q=%20contraception%20konbini&epa=SEARCH_BOX. (Accessed: 18th April 2019)

36. Roux, A., Ventola, C. & Bajos, N. Des experts aux logiques profanes : les prescripteurs de contraception en France. Sci. Soc. Sante Vol. 35, 41–70 (2017).

37. Institut national de prévention et d’éducation pour la santé & Ministère du travail et de l’emploi et de la santé. CONTRACEPTION : Les Françaises utilisent-elles un contraceptif adapté à leur mode de vie ? 18 (2011).

38. Institut national de prévention et d’éducation pour la. INPES Contraception. (2012).

39. ChoisirSaContraception. Available at: https://www.choisirsacontraception.fr/trouver-la-bonne-contraception/la-contraception-des-premieres-fois/la-double-protection.htm. (Accessed: 6th June 2019)

40. Anonyme. Paye Ta Contraception sur Instagram : #PayeTaContraception #marredesouffrirpourmacontraception #Contraception #Pilule #Feminisme #Femmes #Droitsdesfemmes #women #feminism #love…. Instagram Available at: https://www.instagram.com/p/BvxDrsXjU_n/. (Accessed: 30th April 2019)

41. Orr, D. A male pill matters because both partners can share the side-effects | Deborah Orr. The Guardian (2016).

42. Kidd, K. A. et al. Collapse of a fish population after exposure to a synthetic estrogen. Proc. Natl. Acad. Sci. 104, 8897–8901 (2007).

43. Astier, M. Risques pour la santé et pour l’environnement, la pilule contraceptive en question. Reporterre, le quotidien de l’écologie (2017). Available at: https://reporterre.net/Risques-pour-la-sante-et-pour-l-environnement-la-pilule-contraceptive-en. (Accessed: 1st May 2019)

44. Delbecq, D. Effets de terre » La pilule ne féminise pas les poissons. (2011).

Quand le sucre devient amer

Aurélie Cino, Alessia D’Esposito, Teresa M.Giusti, Sara Hussami, Orlane L.Maxit

Le sucre : une consommation controversée 

Notre controverse tourne autour de l’utilisation massive de sucre dans les produits industriels et transformés que nous retrouvons dans les rayons des grandes surfaces alimentaires. 

Nous verrons comment différents acteurs, tels que les industriels ou les professionnels de la santé articulent leurs opinions à ce sujet. 

Le débat entre les différents acteurs trouve sa source dans le constat suivant : la consommation de sucre est passée d’une consommation directe et visible à une consommation indirecte via les produits industriels. Voici quelques chiffres français : 60 % du sucre consommé en 1970 était d’usage direct alors qu’elle est tombée à 11% en 2017 pour laisser place à 89 % de sucre utilisé dans les produits industriels.[1]Autrement dit, au siècle passé le sucre servait essentiellement aux ménages à sucrer les desserts ou conserver les aliments (comme les fruits pour en faire de la confiture). Aujourd’hui, l’usage extensif du sucre se trouve dans la majeure partie des produits industriels : les boissons sucrées, les plats préparés, les produits transformés ou ultra-transformés comme les barres chocolatées ou les céréales du petit déjeuner. 

Figure 1 : https://www.sucre-info.com/document/consommation-de-sucre-xixe-siecle-a-nos-jours/

Plusieurs acteurs se sont prononcés sur les conséquences de notre changement de consommation sur notre santé mais aussi sur les implications socio-économiques. 

Nous diviserons notre texte en cinq thématiques : tout d’abord nous parlerons du lien entre le sucre et l’obésité, de l’addiction supposée au sucre puis de l’argument autour de la vente, de sa réglementation et enfin l’étiquetage des produits.

1) Lien entre le sucre et l’obésité 

En 2015, l’OMS a revu à la baisse sa recommandation de la consommation de sucre à 5% de l’apport énergétique quotidien, soit 25g de sucre par jour contre 10% en 2002. Cette décision fut prise en raison de l’augmentation de la population souffrant de diabète, de surpoids ou d’obésité.[2]

Plusieurs organismes et autorités sanitaires se sont prononcées sur la consommation de sucre et ses liens avec l’obésité. Pour la GEBN (Global Energy Balance Network), une organisation américaine à but non lucratif chargée d’enquêter sur les causes de l’obésité, l’alimentation et le sucre ne sont pas responsables de l’obésité. Ce qui rendrait une personne obèse serait la sédentarité, le manque d’exercice physique et non pas une mauvaise alimentation.[3]Cette organisation serait suspecte de recevoir un financement substantiel de la firme Coca-Cola, ce qui pourrait biaiser son étude.L’EFSA (European Food Safety Authority, source indépendante de conseils scientifiques et de communication sur les risques associés à la chaîne alimentaire) a délivré une opinion scientifique sur la consommation de carbohydrate (glucides naturels mais aussi rajoutés). Le résultat de leur méta-analyse est la suivante : « les études épidémiologiques ne démontrent pas de corrélation positive entre l’apport en sucre et l’obésité, plutôt le contraire ».4Si on regarde plus spécifiquement les remerciements à la fin de leur article on peut lire « Funding : supported by grants from European Sugar Industries […] as Coca Cola, Nestlé… »,[4]alors que ces multinationales sont directement impliquées dans la question de l’excès de sucre proposé par leurs produits. 

D’après Nathalie Majcher, diététicienne-nutritionniste spécialisée en éducation nutritionnelle, ce ne sont pas les quantités minimes prises individuellement qui causent un problème de santé mais l’accumulation de la consommation des produits industriels sur le long terme.5Que disent les industriels à ce sujet ? Pour le CEDUS (Centre d’études et de documentation du sucre), organisation interprofessionnelle du secteur du sucre de betterave et de canne en France, les teneurs en sucre demeurent bien trop faibles pour avoir de réelles conséquences sur la santé. Il assure que selon des enquêtes nationales (estimation Credoc CCAF 2016), les sucres cachés, c’est-à-dire ajoutés à des aliments par le fabricant ne représentent en moyenne que 5 à 10% de nos apports en sucre totaux, et qu’il y aurait plus d’apports en sucre dans les fruits et les légumes.

À cette affirmation s’opposent celles de certaines études épidémiologiques établissant le lien entre la consommation de sucres ajoutés (en particulier dans les boissons) et l’augmentation de la masse corporelle, l’obésité,7l’hypertension8,9et la dyslipidémie10(c’est-à-dire des taux sanguins anormaux de lipides, incluant le cholestérol et les triglycérides11). En conséquence, ces études affirment que les sucres ajoutés sont en lien avec des facteurs de risque cardio-vasculaire et de diabète.12

Pour dénoncer les méfaits du sucre et des appellations marketings trompeuses, un acteur australien, Damon Gameau, s’est lancée dans une expérience relatée dans son livre « Sugarland » paru en 2018.13Il teste pendant 60 jours un régime composé uniquement de produits industriels considérés comme sains et équilibrés : céréales, yaourts 0%, biscottes, smoothies, compotes, soupes, sans pour autant augmenter sa dépense calorique. Les résultats sur sa santé sont sans appel : 8 kg de plus et 10 cm de tour de taille gagné, sans parler des autres méfaits (baisse de l’énergie, peau ternie, irritabilité…).

Durant son régime, Damon a ingéré environ 40 grammes de sucre par jour, soit l’équivalent de 8 carrés de sucre. Il s’est stupéfait par la facilité de l’ingestion de cette quantité de sucres, tout en évitant des aliments classés comme « junk food » (malbouffe en français). Au cours de ces 2 mois d’expérience, il sentit des oscillations de son niveau d’énergie passant de très élevée à un état léthargique après environ 45 minutes de prise alimentaire. Bannir le sucre de son alimentation serait-il devenu une nécessité ?

Pas tout à fait. D’après une société chiropraticiens canadiens, la solution n’est pas d’exclure totalement la consommation de sucre quotidienne du fait des conséquences néfastes de la cétogenèse sur la santé. Il faudrait être capable de « cibler le sucre dans les produits afin d’en éviter la surconsommation et ainsi privilégier les sucres naturels en provenance des fruits ».14

2) Le sucre, une drogue ?

Toujours selon la diététicienne Nathalie Majcher, le sucre est utilisé pour rendre les consommateurs dépendants. Elle s’appuie sur des études non-mentionnées pour affirmer que le sucre agit sur le cerveau en stimulant les zones correspondant au circuit de la récompense et du plaisir, incitant les consommateurs à augmenter leur consommation en sucre. Pour Emilio, un YouTubeur soucieux de la santé de ses abonnés,15le sucre a un impact sur notre cerveau et joue un rôle dans la dépendance. Que disent les études scientifiques à ce sujet ?

D’après Serge Ahmed, neurobiologiste au CNRS (Centre National de Recherche Scientifique)16le sucre est plus addictif que la cocaïne. Une expérience sur les rongeurs a démontré que le sucre avait un effet plus addictif que la drogue. Lors de cette expérience, les souris avaient à leur disposition deux leviers, un délivrant de l’eau sucrée et l’autre de la drogue (cocaïne) : « Sur 100 rats testés, 94 préféraient largement le goût sucré à la cocaïne ».16Ceci expliquerait ce qui pousse les industriels à ajouter du sucre dans leurs produits. Cette expérience a été très controversée et de nombreuses opinions divergent quant aux résultats de cette étude. 

Pourtant, d’après le neurobiologiste, il est clair que « ceux qui remettent en cause cette addiction seraient au mieux incompétents au pire « financés par les industriels du sucre » ».16Pour d’autres scientifiques tels que Hisham Ziaudden, psychiatre, ou Jean Zwiller également directeur de recherche au CNRS  et spécialiste des drogues, la comparaison entre cocaïne et sucre ne peut se faire car les conséquences ne sont pas les mêmes.16En effet, le sucre ne provoque pas les mêmes effets que les drogues sur le cerveau et le corps.Les drogues sont connues pour nous mener à un état second nous poussant à des actes et à des sensations inhabituelles. Pour Robert Lustig, endocrinologue, le sucre serait addictogène mais il ne le compare cependant pas à une drogue dure comme la cocaïne mais plutôt à la nicotine. Il le nomme notamment « l’alcool des enfants ».17

En ce qui concerne les effets communs du sucre et de la drogue, tous semblent s’accorder en affirmant que le sucre et la cocaïne procurent une sensation de plaisir via la sécrétion de dopamine. Or, la conséquence du plaisir reste controversée. Si pour certains comme Jean Zwiller, « tout ce qui provoque du plaisir est susceptible de conduire à une dépendance »,18pour Tom Sanders, professeur de nutrition au King’s College, le terme addiction est faussement utilisé car l’absence de sucre n’amènerait pas à un syndrome de sevrage.17

3) Ingrédient phare de l’industrie agro-alimentaire 

Maud Bessat-Machi, diététicienne aux Hôpitaux Universitaires de Genève est alarmée par la façon dont les industries utilisent le sucre dans les plats salés : « Là où ça devient étonnant, c’est de trouver du sucre dans des aliments qui ne sont pas censés en contenir ».19 

Quant à Nathalie Majcher, elle explique que le sucre présente différents rôles expliquant « ses atouts indéniables » dans l’industrie agroalimentaire et pourquoi ces industries ne souhaitent pas s’en passer.5Ceci explique également, selon elle, comment nous parvenons à ingérer de grande quantité de sucre sans s’en rendre compte. 

Tout d’abord, le sucre servirait à « rehausser les saveurs » puisque le sucre adoucit les plats notamment ceux trop amères ou acides, comme la sauce tomate. Il permet également de « colorer les aliments » afin de les rendre plus appétissants. L’exemple le plus courant étant celui de la couleur rose du jambon qui est naturellement gris. Le sucre est un excellent conservateur mais a aussi un rôle intéressant pour améliorer la texture des aliments : « Il apporte de la consistance en assouplissant notamment les pâtes avant leur façonnage ».5Outre ses qualités gustatives, esthétiques et conservatrices, le sucre possède surtout un atout économique. En effet, il a la faculté magique de baisser les coûts de production « puisqu’il peut masquer le goût de matières premières de qualité moyenne ». Pour Emilio, le Youtubeur Français, l’argument commercial est prépondérant : « le sucre rend accro »15donc les industriels ont tout intérêt à en mettre dans leurs produits pour inciter le consommateur à plus consommer et ainsi générer plus de profit. La question de l’addiction au sucre irait donc de pair avec l’argument de vente. 

4) Marketing qui touche les enfants 

Les stratégies marketing des industries agroalimentaires ainsi que leur public cible mettent particulièrement en éveil la Fédération Romande des Consommateurs (FRC). En effet, celle-ci constate que les enfants sont particulièrement touchés par les arguments marketings des industries. Les mascottes sur les emballages, les publicités et les jouets cachés dans les paquets de céréales contribuent à la consommation de sucre chez les enfants.20En outre, l’organisation dénonce les efforts marketings entrepris par les entreprises pour proposer des produits « sains et wellness » à une clientèle cible, soucieuse de sa santé, mais néglige les produits destinés aux enfants qui sont nettement plus sucrés que les mêmes produits pour adulte. Dans leurs analyses détaillées, la FRC fait un classement des produits selon le marché qui le propose. Voici la réponse des industriels : plusieurs d’entre eux (Aldi, Coop, Lidl) promettent de retirer de leur marcher des produits céréaliers pour enfants à haute teneur en sucre. Quant au géant alimentaire Migros, elle propose plutôt de repenser ses produits mais en gardant ceux dont l’ingrédient composant est le chocolat. La FRC répond que Migros ne fait pas d’effort pour changer le déséquilibre entre les produits pour enfants et pour adultes. Les changements, qui restent salués par la FRC, ne répondent toujours pas au besoin sanitaire de l’augmentation de l’obésité et des maladies métaboliques chez les enfants, qui peinent à disparaître avec l’âge.21

5) Réglementation et taxe sur le sucre 

Au sein de la politique suisse, plusieurs citoyens neuchâtelois se sont réunis en 2016 afin d’imposer une taxe sur les produits sucrés à haute valeur énergétique.22Cette initiative, soutenue par le médecin suisse Lauren Kauffmann, s’inspire des taxes sur les boissons alcoolisées, le tabac et la restriction à leurs publicités. Afin de réduire la consommation des produits qui contiennent beaucoup de sucre ajouté et ainsi prévenir les risques d’obésité et de diabète, les signataires demandent que l’État légifère en la question. 

Au-delà de nos frontières, en Grande-Bretagne ou Afrique du Sud il existe déjà une taxe sur les boissons sucrées.23 En Grande-Bretagne, le secrétaire d’État à la santé estime que cette taxe permet de réduire la consommation de sucre chez les plus jeunes et prévient ainsi l’obésité infantile.23

En Suisse, cette initiative a été rejetée par une large partie du corps politique. D’après le Conseil des États, la « Déclaration de Milan », dont la Suisse est signataire depuis 2015, appelle les États à lutter contre l’obésité est une base législative suffisante. À la suite de celle-ci, des efforts sont déjà entrepris pour collaborer avec l’industrie agroalimentaire afin de réduire l’ajout de sucre dans des produits tels que les yaourts ou les céréales pour prévenir « l’épidémie mondiale des cas d’obésité et de diabète en évolution depuis quelques décennies », d’après le rapport de la commission Santé au Grand Conseil.24

Plusieurs acteurs se sont également prononcés en défaveur de l’initiative sur la taxe, notamment les grandes entreprises du commerce de détail, tel que Migros, Coop ou Manor. D’après eux, cette solution n’est pas efficace car les consommateurs pourraient se procurer ces produits à l’étranger pour des prix fortement concurrentiels car non-taxés et donc moins chers. Cette initiative ne changerait donc pas les habitudes des consommateurs. Pour rester compétitif, les industriels ont donc plus intérêt à baisser de leur plein gré leur taux de sucre plutôt que de vendre des produits plus chers.25

Pour Ernest Daellenbach, secrétaire général de la Communauté de travail de la branche des boissons en Suisse, il n’y a pas d’intérêt d’ajouter une taxe aux boissons sucrées. Pour lui, « une augmentation du prix des boissons sucrées ne va pas dissuader les consommateurs qui en abusent »,26car ceci reste un choix libre du consommateur qui ne doit pas être mis sous tutelle par des lois. Par exemple, la multinationale Nestlé affirme que la responsabilité de consommation de sucre revient aux parents. Elle estime qu’« ils devraient acheter d’autres produits pour leurs enfants (Corn Flakes Gluten Free) que ceux dont les emballages sont créés pour leur faire envie. ».20

6) Étiquetage et transparence 

Si le sucre est important sur de nombreux aspects et difficilement remplaçable pour les industriels, certains professionnels de santé proposent de plutôt clarifier l’étiquetage. D’après Léa Mesnay, diététicienne, les industriels n’aident en rien le consommateur à contrôler sa consommation de sucre d’autant plus qu’une personne âgée peut difficilement lire les caractères minuscules sur la longue liste d’ingrédients et encore moins comprendre le jargon des additifs chimiques.27

Un autre problème est que le sucre peut se cacher sous différentes appellations, comme le relève le médecin Robert H.Lustig : « il existe plus de 40 appellations différentes pour le sucre ajouté aux produits transformés : dextrose, fructose, saccharose, sirop de maïs, lactose, malt d’orge… ».28Selon lui, les industriels profitent de l’ignorance des consommateurs pour rajouter à son insu du sucre. Le problème est donc que le consommateur ne peut pas juger en toute conscience de la qualité du produit qu’il veut consommer. Pour pallier l’incompréhension quant à la composition des produits, une réforme peut répondre à cette problématique : le Nutri-Score.29Même si son efficacité reste discutable, le Nutri-Score, un code à 5 couleurs, permet d’informer le consommateur sur les différents critères nutritionnels. Les critères sont les suivants : la teneur en sucre, en sel, en gras et l’apport calorique. Selon l’ancienne ministre de la santé en France, Marisol Touraine, « la nutrition est un déterminant majeur de la santé, pour le surpoids, l’obésité et le diabète notamment, mais aussi certains cancers et les maladies cardiovasculaires ».30Les étiquetages actuels sur les produits seraient insuffisants pour permettre au consommateur de s’alimenter sans augmenter ces risques. Ainsi, mettre en place le système Nutri-Score permet une information claire et rapide sur la qualité nutritionnelle du produit. À noter que ce système est également soutenu par certains acteurs en Suisse, notamment l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV), afin « d’aider les consommateurs dans leur choix de denrées alimentaires saines ».31

Conclusion 

La question du sucre caché dans les produits agro-alimentaires continue à être une problématique délicate traitée par des acteurs de tout horizon : consommateurs, professionnels de la santé ou industriels. Les opinions quant à l’utilisation massive de sucre dans le domaine agro-alimentaire, ses justifications et ses conséquences sur la santé sont divergents et parfois contradictoires.

Globalement, nous constatons l’existence de deux groupes s’opposant : les consommateurs et les acteurs étatiques qui protègent la santé publique d’un côté et les industriels et les entreprises de grandes distributions de l’autre. L’analyse de cette controverse implique de toujours vérifier les intérêts des parties prenantes : des études sont parfois financées par des industriels de sucre qui ont intérêt à banaliser ou minimiser son effet sur la santé. Pourtant, l’avis des professionnels de la santé restent unanimes sur la question : l’excès de sucre porte préjudice à la santé. Obésité, diabète, inflammation, accélération du vieillissement cellulaire, dépendance… Tous les maux qu’on lui prête sont à juste titre même s’il est important de relativiser les propos afin d’éviter des dérives anorexigènes ou des régimes trop restrictifs. On remarque également que des produits sucrants alternatifs ont fait leur apparition sur le marché : édulcorant artificiel, stévia (sucre naturel extrait d’une plante d’Amérique latine) ou le sirop d’agave (dont l’apparence rappelle le miel). Pourtant, ces alternatives font l’objet d’autres débats encore non-résolus jusqu’à aujourd’hui. 

Le sucre gêne par son aspect addictif, presque incontrôlable. Un plaisir culpabilisant pour certains et totalement assumés par d’autres. Il entraine des comportements hétéroclites de consommation envers ces nouveaux produits dits « transformés ou ultra-transformés ». Ceux-ci encore inexistants il y a un siècle passé, font aujourd’hui partie des produits de consommation habituels de la plupart des ménages. 

La question qui émerge est :  comment contrôler cet excès s’il reste inconscient vis-à-vis des consommateurs non-éclairés ? Pour répondre à cette question, plusieurs pistes s’ouvrent sur le plan politique et sociétal : tout d’abord la piste de la réglementation. Taxer les produits sucrés, comme nous l’avons évoqué. Cette idée peut plaire sur deux points. La première, c’est qu’elle vise les ménages de petit budget, le plus souvent touchés par les problèmes d’obésité et de diabète. Elle les amène à reconsidérer leur mode de consommation. De plus, les enfants, qui sont des consommateurs « idéaux » par les industries tant par leur naïveté de leurs choix mais aussi par leur habilité à croire aux messages publicitaires, peuvent aussi protégés par cette taxe. 

Pourtant, la réglementation entrave plusieurs principes chères à nos pays occidentaux : la liberté de consommation ou le libre-marché. Comment l’État s’octroie-t-il le droit de contrôler ce que ses citoyens consomment ? Peut-il se permettre de juger qu’un produit alimentaire mérite d’être taxé comme on taxerait les paquets de cigarette ? Si oui, l’Etat mettrait officiellement le sucre dans la catégorie des produits dangereux pour la santé. 

Finalement les questions de la lisibilité et de la transparence des produits agro-alimentaires posent des problèmes de la gestion de la consommation de sucre par les consommateurs eux-mêmes. Est-il normal d’avoir autant de sucre caché dans les produits à la fois salé et sucré ? N’est-il pas un abus de confiance de la part des industriels d’ajouter d’autres formes de sucres parfois inconnus des consommateurs ? Ces questions restent ouvertes pour notre lecteur qui nous l’espérons aura mieux saisi les enjeux de cette controverse. 

BIBLIOGRAPHIE

[1]La consommation de sucre du XIXe siècle à nos jours [Internet]. Cultures Sucre. [cité 27 mai 2019]. Disponible sur: https://www.cultures-sucre.com/document/consommation-de-sucre-xixe-siecle-a-nos-jours/

2WHO. Guideline. [Internet]. Geneva: World Health Organization; 2015 [cité 27 mai 2019]. Disponible sur: http://public.eblib.com/choice/publicfullrecord.aspx?p=2033879

3L’information scientifique édulcorée par les millions de Coca-Cola [Internet]. [cité 27 mai 2019]. Disponible sur: https://www.francetvinfo.fr/sante/decouverte-scientifique/l-information-scientifique-edulcoree-par-les-millions-de-coca-cola_1204033.html

4EFSA to give advice on the intake of sugar added to food [Internet]. European Food Safety Authority. 2017 [cité 27 mai 2019]. Disponible sur: http://www.efsa.europa.eu/en/press/news/170323-0

5Majcher N. Pourquoi utilise-t-on autant le sucre dans l’industrie alimentaire ? [Internet]. DocteurBonneBouffe.com. 2018 [cité 27 mai 2019]. Disponible sur: https://docteurbonnebouffe.com/sucre-utilisation-industrie-alimentaire//   

6Pourquoi y-a-t-il du sucre dans les produits salés ? Est-ce du sucre caché ? [Internet]. [cité 25 mai 2019]. Disponible sur: https://www.lesucre.com/sucre-et-equilibre/alimentation/sucre-sucres-glucides/pourquoi-les-produits-sales-contiennent-ils-du-sucre.html

7Olsen, N. J., et B. L. Heitmann. « Intake of Calorically Sweetened Beverages and Obesity ». Obesity Reviews: An Official Journal of the International Association for the Study of Obesity10, no1 (janvier 2009): 68‑75.[En ligne].https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18764885[Consulté le 27.05.2019].

8DiNicolantonio, James J., et Sean C. Lucan. « The Wrong White Crystals: Not Salt but Sugar as Aetiological in Hypertension and Cardiometabolic Disease ». Open Heart1, no1 (2014): e000167. [En ligne].https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25717381/[Consulté le 27.05.2019].

9Bray, G. A., et B. M. Popkin. « Calorie-Sweetened Beverages and Fructose: What Have We Learned 10 Years Later ». Pediatric Obesity8, no4 (août 2013): 242‑48. [En ligne].https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23625798[Consulté le 27.05.2019].

10Dyslipidemia Definition [Internet]. AIDSinfo. [cité 25 mai 2019]. Disponible sur: https://aidsinfo.nih.gov/understanding-hiv-aids/glossary/767/dyslipidemia

11Bray, George A. « Fructose and Risk of Cardiometabolic Disease ». Current Atherosclerosis Reports14, no6 (décembre 2012): 570‑78. [En ligne].https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22949106[Consulté le 27.05.2019].

12DiNicolantonio, James J., James H. O’Keefe, et Sean C. Lucan. « Added Fructose: A Principal Driver of Type 2 Diabetes Mellitus and Its Consequences ». Mayo Clinic Proceedings90, no3 (mars 2015): 372‑81.[En ligne].https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25639270[Consulté le 27.05.2019].

13Zucchero! That sugar film – Damon Gameau, 2014, ENG Sub ITA – YouTube [Internet]. [cité 25 mai 2019]. Disponible sur: https://www.youtube.com/watch?v=jVQrMgG7T2c&feature=youtu.be
14 Chiro M. Le sucre joue à cache-cache, savez-vous comment le démasquer ? [Internet]. MonChiro.ca – Votre chiropraticien au Québec – On s’occupe de vous! 2018 [cité 28 mai 2019]. Disponible sur: https://www.monchiro.ca/blogue/le-sucre-joue-a-cache-cache-savez-vous-comment-le-demasquer

15Emilio / Vert Feuille. SUCRE : ce que les industriels vous cachent !! [Internet]. [cité 28 mai 2019]. Disponible sur: https://www.youtube.com/watch?v=tXJdCTI9Gr4

1Addiction: l’autre poudre blanche [Internet]. CNRS Le journal. [cité 28 mai 2019]. Disponible sur: https://lejournal.cnrs.fr/videos/addiction-lautre-poudre-blanche

17Le sucre est-il plus addictif que la cocaïne ?[Internet]. Libération.fr. 2018 [cité 28 mai 2019]. Disponible sur: https://www.liberation.fr/checknews/2018/01/29/le-sucre-est-il-plus-addictif-que-la-cocaine_1625877

18 Le sucre est-il vraiment aussi addictif que la cocaïne? [Internet]. LExpress.fr. 2017 [cité 28 mai 2019]. Disponible sur: https://www.lexpress.fr/actualite/sciences/le-sucre-est-il-vraiment-aussi-addictif-que-la-cocaine_1938291.html

19 On peut consommer à son insu 7 fois plus de sucre blanc que recommandé [Internet]. rts.ch. 2015 [cité 28 mai 2019]. Disponible sur: https://www.rts.ch/info/suisse/6459790-on-peut-consommer-a-son-insu-7-fois-plus-de-sucre-blanc-que-recommande.html

20 Cereales-fabricants-details.pdf [Internet]. [cité 28 mai 2019]. Disponible sur: https://www.frc.ch/wp-content/uploads/2016/01/cereales-fabricants-details.pdf

2Netgen. Obésité infantile : quels risques pour la santé à l’âge adulte ? [Internet]. Revue Médicale Suisse. [cité 28 mai 2019]. Disponible sur: https://www.revmed.ch/RMS/2013/RMS-376/Obesite-infantile-quels-risques-pour-la-sante-a-l-age-adulte

22 16137_com.pdf [Internet]. [cité 28 mai 2019]. Disponible sur: https://www.ne.ch/autorites/GC/objets/Documents/Rapports/2016/16137_com.pdf

23 Entrée en vigueur d’une taxe sur les boissons sucrées en Grande-Bretagne – Politique Economique – Trends-Tendances [Internet]. [cité 28 mai 2019]. Disponible sur: https://trends.levif.be/economie/politique-economique/entree-en-vigueur-d-une-taxe-sur-les-boissons-sucrees-en-grande-bretagne/article-normal-822871.html?cookie_check=1556193670

24 Initiative sur les produits alimentaires à haute valeur énergétique. [Internet]. [cité 28 mai 2019]. Disponible sur: https://www.ne.ch/autorites/GC/objets/Documents/Rapports/2016/16137_com.pdf  

25 CI du commerce de détail | Prise de position: Initiative du canton de Neuchâtel pour une taxe sur le sucre [Internet]. [cité 28 mai 2019]. Disponible sur: https://ci-commercededetail.ch/fr/consultations-prises-de-position/prise-de-position-initiative-du-canton-de-neuchatel-pour-une-taxe-sur-le-sucre

26 Romy K. Sans sucre ajouté, s’il-vous-plaît! [Internet]. SWI swissinfo.ch. [cité 28 mai 2019]. Disponible sur: https://www.swissinfo.ch/fre/economie/taxer-les-produits-sucr%C3%A9s-ne-passe-pas-en-suisse_sans-sucre-ajout%C3%A9–s-il-vous-pla%C3%AEt-/43952572

27magazine LP. Le film « Sugarland » dénonce l’excès de sucre dans nos assiettes [Internet]. Le Point. 2018 [cité 28 mai 2019]. Disponible sur: https://www.lepoint.fr/sante/le-film-sugarland-denonce-l-exces-de-sucre-dans-nos-assiettes-24-01-2018-2189171_40.php

28Sucre, l’amère vérité du Dr Robert Lustig [Internet]. [cité 28 mai 2019]. Disponible sur: https://www.lanutrition.fr/sucre-lamere-verite-du-dr-robert-lustig

29 Santé publique France – Nutri-Score [Internet]. [cité 28 mai 2019]. Disponible sur: https://www.santepubliquefrance.fr/Sante-publique-France/Nutri-Score

30 DICOM_Jocelyne.M. Marisol Touraine se félicite des résultats des études sur l’impact d’un logo nutritionnel : leur intérêt et l’efficacité du logo Nutri-score sont démontrés [Internet]. Ministère des Solidarités et de la Santé. 2019 [cité 6 juin 2019]. Disponible sur: https://solidarites-sante.gouv.fr/archives/archives-presse/archives-communiques-de-presse/article/marisol-touraine-se-felicite-des-resultats-des-etudes-sur-l-impact-d-un-logo

31 20minutes – vous allez en parler en format webapp! [Internet]. [cité 28 mai 2019]. Disponible sur: https://m.20min.ch/ro/news/suisse/story/-tiquetage-nutri-score-bient-t-dans-nos-assiettes-26460931

Figure 1 : La consommation de sucre du XIXe siècle à nos jours [Internet]. Cultures Sucre. [cité 6 mai 2019]. Disponible sur: https://www.cultures-sucre.com/document/consommation-de-sucre-xixe-siecle-a-nos-jours/


IQOS, une alternative moins nocive à la cigarette ?

Figure 1- Le tabac traditionnel n’est plus seul sur le marché de la fumée

  • Eliott Bosshard
  • David Celeny
  • Vincent Gaspoz
  • Cyril Pirek
  • Maxime Richard
  • Sébastien Spedaliero

Introduction :

La cigarette est aujourd’hui accusée à raison de nombreux maux et maladies (figure 1). C’est un petit rouleau de tabac haché et enveloppé dans un papier fin, composé de plus de 7’000 substances chimiques dont certaines sont nocives pour notre organisme. Par exemple, certaines substances comme le benzène sont cancérigènes (1). D’après l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), “les personnes qui fument meurent le plus souvent des suites de maladies cardio-vasculaires (39%), d’un cancer du poumon (28%), de maladies des voies respiratoires (15%) ou d’un autre cancer (14%) ”(2).

Ainsi, la cigarette est directement responsable de 7 millions de morts par année dans le monde (1).

Pourtant les revenus mondiaux du tabac dans le monde ne font qu’augmenter (figure 2). Une étude américaine estime qu’en 2021 ils atteindront 694 milliards de dollars (3), alors qu’ils étaient de 567,75 milliards de dollars en 2012.

Figure 2- Taille du marché global du tabac de 2012 à 2021 en millions de US dollars

Si les profits liés à l’industrie du tabac continuent de croître, c’est avant tout grâce au marché asiatique, où la Chine et l’Inde offrent un réservoir de population très important: “En 2012, en Chine, il y avait 100 millions de fumeurs de plus qu’il y a 30 ans en dépit d’un taux de tabagisme passé de 30 à 24%” (4).  De plus, dans la plupart des pays asiatiques, les lois contre le tabac sont moins restrictives que celles mises en place dans les pays occidentaux (4). 

Justement, la plupart des pays riches ont pris des mesures importantes afin de réduire au maximum la consommation de cigarettes. Ainsi en Suisse, il n’est plus possible de fumer dans des bâtiments publics. Les paquets de cigarettes doivent porter la mention : “Fumer tue”. Le prix des paquets de cigarettes a considérablement augmenté, passant d’environ 3 francs suisses (CHF) en 1992  à 8,5 CHF aujourd’hui (5). Des mesures similaires ont été prises dans la plupart des pays d’Europe. En conséquence, la consommation de tabac dans les pays occidentaux ne cesse de baisser. Par exemple en France, le nombre de cigarettes vendues est passé de 82’514 millions en 2000 à 44’926 en 2016 (6). Ainsi, en à peine 16 ans, le nombre de cigarettes vendues a presque diminué de 50% (figure 3).

Figure 3- Prix et nombre de paquets de cigarettes vendus en France de 2000 à 2016

En Suisse, “Le nombre de fumeurs est passé de 33 % (dans la tranche 15-65 ans) en 2001 à 27,1 % en 2017 (population à partir de 15 ans)”(2). Mais ces chiffres sont stables depuis 2011. Ainsi de manière générale, le nombre de fumeurs et le nombre de cigarettes vendues diminue depuis l’an 2000 dans les pays occidentaux. 

C’est dans ce contexte que Philip Morris international (PMI) a mis sur le marché un nouveau produit de tabac à chauffer : IQOS.

PMI est une compagnie multinationale leader dans l’industrie du tabac. Cette compagnie elle comprend plus de 70’000 employés et est présente sur environ 180 marchés répartis dans le monde entier. Sur ce territoire, PMI représente plusieurs marques, telles que Marlboro ou L&M, ainsi qu’une grande diversité de produits liés à la consommation de tabac (7).

Depuis presque deux décennies, les scientifiques de PMI Science développent plusieurs produits visant à changer les modes de consommation du tabac vers un monde sans fumée (8). De ce fait, la compagnie a mis sur les marchés japonais et italien en 2014, puis en Suisse en 2015, un Heated Tobacco Product (HTP) nommé “IQOS”, acronyme de “I Quit Ordinary Smoking”.

Ce produit innovant chauffe le tabac à une température de 350°C, permettant ainsi de relâcher les arômes du tabac sans le brûler, car la combustion se fait à partir de 600°C. IQOS chauffe donc le tabac pour ne pas produire de fumée et ainsi ne pas relâcher les composés les plus toxiques, comme les hydrocarbures polycycliques aromatiques (PAH), présents lors de la consommation d’une cigarette traditionnelle. Ce produit est conçu comme un appareil dans lequel on insère une cartouche de cigarette spécifique (HEETS ou HeatSticks), en mesure de contrôler la température à laquelle le tabac est chauffé. Le dispositif peut être rechargé à volonté (figure 4).

Il existe différents modèles d’IQOS. IQOS est disponible en différentes couleurs selon les préférences de l’utilisateur. 

Figure 4- Produit IQOS composé du chargeur, du dispositif et du Heatstick (de gauche à droite)

Sur son site internet, PMI explique qu’IQOS pourrait garantir un avenir sans fumée, sans feu ni combustion (9). Selon PMI, IQOS permet de “proposer aux fumeurs adultes des alternatives potentiellement moins nocives que les cigarettes” (10). Cependant il précise que “Ces nouveaux produits sont uniquement destinés aux fumeurs adultes qui souhaitent continuer à consommer des produits du tabac, ils ne sont pas destinés à des personnes n’ayant jamais fumé ou aux anciens fumeurs” (10).

En revanche, d’autres acteurs ou organisations comme la Fondation contre le Cancer belge pensent que PMI a mis IQOS sur le marché “pour compenser les pertes financières résultant d’une diminution des ventes de cigarettes en Occident, où le nombre de fumeurs tend à diminuer” (11).

Dans ce blog, nous allons donc analyser la controverse qui se déroule autour de cette nouvelle technologie lancée par PMI. L’analyse s’articulera autour de questions légitimes que le consommateur pourrait se poser avec, en filigrane, les aspects sanitaires, économiques et sociaux que cette controverse soulève.

L’impact d’IQOS sur la santé :

La question la plus importante autour de cette controverse concerne le niveau de nocivité d’IQOS par rapport à une cigarette traditionnelle. PMI avance que chauffer le tabac au lieu de le brûler est moins dangereux pour la santé, car il réduit la quantité de “Harmful and Potentially Harmful Constituents” (HPHCs) (12). Ces constituants sont considérés comme dangereux par la Food and Drug Administration (FDA), l’organisme de régulation américain des denrées alimentaires et des médicaments. PMI assure que IQOS en “contient en moyenne 90% (…) en moins par rapport à une cigarette” (13).

Un groupe de recherche du Tobacco Related Disease Research Program (TRDRP), organisme californien promouvant la recherche sur les effets du tabac, montre aussi qu’IQOS libère moins de HPHCs qu’une cigarette. Dans l’article publié, les chercheurs ont analysé les données de PMI. Ils en ont conclu que les émissions de 58 substances des HPHCs sont réduites de manière importante dans IQOS. Cependant, ils montrent aussi une augmentation significative de la concentration de 56 autres substances qui ne sont pas classées comme toxiques par la FDA mais dont l’impact sur la santé reste incertain (14). Les auteurs de cette étude préfèrent donc ne pas s’avancer quant à la toxicité de IQOS : “The impact of these substances on the overall toxicity or harm of IQOS is not known.” De plus, un autre groupe de recherche subventionné par le National Institutes of Health (NIH) a aussi publié une étude dans laquelle il analyse les données des études pré-cliniques de IQOS. Les chercheurs révèlent une possible hépatotoxicité due à l’aérosol relâché par IQOS comparé à la fumée d’une cigarette. En effet, selon leurs résultats, une exposition prolongée à cet aérosol provoque une hypertrophie du foie des cobayes et une présence de marqueurs cancérigènes (15). Le département de médecine de l’Université de Californie a repris les points importants de ces études et a transmis ces résultats à la FDA dans une lettre qu’elle lui a adressée à titre de mise en garde quant à la dangerosité de IQOS.

Il est intéressant de voir que PMI ne reste pas impassible face à ces études. En effet, le géant du tabac a répondu aux préoccupations de la faculté de médecine californienne. Pour répondre à la première étude, PMI dit que la cigarette est un composé complexe relâchant des milliers de substances et que les plus nocives sont classées. Puis l’entreprise insiste sur le fait que les substances étant augmentées dans l’étude ne sont pas classées comme dangereuses selon les normes (16). Ensuite, la réponse à la possible hépatotoxicité admet que la taille du foie des cobayes augmente après une exposition prolongée à IQOS, mais que cette hypertrophie serait plutôt due à des différences de mesures lors de l’étude, les résultats ayant été sortis de leur contexte. PMI conclut également que l’Université de Californie n’a pas mené ces recherches elle-même et donc ne peut pas prétendre à la véracité des données qu’elle contiennent.

“Such an analysis was not performed by the authors of the letter and therefore the conclusions they have drawn are incorrect and misleading” (17).

On constate donc que les différents acteurs se préoccupant de l’effet qu’IQOS aurait sur la santé sont en désaccord. Nous pouvons voir qu’IQOS relâche moins de HPHCs que la cigarette, mais relâche néanmoins des substances dont certaines sont inconnues. Puis, les effets adverses de ce produit semblent être mal connus. Déterminer les réelles conséquences sur la santé de IQOS demandera du temps et une exposition assez longue pour y lier directement des pathologies. 

Dans ce contexte, ne faudrait-il pas prendre des mesures de précaution quant à l’utilisation d’IQOS en attendant de pouvoir véritablement déterminer son impact sur la santé ? 

Selon PMI, IQOS relâche certes un aérosol moins nocif, mais en relâche tout de même. Dès lors, l’entourage des fumeurs d’IQOS doit-il craindre le risque de fumée passive ?

IQOS, un dispositif sans fumée passive ? La ville de Lausanne s’interroge :

             Une autre composante de cette controverse concerne la possibilité d’utiliser IQOS à l’intérieur des établissements publics. Cette problématique s’inscrit autour  de deux points principaux. Tout d’abord, IQOS n’étant pas considéré comme un produit brûlant le tabac, dans certains cantons comme celui de Vaud, il n’est pas soumis à la loi vaudoise interdisant de fumer dans les lieux publics (18). Deuxièmement, PMI a  une  conception du futur de l’industrie de la cigarette  qui se matérialise de la sorte : 

”We will be far more than a leading cigarette company. We’re building PMI’s future on smoke free products that are a much better choice than cigarette smoking”(19).

Ainsi, PMI désire proposer des produits sans fumée, tels qu’IQOS, qui sont selon l’entreprise une meilleure alternative à la cigarette. Grâce aux études menées par PMI concernant cette alternative à la cigarette, ils ont pu déterminer qu’IQOS ne générait pas de combustion et donc pas de fumée, que l’aérosol relâché par ce système contenait moins de composants toxiques que la cigarette classique et que ce même aérosol n’impacterait donc pas négativement la qualité de l’air à l’intérieur (20). Dès lors, PMI a proposé que son produit puisse être fumé à l’intérieur. C’est ce qui ressort notamment du projet de construction d’un espace promotionnel au centre ville de Lausanne, comme en témoigne cet article publié dans Le Temps :

“Convaincu des qualités de son produit, Philip Morris a demandé un permis de construire pour une boutique, un café-restaurant et des espaces de travail sur trois étages. Sans annoncer de fumoir”(21).

Cependant, la ville de Lausanne  a rejeté l’initiative de PMI de créer cet espace sans fumoir et a soumis IQOS à la loi sur la fumée passive. Elle a suivi l’avis du Conseil d’Etat qui a déclaré à propos d’IQOS :

“En l’absence d’une étude complète sur le produit, le Conseil d’Etat entend appliquer de manière proportionnée le principe de précaution. Il souhaite également veiller à l’applicabilité de la loi sur la fumée passive et entend donc prescrire la consommation de ce produit dans un espace qui lui soit dédié“(22).

Quelques mois après cette décision, contre laquelle PMI a fait recours, une étude menée conjointement par l’Institut romand de santé au travail et par la Policlinique médicale universitaire de Lausanne a été publiée à propos d’IQOS. Cette étude (23), menée par Reto Auer, médecin et professeur aux Universités de Berne et de Lausanne, indique qu’IQOS relâche “les mêmes composés toxiques qu’une cigarette conventionnelle” (24). En effet, les chercheurs ont analysé la fumée relâchée par ce produit et ont détecté des taux moins importants de composés toxiques. Cela contredit l’indication de PMI selon laquelle leur dispositif ne produirait pas de fumée, et les chercheurs en tirent la conclusion suivante :

“Selon les auteurs, la présence de ces composés montre que IQOS émet de la fumée et qu’elle ne devrait pas être utilisée dans les lieux publics fermés” (24).

PMI a répondu à cette étude en remettant en cause les résultats obtenus par cette étude et notamment la méthodologie utilisée. Il critique par exemple les  machines à fumer qui ont été utilisées pour analyser les composés chimiques relâchés par IQOS :

“We note, for example, that Auer R, 2017 reporting on a chemical analysis of the IQOS aerosol used a “smoking device designed and tested in [their] facility”. Without further description of this system, it is hard to compare their analysis with those we have reported previously, using standard and validated smoking machine systems and procedures” (25).

L’entreprise critique également le fait que Reto Auer et son équipe ont accusé, dans ce papier, PMI de jouer autour de la définition de fumée passive afin d’éviter les lois contre cette dernière. En effet, selon PMI, aucune donnée n’a été spécifiquement recueillie dans l’étude autour de l’impact sur l’air à l’intérieur par IQOS et cet impact ne peut être déduit d’une analyse chimique de l’aérosol. Cela rend cette accusation non fondée selon PMI :

“The authors suggest that we are “dancing around the definition of smoke to avoid indoor-smoking bans”. Unfortunately, the authors did not present any data regarding the impact of IQOS on indoor use. Due to the way in which IQOS functions and is used, its impact on air quality cannot be linearly extrapolated from mainstream aerosol chemistry data” (25).

Ainsi, avec ses multiples remarques émises à l’encontre de la méthodologie de cette étude, PMI conclut que :

“Taken together, the above-mentioned issues lead us to question the analytical methods that were used” (25).

La multinationale du tabac s’inscrit donc en faux par rapport à cette étude, ce qui se confirme, selon Reto Auer, par la demande que lui aurait faite PMI :

 “Ils ont remis en cause nos qualifications, la méthodologie de l’étude puis nous ont demandé de la retirer” (21).

Malgré ces critiques autour des donnés fournies contre IQOS, PMI a fini par renoncer à son projet de bâtiment sans fumoir au centre ville de Lausanne (26). Cependant, les raisons de cet abandon ne sont pas liées aux interrogations concernant la nocivité d’IQOS, mais selon Julian Pidoux, porte parole de PMI, il s’agit uniquement de raisons “strictement commerciales”(26). IQOS se vend plus de  quatre fois mieux à Lausanne par rapport à la moyenne nationale selon PMI, dès lors un bâtiment promouvant son produit n’est plus nécessaire dans cette ville (26). 

Ainsi, cette controverse autour de la fumée passive s’articule autour de données scientifiques qui sont remises en cause par les différents acteurs de cette problématique. D’un côté, PMI critique la méthodologie des études menées par Reto Auer et de l’autre, des associations comme Promotion Santé Vaud note qu’ “en l’absence d’études indépendantes de l’industrie du tabac, la question de sa nocivité/innocuité n’est pas résolue” (27).

Cependant, Karine Zürcher, responsable du Centre d’information pour la prévention du tabagisme vaudois, perçoit une autre dimension à cette controverse :

“Le cœur du combat est de convaincre de l’absence de fumée pour éviter d’être soumis aux lois actuelles et ainsi pouvoir réintroduire des produits comme IQOS dans l’espace public fermé” (21).

Selon elle, IQOS est avant tout un produit destiné à être réintroduit “dans l’espace public fermé” (21) et permettant de contourner les lois concernant la fumée passive plutôt que le “smoke-free future” (19) prôné par PMI. Ses craintes sont en partie partagées par l’ex-chef du Département de la santé vaudois, Pierre-Yves Maillard , qui a déclaré :

“L’objectif de faire migrer la consommation des fumeurs vers des produits moins nocifs est à soutenir; toutefois nous espérons que le but n’est pas, au passage, d’affaiblir la législation sur la fumée passive” (21).

Ainsi, ces deux personnes questionnent les motivations de PMI. IQOS vise-t-il à être une alternative moins nocive à la cigarette et sans fumée, ou ce dispositif est-il un moyen de contourner les lois contre la fumée passive ?

C’est dans ce contexte de questionnement autour du statut d’IQOS par rapport à la cigarette classique que vient se poser une nouvelle question. Quel doit être le statut  d’IQOS dans la loi suisse, celui d’une alternative à la cigarette ou celui d’une  cigarette classique ?

Encadrement législatif d’IQOS :

IQOS jouit aujourd’hui d’un cadre légal qui le distingue de la cigarette classique. En effet, ce produit est catégorisé, non pas comme une cigarette classique, mais comme un dispositif de tabac chauffé. Ce produit n’est ainsi pas astreint à l’obligation de mettre les mentions présentes sur les paquets de cigarettes comme les mises en garde sanitaire (“Fumer tue”) et les illustrations présentant les conséquences de la consommation du tabac. Au lieu de cela, un paquet de HEETS contient  la mention  ”Ce produit du tabac peut nuire à votre santé et crée une dépendance”(28). IQOS n’étant également pas catégorisé comme une cigarette classique, PMI paie des taxes moins élevées et n’est pas tenu de verser des redevances ni à la Société coopérative pour l’achat de tabac indigène (SOTA) ni au Fonds de prévention du tabagisme (29).Ainsi, un paquet de cigarettes classiques, vendu en moyenne 8 francs se voit prélever 53 centimes de taxes contre 12 centimes pour un paquet de HEETS vendu par PMI au même prix moyen de 8 francsSelon un article de la revue médicale suisse, “la marge pour les fabricants s’en trouve par conséquent nettement augmentée”(28).

 Cependant, comme nous l’avons exposé auparavant, il y a une controverse autour de la nocivité d’IQOS par rapport à la cigarette. Dès lors, cette position légale qui distingue clairement IQOS de la cigarette interroge plusieurs parties. L’Association suisse pour la prévention du tabagisme, par exemple,  estime  sur son site internet que les taxes concernant ces produits sont trop basses (29). Elle est également préoccupée par l’exonération de taxes pour le fond de prévention contre le tabagisme. Sur son site internet, le centre d’information pour la prévention contre le tabagisme-VAUD (CIPRET-VAUD) va même plus loin dans ses recommandations à propos des HTP, dont IQOS fait partie et propose “d’assimiler ces nouveaux produits aux cigarettes combustibles et de leur appliquer les mêmes réglementations” (30). Ces préoccupations sont également d’ordre politique puisque le 29 septembre 2017, Ruth Humbel, spécialiste du domaine de la santé et membre du parti démocrate-chrétien, a déposé une interpellation auprès du Conseil Fédéral, intitulée :

Pourquoi les produits du tabac à chauffer sans combustion ne sont-ils pas taxés pour ce qu’ils sont, à savoir des cigarettes ?” (31)

La réponse du Conseil Fédéral à cet égard est que d’une part “Le principe d’une taxation des produits du tabac en fonction du risque pour la santé ne figure pas dans la loi fédérale sur l’imposition du tabac”(31),et que d’autre part, IQOS se différencie dans la fabrication, l’utilisation et la non-combustion du tabac par rapport aux cigarettes ce qui justifie que ce produit ne soit pas classé dans la même catégorie de taxation que les cigarettes. D’autre part, PMI considère justement son produit sans fumée, comme un moyen de remplacer la cigarette avec moins de conséquences pour la santé et pour l’environnement. Huub Savelkouls, le responsable de la durabilité de PMI, dit justement que tous les efforts de PMI sont consacrés depuis 2017 à développer son produit sans fumée IQOS. De ce fait PMI a consacré 39% de ses revenus globaux dans la recherche et le développement d’IQOS (32).

Finalement, cette controverse entre PMI et ses opposants va se poursuivre car le nouveau projet de loi sur les produits du tabac et les cigarettes électroniques prend maintenant explicitement en compte les produits de tabac chauffés, mais en permettant à PMI de conserver des avantages, comme celui de ne devoir mettre qu’une seule mention légale sur leur paquet(33)Cette problématique autour du cadre législatif d’IQOS reflète finalement les interrogations concernant la nocivité de ce produit. IQOS est-il vraiment moins nocif qu’une cigarette et dès lors peut-on lui appliquer des lois différentes de celles s’appliquant à la cigarette  ? 

En poursuivant cette comparaison entre la cigarette classique et IQOS, il reste une propriété fondamentale de la cigarette qui n’a pas encore été traitée dans cette controverse, à savoir celle de l’addiction. Est-ce que IQOS est moins addictif qu’une cigarette classique ?

Addiction :

C’est un fait bien connu, la substance addictive principale dans les cigarettes est la nicotine. Cet alcaloïde contenu dans les feuilles de tabac se retrouve dans les cigarettes, peut être contenu dans le liquide des vaporettes et est présent dans IQOS. De ce fait, une question légitime se pose: IQOS est-il aussi addictif qu’une cigarette conventionnelle? Concernant les quantités de nicotine contenues dans le dispositif, le site internet du géant du tabac (34) stipule qu’un paquet de HEETS contient la même quantité de nicotine qu’un paquet de Marlboro Gold. Chiffres similaires mais plus bas dans l’étude de Reto Auer (35) où la proportion de l’alcaloïde dans l’aérosol comparée à la fumée d’une cigarette traditionnelle est de 84%.A priori, moins de nicotine rendrait le produit moins addictif. Cependant, ce n’est pas l’avis des auteurs d’un article (36) paru dans la Revue médicale suisse, qui écrivent : 

“si l’on admet qu’une personne fumeuse cherche à atteindre un certain niveau de nicotine dans le sang lorsqu’elle tente de substituer sa consommation de cigarettes conventionnelles par des produits de tabac chauffé, on peut s’attendre à ce que cette personne consomme plus de ciga­rettes à chauffer ayant un apport plus faible en nicotine.” Le journal Le Temps écrit dans un article que la COP8 (Eighth session of the Conference of the Parties) qui a pour but de “réduire de 30% la prévalence de la consommation mondiale de tabac d’ici à 2025. […] reproche à PMI et ses concurrents […] de vouloir continuer à miser sur la dépendance des consommateurs en leur vendant des produits riches en nicotine”.

André Calantzopoulos, directeur général de PMI, explique dans le même article que :

“la nicotine est le moindre des problèmes : c’est addictif, mais ça ne cause pas la perte des gens. Le problème, c’est la fumée. L’OMS table sur le fait qu’un milliard de personnes fumeront encore en 2025. Il faut sortir de l’idéologie et de l’émotionnel: la question n’est pas “est-ce que cette réalité existe ou pas ?” mais “est-ce que l’on peut adapter cette réalité en leur fournissant des alternatives qui soient bonnes pour eux, pour nos affaires et pour la société en général?”(37) .

 La question reste ouverte, les alternatives au mode de consommation conventionnel de tabac doivent-elles contenir de la nicotine ? L’enjeu est sanitaire et économique. L’addiction reste un problème prépondérant dans la lutte contre le tabac. C’est sur cette thématique qu’a été créé, en septembre 2017, la fondation “Foundation for a smoke-free world”. Son but principal est d’assurer la transition vers un monde sans fumée à travers trois axes : la transformation de l’industrie, la santé et l’initiative de transition agricole. La fondation prône ainsi les alternatives à la cigarette traditionnelle : 

“Miniaturizing batteries, sensors and control systems has led to consumer products developing that can deliver nicotine without the combustion of tobacco (…) Smokers can use these products either to help them transition to complete cessation, or to deliver the physiological or psychological experiences they seek with far lower exposure to the harmful substances in smoke” (38).

Quant au financement de la fondation, cette dernière déclare que “The Foundation has received a pledge of $80 million USD annually for 12 years, beginning in 2018 from Philip Morris International (PMI)”. Ceci peut paraître contradictoire mais selon les huits critères pour l’acceptation des fonds de l’industrie du tabac donnés sur le site de la fondation, la transparence et l’indépendance sont assurées : “The Foundation’s funders are legally prohibited from influencing or directing how funds are used, and have no involvement whatsoever in the Foundation’s operations.” (39). Promouvoir un monde sans fumée semble fondamental mais selon l’association suisse pour la prévention du tabac, ”en Indonésie, Philip Morris ne semble pour l’instant avoir aucun profit à tirer de l’existence de cette fondation (…)  les gens n’ont pas les moyens de s’offrir des appareils électroniques dernier cri” (40). Finalement, à qui cette prévention est adressée ? Cette prévention doit elle se faire avec ou sans nicotine ? 

Aspect Marketing :

            En soutenant ces fondations, les entreprises du tabac comme PMI reconnaissent implicitement l’impact sur la santé imputable à leur activité. Elles se présentent comme des collaboratrices de la santé publique. “Les efforts de communication des entreprises vont dans le sens de reconnaître les risques sanitaires de la cigarette conventionnelle et de profiler les produits HTP comme des produits plus “propres” et moins nocifs”(41). Ces assertions ainsi qu’un marketing à toute épreuve “laisse craindre le recrutement de nouveaux consommateurs” (41) parmi les adolescents et les jeunes adultes. Plusieurs facettes du produit et de son marketing attireraient de jeunes utilisateurs, posant ainsi une problématique éthique.

La visibilité de la marque est certaine. IQOS jouit d’une couverture médiatique alliant une pratique publicitaire semblable à celle de la cigarette traditionnelle avec une publicité nouvelle plus en adéquation avec son temps. On retrouve le produit sur des médias traditionnels, mais aussi des réseaux sociaux, festivals, applications smartphone, concepts stores ou encore shop-in-shop (41). Ce dernier est un espace réservé à la vente d’IQOS dans des kiosques avec un personnel affilié à la marque. Des évènements dans toute l’Europe peuvent témoigner d’une présence de la firme dans des événements fréquentés par une population jeune (figure 5). IQOS a par exemple sponsorisé en 2017 une soirée dans un night club à Catane avec un artiste italien connu ou encore un concert du groupe “Leningrad” à St. Petersbourg. La Suisse ne demeure pas en reste puisqu’une exposition de photographie, elle aussi subventionnée par la marque, s’est déroulée à Zürich en janvier 2017 (42). Tous ces éléments constituent une “redoutable vitrine promotionnelle” (41) pour un public jeune.


Figure 5- Promotion d’IQOS au Street Food Festival de Kiev en Ukraine (Juillet 2017) https://geometria.ru/events/other/2017/7/22/993787/pictures/62686880

Vidéo de promotion pour IQOS à Catane : 
https://www.welookaround.com/portfolio_page/philip-morris-iqos-night/

Mais la visibilité n’est pas le seul danger poussant à la consommation de tabac chez les jeunes. Karma McKelvey soulève que des autorités telles que la FDA devraient considérer les répercussions d’IQOS et de sa stratégie de vente sur la santé des jeunes.

“The FDA must consider what impact the new products and its related marketing will have on adolescents and young adults, (…) including its [modified-risk tobacco product] claims, labelling, marketing and advertising ; and consumers’ beliefs about the health risks of using the HTP relative to other tobacco products” (43).

Elle met en avant les éléments pouvant pousser les jeunes fumeurs ou non-fumeurs à la consommation de produits comme IQOS et décrit le manque de transparence de PMI sur ce sujet. D’une part, l’aspect du produit est selon elle proche de produits étant attrayants et ne contenant pas de tabac, comme par exemple Apple. D’autre part, la variété de goûts offerts par le produit serait selon elle un autre danger puisque les jeunes sont plus enclins à la consommation de tabac aromatisé. Ces éléments pourraient induire une perception réduite du danger lié à l’utilisation d’IQOS et donc en augmenter la consommation (43).

En 2019, PMI a suspendu sa campagne marketing sur les réseaux sociaux. En effet, l’agence de presse internationale Reuters a révélé le recours de la compagnie à de jeunes “influenceurs” sur les réseaux sociaux. Ce qui pose problème dans ce cas est l’âge d’un de ces “influenceurs”. En effet, les directives internes de PMI proscrivent l’usage d’individus de moins de 25 ans pour la promotion de produits contenant du tabac.

“The company’s internal marketing standards prohibit it from promoting tobacco products with youth-oriented celebrities or models who are or appear to be under the age of 25” (44).

Malgré cela, PMI a payé la moscovite Alina Tapilina,  ayant supposément 21 ans,  pour qu’elle publie un contenu mettant en avant leur produit (figure 6). En réponse à l’article, PMI a donc stoppé toutes ses actions auprès des “influenceurs”. L’entreprise a tenu à préciser à Reuters que ses directives internes n’engageaient qu’elle et qu’aucune loi n’avait été enfreinte.

“No laws were broken. However, we set high standards for ourselves and these facts do not excuse our failure to meet those standards in this instance” (44).

Figure 6- Publication Instagram d’Alina Tapilina (5.04.2019)

“J’ai enfin le nouvel IQOS 3 et je peux maintenant fièrement dire – Oui ! – Au changement !

Premièrement, le nouvel IQOS sent moins, il laisse moins d’odeur sur les habits, les mains et les cheveux et en plus de ça, il se recharge 15% plus rapidement.

Et je ne peux pas ignorer le fait que lors de l’utilisation du nouvel IQOS, une vapeur est dégagée dans l’air, dont le niveau d’éléments nocifs est en moyenne 90% moins élevé que dans la fumée.

Du coup, le changement ne se fait pas seulement pour moi, mais aussi pour mon environnement.

Et toi, tu n’es pas encore passé à IQOS ? Alors nous allons vers toi”.

Cependant, ces actions semblent être vaines car sur des réseaux sociaux comme Instagram le choix de l’âge est au bon vouloir du détenteur du compte et peut ne pas apparaître. Le cas d’Alina Tapilina n’est donc pas un cas isolé selon Reuters et d’autres personnes de moins de 25 ans sont des ambassadeurs de la marque sur les réseaux sociaux. De plus, grâce notamment au hashtag #IQOSambassador, ces posts instagram d’influenceurs s’inscrivent dans un réseau où IQOS est présenté comme un produit de style et de substitution à la cigarette traditionnelle.

“While most of the social media influencer hired by Philip Morris overseas did not list their ages on Instagram, a Reuters review of the firm’s social media marketing of IQOS in Japan, Italy, Switzerland, Russia and Romania shows that Tapilina’s online persona was typical of what the company called its social media ambassadors for the device (..).

Many of the messages contained the hashtag #IQOSambassador, tying them into a network of social media influencers that the international tobacco giant has relied on to brand the IQOS as a safer alternative to cigarettes and a sexy fashion accessory” (44).

Enfin, Matthew Myers, président de “Campaign for tobacco-free kids” résume la situation en énonçant que PMI ne change de comportement que lorsqu’elle est prise sur le fait accompli (44). “The company (…) has historically been the single most successful across the globe in making cigarettes fashionable to young people” (44).

Conclusion :

Pour conclure,la question centrale concernant ce sujet est : “Vaudrait-il mieux fumer IQOS plutôt qu’une cigarette traditionnelle ? ”. En exposant cette controverse, nous n’avons pas la prétention de répondre à cette question, mais de présenter les informations dont nous disposons sur ce sujet. PMI assure que son nouveau produit est moins nocif qu’une cigarette. Mais certaines recherches révèlent des risques potentiels sur la santé, notamment une possible hépatotoxicité. D’autres remettent en cause les résultats délivrés par PMI quant à la composition de l’aérosol d’IQOS. Ce produit ne relâche pas de fumée, mais certains redoutent son utilisation dans les lieux publics. Les HEETS sont vendues au même prix qu’un paquet de cigarettes, mais sont moins taxées. IQOS ne semble pas moins addictif que la cigarette classique. PMI cherche à démontrer sa préoccupation sur le thème de la santé publique avec une fondation pour un monde sans fumée, tout en exerçant un fort marketing souvent critiqué.

Aujourd’hui, IQOS est autorisé en Suisse mais ne peut être consommé à l’intérieur des lieux publics. Il est aussi autorisé dans la plupart des pays d’Europe et dans certains, comme en Italie, il est possible de le consommer à l’intérieur de lieux publics, tel que les restaurants. Ailleurs dans le monde, on note également une forte présence d’IQOS en Israël et surtout au Japon, qui représente  3,1 millions de consommateurs (45). Finalement, on sait que la FDA a été l’une des institutions les plus réticentes à autoriser IQOS. Pourtant, le 30 avril 2019, PMI a publié sur son site que celle-ci a finalement autorisé la vente de IQOS sur le territoire américain. Avec ses études scientifiques, PMI a constitué un dossier suffisant lui permettant d’entrer en négociations avec la FDA. Cet organisme consent alors à autoriser la vente du HTP de PMI, mais accompagné d’un marketing visant à faire migrer les consommateurs de cigarettes vers IQOS, tout en minimisant une augmentation du nombre de fumeurs. Ceci représente une grande opportunité pour les américains, selon le CEO de PMI, André Calantzopoulos;

“The FDA’s decision to authorize IQOS in the US is an important step forward for the approximately 40 million American men and women who smoke.”(46).

Est-ce une opportunité pour les fumeurs américains de fumer un produit moins dangereux pour leur santé, une alternative à la cigarette ? Ou est-ce en fait une opportunité pour PMI d’accéder à un nouveau marché de clients potentiels, au mépris de leur santé ?  Avec des différences sociales majeures aux USA, ce produit sera-t-il vraiment accessible à tous ?

Bibliographie :

  1. Defacto.ca,https://defacto.ca/fr/about(consulté le 02.05.19)
  2. Office fédéral de la santé publique OFSP, “Faits & chiffres: tabac”, https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/zahlen-und-statistiken/zahlen-fakten-zu-sucht/zahlen-fakten-zu-tabak.html(consulté le 15.05.19)
  3. Grand View Research, “Tobacco Market Size, Share & Analysis, Industry Report, 2012-2021”, https://www.grandviewresearch.com/industry-analysis/tobacco-market(consulté le 20.05.19)
  4. Sciences et Avenir avec AFP , “Asie. Les taux de tabagisme battent des records”,https://www.sciencesetavenir.fr/sante/asie-les-taux-de-tabagisme-battent-des-records_19301(consulté le 20.05.19)
  5. Direction générale des Douanes, “Evolution des prix et de l’impôt sur le tabac en Suisse 2015”. Berne: Direction générale des Douanes,https://www.suchtmonitoring.ch/docs/library/direction_generale_des_douanes_c2lvvbswphtr.pdf(consulté le 14.05.19)
  6. Aurélie Lermenier-Jeannet,”Tabagisme et arrêt du tabac en 2016”, https://www.ofdt.fr/ofdt/fr/tt_16bil.pdf(consulté le 15.05.19)
  7. Philip Morris International,“Discover Who We Are”, https://www.pmi.com/who-we-are(consulté le 15.05.19)
  8. Philip Morris International, “Building Leading Brands”,https://www.pmi.com/who-we-are/building-leading-brands(consulté le 28.04.19)
  9. https://fr.iqos.com/fr(consulté le 26.05.19)
  10. Philip Morris International, “Science et Innovation, Vue d’ensemble”, https://www.pmi.com/markets/france/fr/science-and-innovation?_ga=2.51281449.1652963187.1558795481-1374835115.1552394869(consulté le 26.05.19)
  11. Fondation contre le Cancer, “IQOS: aussi nocif que la cigarette”,https://www.cancer.be/nouvelles/iqos-aussi-nocif-que-la-cigarette(consulté le 02.05.19)
  12. Philip Morris International, Designing a smoke-free future, https://www.pmiscience.com/smoke-free( consulté le 28.05.19 )
  13. Philip Morris International, “Informations scientifiques autour d’IQOS” https://www.pmi.com/markets/switzerland/fr/science-and-innovation/iqos(consulté le 08.05.19)
  14. Helen, Gideon St, et al. « IQOS: examination of Philip Morris International’s claim of reduced exposure. » Tobacco control 27.Suppl 1 (2018): s30-s36.
  15. Chun, Lauren, et al. « Possible hepatotoxicity of IQOS. » Tobacco control27.Suppl 1 (2018): s39-s40
  16. Philip Morris International, “Response to the article entitled “IQOS: examination of Philip Morris International claim of reduced exposure””https://www.pmiscience.com/resources/docs/default-source/news-documents/summary-response-to-ucsf-on-reduced-exposure_v1.pdf(consulté le 07.05.19)
  17. Philip Morris International, “Summary of Evidence on the Absence of Hepatotoxicity of IQOS” https://www.pmiscience.com/resources/docs/default-source/news-documents/summary-response-to-ucsf-on-hepatotoxicitye921ad852f88696a9e88ff050043f5e9.pdf(consulté le 10.05.19)
  18. Le Centre universitaire de médecine générale et santé publique (Unisanté),”Interpellation devant le Grand Conseil vaudois 2016” https://tabagisme.promotionsantevaud.ch/interpellation-devant-le-grand-conseil-vaudois-2016/(consulté le 10.05.19)
  19. Philip Morris International,”Designing a Smoke-Free Future” https://www.pmi.com/who-we-are/designing-a-smoke-free-future(consulté le 10.05.19)
  20. Philip Morris International, “Our Findings to Date” https://www.pmi.com/science-and-innovation/our-findings-to-date(consulté le 07.05.19)
  21. Boris Busslinger, “Lausanne contrarie la «révolution» Philip Morris” https://www.letemps.ch/suisse/lausanne-contrarie-revolution-philip-morris(consulté le 07.05.19)
  22. Conseil d’état, “Réponse du Conseil d’état” https://tabagisme.promotionsantevaud.ch/wp-content/uploads/2017/05/2017_D%C3%A9cision-CE-interpellation-FFC.pdf(consulté le 07.05.19)
  23. AUER, Reto, CONCHA-LOZANO, Nicolas, JACOT-SADOWSKI, Isabelle, et al.Heat-not-burn tobacco cigarettes: smoke by any other name. JAMA internal medicine, 2017, vol. 177, no 7, p. 1050-1052.
  24. Policlinique Médicale Universitaire, “Rapport Annuel 2017”, https://www.pmu-lausanne.ch/sites/default/files/inline-files/10688_PMU_RA_2017_Ligtht_0.pdf(consulté le 15.05.19)
  25. Philip Morris International,Comments on the article entitled “Heat-Not-Burn Tobacco Cigarettes: Smoke by Any Other Name », https://www.pmiscience.com/news/comments-on-the-article-entitled-heat-not-burn-tobacco-cigarettes-smoke-by-any-other-name(consulté le 08.05.19) 
  26. Valère Gogniat, “Philip Morris veut convaincre que son avenir se fera sans cigarettes”https://www.letemps.ch/economie/philip-morris-veut-convaincre-avenir-se-fera-cigarettes(consulté le 08.05.19)
  27. Le Centre universitaire de médecine générale et santé publique (Unisanté), “Interpellation devant le Grand Conseil vaudois 2016”, https://tabagisme.promotionsantevaud.ch/interpellation-devant-le-grand-conseil-vaudois-2016/(consulté le 08.05.19)
  28. Berthet, A., et al.  » Produits du tabac «chauffé» : que faut‑il savoir ? » Revue médicale suisse 14.625 (2018): 1935-1941
  29. Thomas Beutler, “” Heat not burn”: fumée trop peu taxée” https://portal.at-schweiz.ch/index.php/fr/actualite/medias/394-heat-not-burn-fumee-trop-peu-taxee(consulté le 08.05.19)
  30. Le Centre universitaire de médecine générale et santé publique (Unisanté), “Quelles sont les recommandations du Centre universitaire de médecine générale et santé publique (Unisanté) ?” https://tabagisme.promotionsantevaud.ch/quelles-sont-les-recommandations-du-cipret-vaud/(consulté le 08.05.2019)
  31. Humbel Ruth, “Pourquoi les produits du tabac à chauffer sans combustion ne sont-ils pas taxés pour ce qu’ils sont, à savoir des cigarettes?” https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20173878(consulté le 31.05.19)
  32. Projet de Loi fédérale sur les produits du tabac et les cigarettes électroniques (LPTab) du 23.01.19, Art. 14 al. 1 lettre a (disponible sur https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/strategie-und-politik/politische-auftraege-und-aktionsplaene/politische-auftraege-zur-tabakpraevention/tabakpolitik-schweiz/entwurf-tabakproduktegesetz.html) (consulté le 22.05.19)
  33. Philip Morris International, “Transforming our business”, https://www.pmi.com/docs/default-source/pmi-sustainability/transforming-our-business.pdf(consulté le 30.04.19)
  34. Philip Morris International, “Quels sont les niveaux de nicotine contenus dans IQOS?” https://www.pmi.com/markets/switzerland/fr/science-and-innovation/iqos/how-high-is-the-nicotine-content-in-iqos(consulté le 23.05.19)
  35. Auer, Reto, et al. « Heat-not-burn tobacco cigarettes: smoke by any other name. » JAMA internal medicine 177.7 (2017): 1050-1052.
  36. Berthet, A., et al.  » Produits du tabac «chauffé» : que faut‑il savoir ? » Revue médicale suisse 14.625 (2018): 1935-1941
  37. Valère Gogniat, “Philip Morris veut convaincre que son avenir se fera sans cigarettes”https://www.letemps.ch/economie/philip-morris-veut-convaincre-avenir-se-fera-cigarettes(consulté le 30 mai 2019)
  38. Smokefreeworld, “Context for FSFW 2019-21 strategic plan”, https://www.smokefreeworld.org/sites/default/files/uploads/documents/context_for_fsfw_strategic_plan_01519.pdf(consulté le 25.05.19)
  39. Smokefreeworld, “Eight Criteria from Cohen, et al.i for Accepting Tobacco Industry Funding, Compared to the Governance of the Foundation for a Smoke-Free World”,https://www.smokefreeworld.org/sites/default/files/uploads/careers/fsfw_cohen_criteria_061118_v1.2.pdf(consulté le 25.05.19)
  40. Thomas Beutler, Communiqué de presse: Un monde sans fumée, ou l’opportunisme des cigarettiers”                                     https://portal.at-schweiz.ch/index.php/fr/actualite/medias/442-communique-de-presse-un-monde-sans-fumee-ou-l-opportunisme-des-cigarettiers(consulté le 25.05.19)
  41. Berthet, A., et al.  » Produits du tabac «chauffé» : que faut‑il savoir ? » Revue médicale suisse 14.625 (2018): 1935-1941
  42. Tobacco Free Kids, “Examples of PMI’s Global Marketing of iQOS”, https://www.tobaccofreekids.org/assets/content/press_office/2018/2018_03_28_IQOS_marketing_examples.pdf(consulté le 29.05.19)
  43. McKelvey, Karma, et al. « Heated tobacco products likely appeal to adolescents and young adults. » Tobacco control27.Suppl 1 (2018): s41-s47.
  44. Chris Kirkham,”Exclusive: Philip Morris suspends social media campaign after Reuters exposes young ‘influencers’” https://www.reuters.com/article/us-philipmorris-ecigs-instagram-exclusiv/exclusive-philip-morris-suspends-social-media-campaign-after-reuters-exposes-young-influencers-idUSKCN1SH02K(consulté le 29.05.19)
  45. TABUCHI, Takahiro, et al. Heat-not-burn tobacco product use in Japan: its prevalence, predictors and perceived symptoms from exposure to secondhand heat-not-burn tobacco aerosol. Tobacco control, 2018, 27.e1: e25-e33.
  46. Philip Morris International, “FDA authorizes sale of IQOS in the US” https://www.pmi.com/media-center/news/fda-authorizes-sale-of-iqos-in-the-us?utm_source=LINKEDIN&utm_medium=social&utm_content=Organic&utm_campaign=Corporate+Affairs__HQ_HQ__20190501(consulté le 09.05.19)

Figure 1- http://pointamine.canalblog.com/archives/2013/12/19/28700596.html

Figure 2- https://www.grandviewresearch.com/industry-analysis/tobacco-market

Figure 3- http://www.lefigaro.fr/economie/le-scan-eco/2017/06/23/29001-20170623ARTFIG00135-prix-du-tabac-la-ministre-de-la-sante-veut-une-augmentation-forte-et-rapide.php

Figure 4- http://business-review.eu/business/philip-morris-iqos-tobacco-heating-alternative-to-cigarettes-approved-in-us-200196

Figure 5- https://geometria.ru/events/other/2017/7/22/993787/pictures/62686880

Figure 6- https://www.reuters.com/article/us-philipmorris-ecigs-instagram-exclusiv/exclusive-philip-morris-suspends-social-media-campaign-after-reuters-exposes-young-influencers-idUSKCN1SH02K

La vaccination contre le HPV: une controverse en Suisse Romande depuis 2008

Figure 1: Image d’un article de la RTS concernant la vaccination contre le HPV – https///www.rts.ch/info/sciences-tech/8231637-l-agence-des-medicaments-de-l-ue-accusee-de-biais-sur-le-papillomavirus.html.png (consulté le 26.05.19)

Introduction

Dans le cadre familier de la suisse romande des dix dernières années, nous nous sommes penchés sur un sujet controversé, le vaccin contre le Papillomavirus Humain (HPV), plus communément appelé “vaccin contre le cancer du col de l’utérus”. 

Ce cancer, selon le site des Hôpitaux Universitaires de Genève, est développé par 230 femmes par an (selon le site, de nouveau, entre 25 et 30 femmes à Genève). Environ 90 décès par an sont aussi mentionnés. Il est ajouté que ce nombre est en particulièrement dû au manque de dépistage.Le site des HUG mentionne les techniques de prévention: le frottis est à la première place, suivi de l’utilisation de préservatifs pendant les rapports sexuels, et enfin « Informez-vous sur la vaccination contre le HPV. » (1)

La vaccination est un processus connu depuis le XVIIIe siècle, lorsque Edward Jenner développa le premier vaccin contre la variole. Le succès de ce vaccin poussa certains cantons suisses à la vaccination obligatoire. En 1848 le pouvoir est donné à la confédération d’agir en cas d’épidémies tandis que la responsabilité de la mise en place des vaccinations reste une affaire cantonale. En 1883, 80% de la population refuse la loi sur les épidémies qui inclut la vaccination obligatoire en émettant des réserves sur les effets secondaires de ces vaccins. Enfin, en 1886 la confédération laisse la responsabilité de la vaccination obligatoire à chaque canton (2).

La vaccination est un sujet controversé encore aujourd’hui, nous voyons en particulier aux États-Unis des mouvements anti-vaccination, mais aussi des épidémies voyant le jour, dues au manque de couverture de vaccination des derniers temps. L’histoire des mouvements anti-vaccination est longue ; en effet, une controverse dans les années 1970-80 a vu le jour au sujet des vaccins contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche. Aussi, après la publication, ensuite retirée de Andrew Wakefield, dans The Lancet, un journal médical renommé, certains mouvements présents aujourd’hui expliquent que leur raisonnement vient des doutes qu’ils ont eu au sujet du vaccin ROR (3). De l’autisme aux métaux lourds et toxiques utilisés dans les compositions de ces médicaments, les raisons mentionnées pour expliquer le mouvement sont multiples.

Contexte

Actuellement en Suisse, la vaccination est déléguée au niveau cantonal par la confédération, mais un plan de vaccination édité par la commission fédérale pour les vaccinations (CFV) en collaboration avec l’office fédérale de la santé publique (OFSP) est disponible. Ce plan de vaccination est divisé en trois sous-catégories, à savoir, les vaccins de bases, les vaccins complémentaires et les vaccins pour les personnes à risques.

Comme nous le verrons, le vaccin doit être accompagné de dépistages du cancer. Pour ceci, deux types de tests existent, le plus ancien Papanicolaou test (ou Pap test) et le HPV test. Ces tests sont effectués par un médecin pour voir de potentielles lésions précancéreuses ou le développement du cancer du col de l’utérus. Le Pap test est basé sur la cytologie des cellules du col de l’utérus, en effectuant un frottis cervical et en analysant les cellules prélevées. Le test HPV consiste à détecter la présence du virus HPV (4). Le Pap test est mentionné sur le site de l’OFSP, où il est écrit que ce test est établi en Suisse depuis les années 1970 (5). Le dépistage est recommandé par l’OFSP tous les 3 ans, ou “tous les ans s’il existe un facteur de risque”. Ils notent néanmoins que le pourcentage de femmes se faisant régulièrement dépister est de 50%  (6). En Suisse, la couverture de la vaccination contre le HPV varie selon les cantons. D’après un article publié en 2018 dans le British Medical Journal, la moyenne des individus vaccinés se situe à 75,1%, avec une variation de 39,9% à 92,1% entre les cantons. D’après la carte publiée dans ce même article, on voit que la Suisse Romande est globalement plus couverte que la Suisse Alémanique. (7)

Figure 2: carte de la Suisse montrant la couverture de vaccination pour le vaccin contre le HPV, tirée de l’article de Riesen, M., et al, 2018 (7)

Le vaccin contre le HPV fait partie des vaccins de base pour les femmes et des vaccins complémentaires pour les hommes (5). Le premier vaccin mis en place sur le marché est le Gardasil® en 2006 qui protège contre les types 6, 11, 16 et 18 de HPV.  Le Cervarix® mis sur le marché en 2008, est un vaccin bivalent, qui protège donc contre deux types de HPV, 16 et 18 (8). Début 2019, un nouveau vaccin nonavalent, le Gardasil 9® est disponible dans les programmes cantonaux et protège, en plus des deux types précédents, contre les HPV 31, 33, 45, 52 et 58. (5)

Néanmoins, ce vaccin, connu aujourd’hui sous le nom de Gardasil9®, semble être et avoir été différemment controversé depuis sa commercialisation. En effet, nous voyons l’essor d’un produit visant à prévenir les lésions et autres maladies, cancéreuses ou non, induites par un virus avant cela très peu connu du public. Avec l’évolution de la science, de la médecine et des méthodes proposées, des vaccins sont introduits et semblent peut-être avoir moins d’impact sur la population, un impact qui était plus fort lorsque les maladies concernées étaient des maladies d’enfance souvent mortelles, et laissant des séquelles graves aux individus. Malgré le fait qu’un cancer du col de l’utérus laisse bien évidemment des séquelles graves et peut être mortel, nous verrons que dans cette controverse le côté économique du vaccin est souvent mentionné. Les remboursements et le coût du dépistage versus le coût du vaccin seront fréquemment remis en jeu par les différents acteurs que nous allons mentionner au cours de ce travail.

Nous nous concentrerons sur la controverse liée à ce vaccin en particulier lors de sa commercialisation, dans la deuxième partie des années 2000, en mentionnant aussi l’évolution de ce vaccin qui, en dix ans, a changé et semble changer encore. Notre travail comporte différentes thématiques, appuyées par différents acteurs en Suisse romande, acteurs qui nous verrons seront pour ou contre le vaccin, et qui mentionneront différents enjeux liés à celui-ci. Nous centrerons cette controverse au niveau romand, pour voir comment cette problématique évolue dans le cadre d’un pays comme la Suisse, ou la recherche mais aussi les assurances maladies et le gouvernement ont une grande importance.

MERCK & CO. et le Gardasil9 ®

Les premiers vaccins, comme nous le verrons, étaient axés sur moins de types que le vaccin disponible aujourd’hui et fabriqué par MERCK & CO., Inc., le Gardasil9 ®. En effet, ce vaccin est nonavalent et comporte donc une protection vis-à-vis de 9 types du virus différentes, non seulement impliquées dans le cancer du col de l’utérus mais aussi d’autres lésions, comme les verrues génitales. Nous expliquerons les principes de ce produit grâce aux sources fournies par le site internet de Merck.

Les industries pharmaceutiques sont les producteurs de nombreuses molécules et médicaments. Dans le cadre de notre controverse, nous nous appuyons sur une industrie en particulier, Merck, qui produit le vaccin commercialisé aujourd’hui en Suisse Romande, mais aussi celui commercialisé il y a une dizaine d’années. Merck se définit, sur son site internet, de « Global Healthcare Company » (9). En effet, cette industrie américaine produit des médicaments dans le monde entier, avec un revenu de plus de 40 milliards de dollars en 2017 (10). Merck produit aujourd’hui le vaccin Gardasil9®, approuvé en 2014 aux États-Unis (11).

Ce nouveau vaccin est indiqué pour les femmes de 9 à 54 ans (12), pour la prévention de nombreux cancers. Merck mentionne le cancer cervical, vulvaire, vaginal et anal, causés par le HPV. Ils mentionnent aussi l’indication pour les individus mâles de 9 à 45 ans, pour la prévention de cancer anal, ainsi que des lésions précancéreuses et dysplasiques, et verrues génitales. Pour chaque type de lésion, Merck nous décrit les types de HPV responsables spécifiquement, comme par exemple les lésions précancéreuses, causées par les types 6, 11, 16, 18, 31, 33, 45 et 52 (12). Merck explique que 90% des lésions précancéreuses du col de l’utérus sont liées à HPV (10). Ils insistent aussi que leur vaccin n’élimine pas la nécessité des dépistages tout au long de la vie de la femme, que ce soit pour le cancer cervical (du col de l’utérus) ou le cancer anal.

Figure 3: Tableau récapitulatif des types de virus HPV, leurs conséquences, et l’efficacité du vaccin Gardasil9 ®. Tiré du site https://www.merckvaccines.com/Products/Gardasil9/efficacy (consulté le 28.05.19)

Le vaccin nonavalent Gardasil 9®  a été comparé au vaccin précédent, la version tétravalente, c’est à dire la version du vaccin protégeant de 4 types du même virus. Il fut ensuite adopté après cette comparaison. L’efficacité mesurée, dans une étude clinique avec des femmes de 16 à 26 ans, a été de 98% pour le cancer du col de l’utérus et de 100% contre le cancer vaginal (12). Le site de Merck informe dans une section particulière de toutes les conséquences du HPV. Une partie de leur site est aussi dédiée aux médecins, et à comment et pourquoi ils devraient conseiller le vaccin à leurs patientes. Ils expliquent que le point focal doit être la prévention du cancer, et que l’âge conseillé, pour les patientes, est de 11 à 12 ans en moyenne. Il est possible de lire les études cliniques effectuées pour juger de la sureté du vaccin. Merck mentionne 7 études, impliquant 15’703 individus, et les méthodes sont expliquées sur le document, accessible depuis leur site internet, sur le vaccin en question. Dans ce document, Merck en tant qu’entité d’émet pas d’opinions, il s’agit d’une liste et explication d’études cliniques pour expliquer leurs données, présentes et accessibles sur le site.

Quelques années après la commercialisation de Gardasil® en 2007, un nouveau vaccin, Cervarix (GlaxoSmithKline), a reçu une autorisation de mise sur le marché en 2010. Dans un bulletin de l’Office Fédéral de la Santé Publique (OFSP), datant de la même année, un résumé d’étude comparative est présenté, assurant que les deux vaccins sont équivalents et qu’aucune étude ne montre une différence «  justifiant une préférence pour l’un ou pour l’autre » (13). Ce vaccin est en fait bivalent (protège contre deux types de HPV), et avec la sortie du Gardasil® tétravalent (datant de 2007 en Suisse (13) et approuvé en 2006 aux États-Unis (14)) et enfin le nonavalent, qui protège donc aussi des verrues génitales (HPV types 6 et 11) (12), Cervarix a beaucoup moins d’ampleur en Suisse particulièrement, et aujourd’hui, lors de publications dans des revues médicales ou scientifiques, Gardasil 9®, est le seul mentionné. Même sur la plateforme de PubMed, les articles concernant Cervarix ont baissé depuis 2011, tandis que les articles mentionnant Gardasil® sont restés stables. En effet, Cervarix ne protégeant que de 2 types du virus, il n’est plus proposé et beaucoup moins étudié que son correspondant nonavalent.

En faveur de la vaccination contre le HPV

L’Office Fédéral de la Santé Publique et la Confédération

La confédération, à travers l’OFSP et ses publications, nous indique son point de vue sur ce vaccin. Le bulletin n°3 de l’OFSP, paru le 5 janvier 2018, est centré sur la question de l’efficacité et de la sûreté du vaccin contre les HPV. L’article présente « un aperçu des données scientifiques disponibles sur l’efficacité et la sûreté des différents vaccins contre les HPV […] » (15). L’article est co-écrit par quatre auteurs, trois faisant partie du comité de l’OFSP et du CFV, et le quatrième est une pédiatre du comité des pédiatres suisses.

Dans cet article, il est dit que le cancer du col de l’utérus est un des cancers les plus fréquents au niveau mondial et se positionne cinquième au niveau Suisse. Le cancer du col de l’utérus découlerait d’un HPV dans « près de 100% des cas ». Le tableau présenté ci-dessous est tiré de l’article cité précédemment et expose notamment les pourcentages d’association qu’il y a entre les différents HPV et les cancers qui en émanent. Selon ce tableau, 100% des cancers du col de l’utérus seraient dû à un HPV contre seulement 19,9% des cancers oropharyngés.

Figure 4: Tableau extrait de la page 18 du Bulletin numéro 3 de l’OFSP, datant de janvier 2018, montrant les différents cancers causés par le HPV, le nombre de cas, ainsi que comparant la couverture vaccinale pour chaque type de cancer du vaccin quadrivalent et nonavalent (15)

Cependant, l’article précise « qu’en fonction des études et de leurs sources (région, âge), la charge de morbidité imputable aux HPV et les types de HPV déterminants varient .» (8). « Les présentes données doivent être considérées comparativement comme une estimation plutôt prudente. » (15)Il est également mentionné que les résultats observés sont majoritairement basés sur les études liées au cancer du col de l’utérus dû au fait de l’abondance de données et de la morbidité associée à ce cancer.Beaucoup de recherches, depuis l’essor de cette vaccination, ont été effectués au sujet du HPV et chaque année de nombreuses études sont publiées. Ces études sont axées, en particulier, sur la corrélation qui existerait entre le virus, ou tout du moins certaines de ces types et le cancer du col de l’utérus.

En ce qui concerne l’efficacité du vaccin, le bulletin n°3 de l’OFSP, précédemment cité, présente de nombreuses études sur les différents types de HPV et les différents cancers. Pour faciliter la compréhension, on va s’intéresser uniquement aux types 16 et 18, qui sont les types les plus oncogènes et ceux associés au cancer du col de l’utérus. Une différence est faite entre l’efficacité du vaccin dans des conditions spécifiques des études et dans des conditions de tous les jours. Dans le premier cas, une grande efficacité contre les lésions précancéreuses est détectée quatre ans après l’injection du vaccin bivalent (idem pour le quadrivalent). Cette efficacité serait de 100% pour les personnes suivant à lettre le protocole d’étude et chute à 45% dans le cas où les personnes suivies sont moins consciencieuses. Le Gardasil 9®, quant à lui, auraient une efficacité de 96% dans le cadre d’un suivi conforme au protocole. Dans les conditions de tous les jours, l’efficacité est définie entre 40 et 70%, à noter que l’efficacité augmenterait de pair avec le grade du stade des lésions précancéreuses ainsi que si la vaccination était appliquée avant les premiers rapports sexuels, toujours selon l’article de l’OFSP paru en janvier 2018.

Enfin, concernant la sûreté du vaccin, les études menées par le Comité consultatif mondial de la sécurité vaccinale (GACVS) de l’organisation mondiale de la santé (OMS) sur les vaccins bivalent et quadrivalent, amènent à la conclusion d’une « vaccination extrêmement sûre » (5). Les études réfutent toute corrélation entre la vaccination contre les HPV et l’apparition du syndrome de Guillain-Barré, ce qui avait été suggéré par divers groupes anti-vaccination. Au niveau des effets secondaires, ils restent toujours locaux. Cependant le vaccin nonavalent engendre plus d’effets secondaires que le quadrivalent, qui a son tour, a plus d’effets indésirables que le vaccin bivalent. Cela est expliqué par des quantités augmentées d’adjuvants et d’antigènes dans le vaccin nonavalent (5).

Après de nombreuses recherches, nous avons constaté la difficulté de trouver des sources provenant de l’OFSP qui mentionnent les coûts, pour l’état, des remboursements du vaccin. Néanmoins, dans un article datant de 2008 sur la tribune de Genève, la doctoresse Claire-Anne Siegrist, professeure à l’Université de Genève et présidente de la Commission fédérale pour les vaccinations dit: «Le dépistage coûte 200 millions de francs par an. Le traitement du cancer 23 millions. Or la vaccination annuelle de la population concernée revient à 16 millions de francs». (16) Ceci est sûrement une raison pour laquelle le remboursement du vaccin est donc proposé.

Scientifiquement parlant, l’organisation mondiale de la santé (OMS) explique qu’il existe plusieurs types de HPV, dont 14 sont cancérigènes (17).  L’organisation mentionne les types 16 et 18, indiquant qu’ils «provoquent 70% des cancers et lésions précancéreuses du col de l’utérus » (17). Il est important de mentionner le fait que l’OMS recommande en particulier ce vaccin dans les pays en développement, et montre, grâce à différentes cartes et graphiques, que ce cancer est plus prévalant dans ces pays. D’après les informations provenant de l’OFSP et du site internet des HUG, notre interprétation de cette plus forte prévalence dans les pays en voie de développement est sûrement due au manque de dépistages dans ces pays. 

Les associations de médecins

Un autre acteur important dans cette controverse est sans aucun doute le corps médical. Un article de la Revue Médicale Suisse publié en 2008 expose le point de vue de plusieurs gynécologues, plus précisément faisant parti d’une unité oncogynécologique. Cet article parle du rôle d’un nouveau type de dépistage, le test HPV, et le compare au moins récent frottis, le Pap test. (18)Ils affirment que vu que l’administration des vaccins Gardasil ® et Cervarix a fait l’objet de beaucoup de publications et ses bienfaits ont été démontrés, le risque de lésions internes de l’utérus est ainsi réduit considérablement. Le vaccin aurait donc une efficacité de 100% et cette prévention serait conservée durant environ 5 ans. Le vaccin HPV est une prévention dite primaire. La prévention secondaire est le dépistage, et les associations gynécologiques Suisses continuent de prôner l’importance du dépistage, malgré le succès du vaccin.

Il est écrit dans cet article, au sujet des techniques de dépistage: « Ces dernières années, plusieurs études avaient démontré que le test HPV avait l’avantage d’une meilleure sensibilité pour identifier des lésions de haut-grade par rapport au frottis cytologique. » (18) Suite à une étude canadienne publié en 2007 (19), testée auprès de 10414 femmes, ils en ont déduit les pourcentages suivants: la sensibilité du test HPV a en effet été estimée à 94.6%, le dépistage lui étant à une sensibilité de 55,4% (une sensibilité extrêmement basse). La spécificité du dépistage a été estimée à 94.1% pour le test HPV et 96.8% pour le frottis. Ils ont par la suite testé conjointement la sensibilité et la spécificité qui se trouve être à 100% et 92.5% respectivement.  La sensibilité d’un test est la capacité de ce test de donner un résultat positif lorsque l’hypothèse testée est vraie, tandis que la spécificité est la capacité d’un test de donner un résultat négatif lorsque l’hypothèse testée est fausse. D’après cette étude, il est conclu que les dépistages annuels pourraient être espacés.

Cet article nous démontre que l’injection du vaccin HPV n’est pas remis en question et semble être nécessaire dans une prévention primaire de lésions internes de l’utérus et de cancer. De plus, ils mentionnent une prévention secondaire en plus du vaccin, le test HPV, qui aurait été démontré comme plus sensible que les frottis cytologiques.

Un autre article est publié par le centre de gynécologique obstétrique, “Vaccin HPV: oui mais quand?” , affirme que le vaccin contre le HPV est une avancée majeure de ces dernières années. Le dépistage se doit également d’être fait, le but étant d’optimiser la prévention, empêcher un éventuel cancer de l’utérus d’apparaître plutôt que de devoir le guérir. Le vaccin assure la prévention de 70% des cancers : « C’est la raison pour laquelle vaccination et dépistage doivent être menés en synergie. » Dans cet article, la question posée est à quel moment il serait optimal d’administrer le vaccin. En faveur d’une vaccination le plus tôt possible, il est expliqué que la transmission étant majoritairement sexuelle et que l’âge moyen du premier rapport sexuel chez les filles est à 17 ans, il est recommandé d’administrer le vaccin avant le premier rapport sexuel. Un deuxième critère est celui de la réponse immunitaire ; « les titres d’anticorps anti-HPV 6, 11, 16 ou 18 sont 1,7 à 2 fois plus élevés chez les jeunes filles de 10 à 15 ans que chez les jeunes femmes de 16 à 23 ans ».En défaveur de la vaccination à un plus jeune âge, il est expliqué que l’on ne connaît pas exactement la durée de protection du vaccin, et qu’une fois administré, “le compteur tourne”. Il serait donc recommandé de ne pas être fait trop tôt.

Une autre question est celle d’aborder le sujet des relations sexuelles chez les enfants. Certains parents seraient réticents d’aborder le sujet de peur d’inciter leur enfant à avoir des rapports sexuels ou du moins de l’envisager.

Cet article conclut donc que le vaccin est dans tous les cas nécessaire mais qu’il n’exclue de loin pas les dépistages. Le centre de gynécologie recommande également de modifier les recommandations actuelles “en abaissant l’âge à 13 ans et en remboursant le vaccin à 100 % pour la population cible.” (20)

Les nombreux articles d’associations gynécologiques montrent l’intérêt que porte le corps médical à promouvoir la vaccination. Néanmoins, ils continuent de mentionner l’importance du dépistage, comme le fait l’OFSP.  Sur le Swiss Medical Forum, un article de revue appelé “Informations pour une consultation de vaccination équilibrée et individuelle: Vaccination anti-HPV: mise à jour 2019 pour la consultation” mentionne que 250 femmes par an, en Suisse, reçoivent un diagnostic de cancer du col de l’utérus. (21)  Il s’agit bien d’un problème de santé qui concerne les femmes en Suisse, problème qui semble diminuer depuis l’introduction du vaccin.

Doutes et arguments contre la vaccination

Néanmoins, après avoir vu les arguments de nombreuses associations gynécologiques, nous avons étudié de plus près quelques médecins allant à l’encontre des opinons des associations de médecins.

Figure 5: Image tirée du site infovaccins.ch, montrant la couverture d’un livre appelé « Qui aime bien vaccine peu », écrit par le Groupe médical de réflexion sur la vaccination
http://infovaccins.ch/index.php/actualites (consulté le 28.05.19)

Jean-Paul Ecklin est un médecin généraliste à Sion, et membre du Groupe médical de réflexion sur les vaccins (16). Ce groupe, fondé en 1987, avait tout d’abord comme but d’exprimer l’opinion de ses membres suite à la première campagne de vaccination ROR. Fondé par des médecins de la suisse romande, ce groupe possède un site internet, infovaccins.ch, qui fournit les opinions et réflexions de ces médecins de manière vulgarisée, afin d’atteindre un public vaste. Le site contient, dans sa rubrique “Littérature”, des articles de presse, des articles scientifiques et des livres. Néanmoins, en particulier concernant les livres, le site ne mentionne aucun document pro-vaccination, mais mentionne les arguments pour la vaccination dans la rubrique “articles de presse”. Ecklin est un médecin souvent interviewé au sujet de la vaccination, où il joue un rôle plutôt contre dans la plupart des cas (22). Ecklin est la figure dominante dans les médias lorsqu’il s’agit de donner la parole à ce groupe. En particulier, en tant que membre actif de ce groupe, Ecklin nous offre son opinion dans de nombreuses interview, les premières datant de 2009, au sujet du vaccin contre le HPV. Ses arguments principaux sont regroupés en deux catégories; la première l’inutilité du vaccin, et la seconde la sûreté du vaccin.

Au sujet de ce vaccin contre le HPV, le site internet du groupe d’Ecklin explique que ce n’est pas un vaccin contre le cancer du col de l’utérus (23), mais bien contre certains types de virus HPV. Il est fait ici une distinction importante sur l’efficacité de ce vaccin. En effet, il semble dire ici que le vaccin n’immunise pas vraiment contre ce cancer, donnant alors une vision critique sur l’utilité du vaccin. Le site internet note aussi: «Les essais effectués chez l’être humain avant commercialisation n’ont pas duré plus de 4 ans. Il n’y a eu aucun cancer, tant chez les personnes vac­cinées que chez celles non vaccinées» (23).

Le groupe médical de réflexion sur la vaccination prend à cœur le sujet de l’efficacité de la vaccination, et en particulier de ce vaccin contre le HPV. Premièrement, Ecklin considère que, dans un pays comme la Suisse, un dépistage annuel du HPV, effectué par un gynécologue, est suffisant pour la prévention du cancer du col de l’utérus. Il mentionne le fait que le vaccin, qui a pour but de prévenir en particulier le cancer du col de l’utérus, n’est d’autant plus inutile que ce cancer se place uniquement au 18e rang en Suisse. (16) « La situation sanitaire actuelle ne justifie pas l’introduction précipitée de ce vaccin d’autant plus que le dépistage précoce du cancer du col de l’utérus se révèle efficace et reste indispensable », dit-il à la tribune de Genève en 2009 (16). Le groupe, sur son site infovaccins.ch, ajoute aussi que « L’usage du préservatif reste le meilleur moyen de se protéger contre toute maladie sexuellement transmissible dont les virus HPV font partie ». (23)

Au sujet de la sûreté du vaccin, Ecklin mentionne des décès recensés aux États-Unis (16), ajoutant qu’une période trop courte d’essais a été effectuée avant sa commercialisation. En somme, il considère que le vaccin a été commercialisé trop tôt. Sur une autre facette de la sûreté du vaccin, on mentionne l’Aluminium. « L’aluminium contenu dans le vaccin peut endommager le système immunitaire. De plus c’est un toxique pour le système nerveux ». (23)

Enfin, Ecklin aborde la question de la vaccination non seulement pour l’individu, mais à grande échelle, pour la population. Il affirme qu’un risque important de cette vaccination à grande échelle serait de retarder l’infection, qui aurait alors lieu à un âge plus avancé. Ceci, pour lui, diminuerait le taux de guérison spontanée, ce qui ne fera que « d’augmenter finalement la fréquence de ces cancers ». (23) En effet, il pense que le fait de vacciner des jeunes femmes, tout en ignorant les effets à long terme du vaccin mais surtout le temps de couverture fournit par celui-ci, il y aurait un risque que des femmes, vaccinées à l’adolescence, contractent le HPV à un âge plus avancé, à un moment ou le vaccin ne serait potentiellement plus efficace et à un âge où il serait plus difficile de guérir.

En termes épidémiologiques, Ecklin explique « Ajoutons qu’une vaccination à grande échelle diminuera certainement la fréquence des souches vaccinales de ce virus, laissant ainsi la place à d’autres types de virus, qui pourraient aussi s’associer au cancer ». (24)

Pour conclure, il relie cet effet épidémiologique à d’autres vaccinations, comme celle contre les pneumocoques, montrant bien ses idées réfractaires au niveau de la vaccination en général, et non seulement celle contre le HPV.

Le docteur Pascal Büchler, médecin généraliste à Yverdon, fait lui aussi partie du groupe de réflexion sur les vaccins, aux côtés de Jean-Paul Ecklin. Il partage les mêmes idées que son confrère. « On ne connaît pas l’efficacité de ce vaccin», dit-il. « Elle est peut-être nulle, alors que ce produit, comme tous les médicaments, a des effets secondaires. On a fait de ce cancer un problème de santé publique alors qu’il n’est que le 15e cancer le plus courant en Suisse. Et même si ce vaccin était totalement efficace, il ferait baisser l’incidence du cancer du col de l’utérus au maximum de 70%, alors qu’un dépistage systématique ferait chuter le nombre de cas de 90% », insiste-il dans un article publié par Le Courrier en 2008. (25)

Dans ce même article publié par Le Courrier, Büchler et Ecklin redonnent leurs points de vue au sujet de ce vaccin, pour eux très controversé. Ils introduisent leurs idées en les définissant en tant que « quelques réflexions médicales nuancées, critiques et indépendantes, destinées à aider les parents des jeunes filles dans le choix qui les attend ». (25)  Beaucoup de chiffres sont donnés dans cet extrait, mais les données ne sont pas accompagnées de sources. Le discours ne change pas des réflexions émises sur le site internet de leur groupe ; des coûts dits exorbitants à l’efficacité selon eux non prouvée, en passant par le manque d’études et la non connaissance des effets à long terme du vaccin, ainsi que la distinction entre le virus HPV et le cancer du col de l’utérus. Tous les arguments donnés citent comme source leur propre site, infovaccins.ch, et une page du gouvernement français sur le Comité Technique de la vaccination, une page qui n’existe plus. La conclusion donnée est que le cancer du col de l’utérus n’est pas une urgence sanitaire pour les jeunes filles Suisses, en indiquant que le rôle du médecin praticien est de fournir aux patients des informations « nuancées, critiques et indépendantes » (25).

Un autre médecin, indépendant du groupe médical de réflexion sur les vaccins, est souvent mentionné dans des articles parlant de cette controverse, le docteur Jean-Pierre Spinosa. Spinosa est un gynécologue Suisse possédant un cabinet à Lausanne. Diplômé de l’Université de Lausanne et de l’Université d’Aquila en Italie, il est également membre de plusieurs associations scientifiques principalement liées à la gynécologie. Il a publié un grand nombre d’articles scientifiques, dont seulement 2 parlant du HPV. Il est aussi l’auteur de deux livres; un traitant du dépistage du cancer du sein et un autre dont il est co-auteur qui traite du vaccin HPV: “La piqûre de trop?”. Il remet en question l’efficacité du vaccin et le fait qu’il soit sans danger, voyant ce vaccin comme le fruit d’une campagne de désinformation. (26)

Pour lui, il est clair que les chiffres prouvant l’inefficacité de ce vaccin sont là depuis longtemps. « Le vrai problème de cette vaccination, c’est qu’on a noir sur blanc la preuve de son inefficacité depuis plus de dix ans. » (27)

Il répète plusieurs fois que tout est expliqué dans son livre. Pour le gynécologue, le fait que ce vaccin soit un problème majeur de santé publique est un prétexte inventé pour remplir les caisses des industries pharmaceutiques et est défendu par des gens ayant des conflits d’intérêts par rapport à ce sujet. (27) Il estime que les conflits d’intérêt des industries pharmaceutiques ont construit un modèle de peur autour du HPV et du cancer, pour rendre ce vaccin indispensable.

Malgré cela, dans un autre article datant de 2011 il dit ne pas être contre ce vaccin mais qu’il désirerait avoir des preuves solides, ce à quoi répondent des médecin pro-vaccin anti-HPV qu’il faut attendre peut-être une dizaine d’année avant d’avoir des preuves, ce qui donne lieu à un débat sans fin. (28)

Il explique donc que le problème principal est le manque de preuves scientifiques pour affirmer l’efficacité du vaccin. Aussi, il est pour lui important de pouvoir affirmer que ce vaccin est véritablement inoffensif, et que les “preuves” fournies seraient le fruit de mauvaises interprétations des données à disposition. En 2016 il a co-écrit une lettre ouverte au journal « Le Monde » en réponse à un article dudit journal sur le sujet du vaccin anti-HPV. Dans cette lettre ouverte il fait la guerre à différents médias en dénonçant une désinformation du public (29).

On peut voir dans le résumé de son livre, “La piqûre de trop? Pourquoi vaccine-t-on les jeunes filles contre le cancer du col de l’utérus?” qu’une des questions essentielles de son ouvrage est : « Le cancer du col est-il véritablement un problème de santé publique dans les pays riches ? » Cette question dénonce le climat de panique qui a été instauré et qui a profité à l’essor fulgurant de ce vaccin. En lien avec cet essor il faut noter un autre axe majeur de son livre, économique cette fois: « Comment ce vaccin a-t-il pu s’imposer à une vitesse aussi foudroyante en dépit de son prix exorbitant ? » Ceci rejoint également le fait que selon lui une « vaste nébuleuse de conflits d’intérêts entoure ce vaccin ». (30)

Dans la description de son livre, le Dr. Spinosa explique que son but est d’informer le grand public, afin que notamment les parents puissent avoir toutes les informations nécessaires pour décider de vacciner ou pas leurs enfants, ce qui rejoint son idée sur l’inaccessibilité des informations mais aussi des preuves. (30)

Spinosa a co-écrit son livre avec une journaliste spécialisée dans le domaine de la santé (31). Pour la préface de cet ouvrage, Abby Lippman et Martin Wickler en sont les auteurs. Abby Lippman est une épidémiologiste et féministe canadienne, un de ces travaux majeurs de critique est à propos du vaccin HPV (32). En ce qui concerne Martin Wickler, c’est le pseudonyme de Marc Zaffran, un ancien médecin, mais également romancier et militant féministe français, qui est connu pour parler entre autres des maltraitances gynécologiques (33). Ce dernier écrit dans la préface que le livre « éclaire de manière spectaculaire les rouages et les enjeux d’une entreprise de marketing sans précédent. » (34). Il est intéressant de noter qu’un lien avec le féminisme est fait avec ce vaccin, d’après l’utilisation d’auteurs féministes pour la préface. Il serait très intéressant, dans un autre contexte, de parler de ce mouvement et de son point de vue non seulement sur les vaccins, mais en particulier sur ce vaccin qui, de base, est créer pour des femmes pour prévenir des maladies et cancers gynécologiques. Il serait intéressant aussi de voir comment ce point de vue aurait potentiellement évolué avec l’essor aujourd’hui de cette vaccination pour les hommes également.

Conclusion

Lorsqu’il s’agit de vaccination, de nombreuses controverses sont toujours présentes dans la société, et le vaccin contre le HPV n’échappe pas à la règle. Nous avons vu les nombreuses organisations fédérales et internationales, comme l’OFSP et l’OMS, qui s’allient pour promouvoir ce vaccin ; l’OSFP au niveau fédéral, grâce à la prise en charge et aux remboursements, et l’OMS au niveau mondial. Nous avons aussi étudié les arguments du fabriquant du vaccin, le Gardasil 9®, l’industrie pharmaceutique MERCK. Merck fournit la documentation des études scientifiques concernant ce vaccin, ainsi que les documents officiels de la FDA, l’organisation américaine gérante des drogues et médicaments aux États-Unis. Enfin, de nombreuses associations gynécologiques Suisses publient des articles et tentent d’expliquer et promouvoir ce vaccin, en se basant sur des études montrant l’efficacité de ce dernier. Néanmoins, certains médecins se positionnent contre ce vaccin. En effet, nous avons vu quelques médecins romands qui s’opposent à l’introduction du vaccin en Suisse. Certains médecins s’expriment personnellement tandis que d’autres prennent la parole pour un groupe. Ces médecins insistent sur l’inefficacité du vaccin, le manque de preuves, mais s’interrogent aussi sur les coûts de ce vaccin qui, selon eux, n’est en fait pas plus efficace qu’un dépistage annuel.

Aussi, il est important de souligner que cette controverse est particulière par rapport à d’autres vaccins ; en effet, le vaccin est encore récent, et le HPV est un virus moins connu par le grand public que certaines maladies infectieuses. Aussi, le sujet d’un virus sexuellement transmissible rend malgré tout le vaccin plus tabou, en particulier dans la relation parent-enfant.

Ce vaccin prend néanmoins de l’ampleur en Suisse ; il est maintenant possible de vacciner les garçons, qui peuvent être non seulement porteurs, mais peuvent aussi être atteints de cancers comme le cancer du pénis, vu dans la Figure 2. Enfin, il serait intéressant d’analyser les points de vue plus sociétaux de mouvements comme le féminisme, en vue justement de l’introduction de ce vaccin pour les hommes. Cette controverse mélange donc très clairement la science, comme la biologie et la médecine, et la société, que cela soit en Suisse Romande, comme nous avons vu dans ce travail, ou au niveau mondial.

Bibliographie

1.Anonymous, “Le cancer du col de l’utérus”, https://www.hug-ge.ch/gynecologie/cancer-du-col-uterus , consulté le 24.05.19.

2. Ritzman, I. / LH 2013, “Vaccination (Dictionnaire historique de la Suisse (DHS))”, http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F22715.php , consulté le 08.05.19.

3. Groupe médical de réflexion sur les vaccins, “Infovaccins: Qui sommes-nous?”, http://infovaccins.ch/index.php/qui-sommes-nous ,  consulté le 09.04.19.

4. Koliopoulos G, Nyaga VN, Santesso N, Bryant A, Martin-Hirsch PPL, Mustafa RA, Schünemann H, Paraskevaidis E, Arbyn M. 2017 , “Cytology versus HPV testing for cervical cancer screening in the general population”, Cochrane Database of Systematic Reviews, Issue 8. Art. No.: CD008587. (DOI: 10.1002/14651858.CD008587.pub2.)

5. OFSP, Office fédéral de la santé publique, “Papillomavirus humains (HPV)”, https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/krankheiten/krankheiten-im-ueberblick/hpv.html , consulté le 08.05.19.

6. Office fédéral de la santé publique, Commission fédérale pour les vaccinations, “Recommandations de vaccination contre les papillomavirus humains (HPV) ”, https://www.infovac.ch/docs/public/hpv/4-recommandations-hpv.pdf , consulté le 26.05.19.

7. Riesen, M., Konstantinoudis, G., Lang, P., et al, 2018, “Exploring variations in human papillomavirus vaccination uptake in Switzerland: a multilevel spatial analysis of a national vaccination coverage survey”, BMJ Open, 8(e021006), (doi:10.1136/bmjopen-2017-021006)

8. Anonymous, “Accueil-ANSM”,  https://www.ansm.sante.fr/ ,  consulté le 02.04.19.

9. MERCK & CO., Inc., “Merck – About”, https://www.merck.com/about/home.html. , consulté le 09.04.19.

10. United States Security and Exchange Commission, “Form 10-K”,  https://d18rn0p25nwr6d.cloudfront.net/CIK-0000310158/357ac382-9a56-4879-bce6-6a4b7fb87e58.pdf , consulté le 10.05.19.

11. MERCK & CO., Inc.,  “Gardasil9”, https://www.merck.com/product/usa/pi_circulars/g/gardasil_9/gardasil_9_pi.pdf , consulté le 09.04.19.

12. MERCK & CO., Inc., “GARDASIL9 for Health Care Professionals”, https://www.merckvaccines.com/Products/Gardasil9 , consulté le 10.05.19.

13. OFSP, Office Fédéral de la Santé Publique,  “Bulletin 26 du 28 juin 2010” , https://www.infovac.ch/docs/public/hpv/5-gardasil-cervarix.pdf , consulté le 09.04.19.

14. Merck Sharp & Dohme Corp., “Highlights of prescribing information”, https://www.fda.gov/downloads/biologicsbloodvaccines/vaccines/approvedproducts/ucm111263.pdf , consulté le 09.04.19.

15. OFSP, Office fédéral de la santé publique, “Bulletin 3 du 15 janvier 2018” , https://www.bag.admin.ch/dam/…/hpv/hpv…/hpv-impfung-wirksam-sicher-fr.pdf , consulté le 08.05.19.

16. Anonymous 2009. “Le vaccin contre le HPV est-il vraiment nécessaire en Suisse?”, Tribune de Genève, https://www.amge.ch/2009/06/08/le-vaccin-contre-le-hpv-est-il-vraiment-necessaire-en-suisse/ , consulté le 22.05.19.

17.OMS, Organisation mondiale de la santé, “Human papillomavirus (HPV) and cervical cancer”.https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/human-papillomavirus-(hpv)-and-cervical-cancer., consulté le 09.04.19.

18. Petignat, P., Martinez de Tejada, B., Irion, O., Boulevain, M. 2008, “Gynécologie”, Revue Médicale Suisse, 4, p. 24-27.

19. Mayrand et al. 2007, “Humain papillomavirus DNA versus Papanicolaou screening tests for cervical cancer”, The New England Journal of Medicine, 357, p. 1533-4406.

20. Boulanger, J-C. 2009, “Vaccin HPV: oui mais quand?”, La Lettre du Gynécologue,  (338-339), p.31-32.

21. Dietrich et al. 2019, “Vaccination anti-HPV: mise à jour 2019 pour la consultation”, Forum Médical Suisse, 19(1314), p.220-226.

22. Bernier, M.,  “generations-plus.ch« , https://www.generations-plus.ch/?q=magazine/sant%C3%A9forme/se-soigner/pour-ou-contre-faut-il-se-faire-vacciner-contre-la-grippe%E2%80%89 , consulté le 09.04.19.

23. Groupe médical de réflexion sur les vaccins, “Papillomavirus (HPV)”, http://www.infovaccins.ch/index.php/vaccins/papillomavirus-hpv , consulté le 10.05.19.

24. Groupe médical de réflexion sur les vaccins. “Vaccination des adolescentes contre les infections à papilloma virus humains du col de l’utérus”, http://www.infovaccins.ch/images/hpv.pdf , consulté le 10.05.19.

25. Wyler Lazarevic, Büchler, Ecklin 2008, “Cancer du col de l’Utérus, vacciner ou non”, Le Courrier, https://www.amge.ch/2008/05/27/cancer-du-col-de-l%E2%80%99uterus-vacciner-ou-non/, consulté le 10.05.19.

26. Spinosa, J-P., “gyneco.ch, Qui Suis-je”, https://gyneco.ch/qui-suis-je/ , consulté le 10.05.19.

27. Riva, C., Spinosa, J-P., “Vaccination anti-HPV”,  http://www.infovaccin.fr/anti-hpv_Riva_Spinosa_201612.html , consulté le 10.05.19. 

28. Cuneo, L., “Cancer du col de l’utérus, polémique autour d’un vaccin”, https://www.lepoint.fr/sante/cancer-du-col-de-l-uterus-polemique-autour-d-un-vaccin-24-10-2011-1388293_40.php , consulté le 07.04.19.

29. Riva, C., Spinosa, J-P., “ Lettre ouverte : vaccination anti-HPV, le ver est dans le fruit depuis 10 ans”, https://www.re-check.ch/wordpress/fr/lettre-ouverte-vaccination-anti-hpv-le-ver-est-dans-le-fruit-depuis-dix-ans/ , consulté le 26.05.19.

30.Riva, C., Spinosa, J-P., 2010,  La piqûre de trop? Pourquoi vaccine-t-on les jeunes filles contre le cancer du col de l’utérus?, Suisse: Xenia Editions.

31. Riva, C., “Catherine Riva”, http://www.catherineriva.com/#services , consulté le 10.05.19.

32. Wikipedia contributors, “Abby Lippman”, https://en.wikipedia.org/wiki/Abby_Lippman , consulté le 10.05.19.

33. Wikipedia contributors, “Martin Winckler”, https://fr.wikipedia.org/wiki/Martin_Winckler , consulté le 10.05.19.

34. Anonymous, “La piqûre de trop”, https://gyneco.ch/la-piqure-de-trop/ , consulté le 10.05.19.

Figures

Figure 1: https://www.rts.ch/info/sciences-tech/8231637-l-agence-des-medicaments-de-l-ue-accusee-de-biais-sur-le-papillomavirus.html , consulté le 28.05.19.

Figure 2: Riesen, M., Konstantinoudis, G., Lang, P., et al, 2018, “Exploring variations in human papillomavirus vaccination uptake in Switzerland: a multilevel spatial analysis of a national vaccination coverage survey”, BMJ Open, 8(e021006), p. 4

Figure 3: https://www.merckvaccines.com/Products/Gardasil9/efficacy , consulté le 28.05.19

Figure 4: OFSP, Office fédéral de la santé publique, “Bulletin 3 du 15 janvier 2018” , p. 18, https://www.bag.admin.ch/dam/…/hpv/hpv…/hpv-impfung-wirksam-sicher-fr.pdf , consulté le 08.05.19

Figure 5: http://infovaccins.ch/index.php/actualites , consulté le 28.05.19

La sélection du sexe au Royaume-Uni lors des diagnostics pré-implantatoires: responsabilité collective ou liberté personnelle ?

COMBEPINE Louis, DUCHEMIN Vincent, DURAKOVIC Marko, PERIAT Brendan, MURPHY Scott, SIMONS Sasha

(Page Facebook Genesis Fertility Clinic de Chypre, consultée le 23.04.19 [1])

Introduction:

Dans la société actuelle, la place qu’occupe la biologie prend de plus en plus d’importance. En effet, les découvertes dans le domaine de la génétique, ont rendu accessible la modification du génome, aux scientifiques d’abord, puis aux entreprises. Des idées du passé comme les peurs liées à la création d’un “super humain” comme décrit dans de nombreuses oeuvres de science-fiction sont maintenant à la portée des scientifiques. Dans ce climat, la question des limites éthiques à ne pas franchir devient un problème de société et non plus une question uniquement scientifique. Le diagnostic pré-implantatoire, une technique qui permet d’analyser le génome des embryons avant l’insémination lors de fécondation in vitro, et les questions qui l’entourent sont donc un sujet sur lequel il est important de se pencher dans notre société moderne, où le frein ne semble plus être technique, mais bien éthique.

En tant qu’étudiants en biologie, les débats autour du sujet de l’éthique nous impactent considérablement. Il convient donc de nous intéresser à des acteurs prenant position sur le sujet. C’est une vaste question faisant intervenir divers groupes de personnes tels que des scientifiques impliqués dans la recherche, les médias et la manière dont le sujet est abordé dans la société par les différents partis (personnes sans connaissances scientifiques, Etats, …) et d’autres aspects intervenant à travers d’autres acteurs plus spécifiques au cadre choisi. Nous traiterons le sujet à travers plusieurs fenêtres visant la société, qui sont les suivantes : l’éthique, l’économie, la politique ou encore la démographie.

Afin de mieux aborder un sujet vaste et complexe, nous avons décidé de nous focaliser sur un point précis de controverse: la sélection du sexe lors des diagnostics pré-implantatoires de grossesse (DPI) lors d’une fécondation in vitro (FIV). C’est un sujet qui est fortement débattu de nos jours et qui entraîne de nombreuses dissonances au sein de la société. Pour ce faire, nous allons étudier un cas particulier : les touristes britanniques voyageant en Chypre du Nord afin de trouver des cliniques proposant ces services légalement, contrairement à leur pays d’origine.

[Dans ce texte nous utilisons le dénominatif “Chypre du Nord” afin de simplifier l’écriture et la compréhension du texte. En effet, cet “état” n’est reconnu que par la Turquie et non par l’Office des Nations Unies, et se considère comme “République turque de Chypre du Nord”. Cependant, les lois, ainsi que les acteurs politiques ne sont pas les mêmes que dans le reste de la République chypriote et ceci nous incite à faire une distinction entre les deux parties.]

Les techniques : FIV et DPI

Le diagnostic pré-implantatoire est une étape complémentaire d’une fécondation in-vitro, c’est pourquoi nous allons premièrement introduire cette technique et ensuite expliquer plus en détail le DPI en lui même.

La fécondation in vitro est une technique médicale qui permet la procréation par prélèvement d’une ovule et de spermatozoïdes. Une fois la fécondation de l’ovule faite en laboratoire, l’embryon va pouvoir être introduit dans l’utérus de la mère biologique après une courte période de maturation.

Le diagnostic pré-implantatoire s’effectue lors de cette période de maturation; il faut que l’embryon soit au stade 6 cellules, c’est à ce stade qu’une biopsie embryonnaire est effectuée. La biopsie consiste en un prélèvement d’une ou deux cellules de l’embryon. Ces cellules sont ensuite directement étudiées en laboratoire afin de détecter des anomalies génétiques dans le cas de maladies. Il existe plusieurs techniques pour l’analyse des embryons. En ce qui concerne les maladies, une étude du génome complet est utile et on utilisera dès lors la Next-Generation Sequencing[2]. Lors d’un cas visant à sélectionner le sexe, il est possible d’utiliser la technique fluorescent in situ Hybridization (FISH)[3], cette technique permet de distinguer les chromosomes et donc de sélectionner le sexe. Les embryons désirés seront ensuite transférés au cinquième jour pour finir leur développement in utero [4].


https://www.dunyaivf.com/sites/default/files/inline-images/ivf-procedure-dunyaivf_1.jpg [5]

https://www.dunyaivf.com/sites/default/files/inline-images/what-is-pgd_0.jpg [6]

Les lois au Royaume-Uni et leur contournement, notamment en Chypre du Nord

Pour poser un cadre légal, il faut préciser que c’est par le biais de la NHS (National Health Service) que sont appliquées les décisions gouvernementales au niveau national, donnant ainsi une dimension politique qui influencera le domaine social de la controverse. Le gouvernement britannique s’est positionné contre la sélection du sexe en 2008, sauf en cas de nécessité médicale. À cause de cette loi, les résidents britanniques désirant choisir le sexe de leurs enfants sont contraints de le faire à l’étranger, comme en Chypre du Nord par exemple, où la loi permet la sélection du sexe. Cette situation offre une dimension économique alléchante aux médecins locaux, créant un véritable tourisme médical, traduisant la volonté d’une part de la société d’adhérer à des lois différentes de celles en vigueur au Royaume-Uni.

Pour se représenter quantitativement l’opinion générale en “Angleterre, la Haute autorité pour la fertilité et l’embryologie humaines, la HFEA, a mené en 2003 à la demande du Secrétaire d’État à la Santé, une enquête d’opinion avant d’élaborer une réglementation sur la sélection du sexe hors raison médicale. Mille hommes et femmes âgés de 18 à 45 ans ont été interrogés. 16 % ont répondu que pour le premier enfant ils préféraient un garçon, 10 % qu’ils préféraient une fille, 73 % qu’ils n’avaient pas de préférence. S’ils avaient le choix, 3 % ne voudraient que des garçons, 2 % que des filles, 6 % plus de garçons que de filles, 68 % voudraient autant de garçons que de filles et 16 % s’en fichaient. S’ils ne devaient avoir qu’un seul enfant, 26 % voudraient un garçon, 17 % voudraient une fille, et 57 % accepteraient l’un ou l’autre. Enfin si le tri des spermatozoïdes était proposé,|…| au prix de £ 1 250, 21 % profiteraient de la technique, 7 % n’avaient pas d’opinion et 71 % déclaraient qu’il n’était pas question de l’utiliser.” [7]

Ce n’est que 5 ans plus tard, par le Human Fertilisation and Embryology Act voté par le parlement en 2008, que malgré ses lois relativement permissives sur les manipulations embryologiques, le Royaume-Uni ne permet plus la sélection du sexe: les manipulations permettant la détermination du sexe de l’embryon sont clairement interdites.

Le Human Fertilisation and Embryology Authority (HFEA), l’autorité principale autour de la décision des lois concernant de près ou de loin les IVFs au Royaume-Uni, permet toutefois de faire une sélection du sexe “pour raisons médicales”. C’est à dire pour éviter des situations de transmission de maladies génétiques graves liées au sexe, comme, par exemple, en cas de risque de dystrophie musculaire de Duchenne (DMD), une maladie neuromusculaire dégénérative récessive liée au chromosome X. [8]

Toutefois, l’HFEA n’a pas l’autorité de réprimer, ni les couples qui choisissent de se rendre à l’étranger pour bénéficier de traitements illégaux au Royaume-Uni, ni même les cliniques qui leur conseillent des installations étrangères avec lesquelles ils sont en partenariat.

Les couples en questions ont même la possibilité de commencer certains traitements préliminaires sur sol britannique, comme les traitements hormonaux, avant de se rendre à l’étranger pour la sélection embryologique. C’est ce que les cliniques étrangères surnomment: “IVF transport”. [9]. Cette façon de procéder est sujette à controverses, puisque le début du traitement est partiellement financé par l’état britannique.

Il est frappant de remarquer que, malgré la position de la HFEA sur la sélection du sexe, les opinions et les pratiques des médecins de la NHS ne sont pas aussi polarisées. En effet, une enquête du Dailymail a démontré que plusieurs médecins facturent des consultations pour expliquer les procédures de sélection du sexe, allant jusqu’à conseiller des “cliniques de fertilité” à l’étranger. Cette méthode se popularise au Royaume-Uni et dans d’autre pays de l’Union Européenne. D’un point de vue légal, leur argument principal est qu’ils agissent en dehors de leur travail pour la NHS, via des consultations privées (ne bénéficiant pas d’aides financières gouvernementales). Avant de recommander une clinique Nord-Chypriote, ces cliniques évoquent “une collaboration”. Une pratique ouvertement critiquée par d’autres, comme Allan Pacey, Professeur à l’université de Sheffield, qui affirme: “Doctors and other healthcare professionals have a duty to care for their patients, but in my opinion this does not extend to assisting them evade UK law”.[10]

Un exemple d’un tel docteur serait le cas du Docteur Charles Kingsland, qui travaillait alors dans un hôpital à Liverpool en Angleterre. Ce dernier a été suspendu en 2011 après que l’hôpital ait découvert que ce docteur conseillait à ses patients d’aller sélectionner le sexe de leur futur enfant en Chypre du Nord tout en se servant des bureau de la NHS et de son personnel. Ceci est un problème car il se sert des infrastructures et de l’argent alloué par l’état pour proposer à des citoyens anglais de contourner les lois. Ce cas est encore plus spécial de part le fait que le docteur possédait des parts dans la UK Chypriot Fertility Association ce qui pose un problème au niveau de la partialité de son jugement.[11]

Les limites législatives relativement subtiles se heurtent, au final, à l’enjeu économique. La législation interdit la pratique sur le sol britannique; d’autre part, ni le financement ni les infrastructures de la NHS ne peuvent être utilisés pour esquiver les lois en vigueur, sous peine de lourdes sanctions. Une limite aisément contournée, si on passe par le secteur privé (i.e. par une clinique).

En Chypre du Nord, les choses sont différentes. Ne faisant pas partie de l’UE et étant une destination relativement proche du Royaume-Uni, elle offre une certaine attractivité pour un couple britannique voulant choisir le sexe de leur future progéniture. Des “cliniques de fertilité” comme “the Cyprus Crown IVF” ou “Kolan British Hospital” offrent ce genre de procédure sous couvert d’une parfaite légalité. Etant donné la situation spéciale de la Chypre du Nord nous n’avons pas trouvé de Code civil parlant de ces lois. Les autorisations accordées aux cliniques relèvent davantage d’accords avec les autorités.

Comme l’explique Jay Karatuna (conseillère et coordinatrice de la clinique “the Cyprus Crown IVF” spécifiquement dédiée à leur clientèle provenant du Royaume-Uni) à des journalistes du Dailymail : “Une sélection du sexe pour  un “family balancing” ne pose aucun souci, d’un point de vue légal, aux autorités Nord-Chypriotes”[12].

Mettons le coût en perspective: le prix du choix du sexe d’un enfant peut atteindre EUR 16’000, soit USD 18’500 (si la procédure réussit au premier essai).[13] Une somme certes non négligeable pour un couple britannique; mais surtout, une somme qui représente plus de la moitié du PIB par habitant d’un Nord Chypriote (USD 28’748 par an en 2017). L’intérêt économique de la Chypre du Nord ne laisse planer aucun doute.


Le tourisme médical

Cette disparité législative entre le Royaume-Uni et la Chypre du Nord, ainsi que l’accès facilité aux cliniques nord-chypriotes pour les couples britanniques, génèrent un véritable marché en matière de sélection de sexe, un tourisme médical à proprement parler.

Néanmoins, même si certaines avancées de la médecine moderne ont permi la conception de telles procédures, le tourisme médical n’a rien de nouveau. En effet, sous l’Empire romain, les villes thermales (comme la ville de Bath en Angleterre), vantant les mérites des eaux médicinales, en étaient d’excellents exemples .[14]

Nous pouvons également citer la Suisse, qui accueille, depuis le début du XXème siècle, des patients fortunés en louant sa qualité et son efficacité médicales hors normes. Pourtant, alors que la qualité ou la disponibilité des soins médicaux était par le passé la motivation principale pour justifier un traitement à l’étranger, l’excellence semble aujourd’hui avoir laissé place à des raisonnements économiques ou, comme c’est le cas pour la sélection du sexe au Royaume-Uni, à des questions de légalité.

Ce marché crée un nouvel attrait économique pour ces pays; mais il permet également à des organisations, dites internationales, sous couvert de donner une certaine crédibilité à ce nouveau genre de tourisme, de se développer. C’est le cas, par exemple de la WHTC (world health tourisme congress, basée à Dubaï) [15], qui se proclame la référence internationale du tourisme médical. Elle encourage cette pratique en légitimant ces cliniques via l’attribution de prix ou de titres. C’est ainsi que, par exemple, la “British Cyprus IVF hospital” en Chypre du Nord affiche fièrement “awarded as “IVF center of the year” by WHTC” sur sa page d’accueil. [16]

Cette pratique a pour but de légitimer ces cliniques et ainsi rassurer les couples sceptiques.

L’aspect économique

Ce tourisme médical en plein essor explique que certains médecins anglais conseillent à leurs patients de fuir les lois britanniques et les orientent vers des cliniques de Chypre du Nord.

Une fois orientés, les patients sont invités à visiter les sites internet de ces cliniques. Ceux-ci se démarquent par de nombreux aspects:

Premièrement, la richesse des descriptions: des techniques employées, aux procédures médicales, des qualifications des médecins à la présentation de leur famille, photo souriante à l’appui.

Deuxièmement, la mise en valeur de l’attractivité de la clinique (situation, confort, etc).

S’ensuit la liste des procédures, claire et argumentée de manière à dissiper les derniers doutes; et une liste de prix relative à chaque service.

Dans l’ensemble, on y observe une présentation synthétique efficace et  étudiée.

L’atmosphère qui se dégage de ces sites laisse surtout transparaître l’effort marketing et publicitaire, “Prix le plus bas de tout le programme de sélection du sexe” ou encore “Leader mondial de la sélection du genre avec le DPI”.

L’aspect économique de ce tourisme “médical” est indéniable : rien qu’aux Etats-Unis, la sélection du sexe des bébés représente un marché de 100 millions de dollars par année [17]. Dès lors, certains se penchent sur des possibilités d’offres encore plus spécifiques, à l’instar du Dr. Steinberg : “grand spécialiste du choix du sexe”, il explique : “La couleur des yeux sera un gros marché, la demande augmente vraiment vite”[17]. Il déclare “avoir commencé à trier les bébés selon la couleur des yeux”.

(Page Facebook traduite en français de Dogus Fertility Clinic Cyprus, consulté le 23.04.19 [18])

L’importance de ce business en Chypre du Nord justifie l’aspect très travaillé du marketing. Les exemples de sites sont nombreux, que ce soient ceux du Crown IVF Center, du Kolan British Hospital ou, comme ci-dessous, de Dogus Fertility Clinic Cyprus. Ces sites internets, en anglais par défaut, sont soignés, très étudiés, et laissent transparaître une impression de matraquage publicitaire.

Si l’aspect des sites varie peu d’un à l’autre, certains tentent de se démarquer par des détails dont le seul but est d’attirer le patient. La clinique Dogus rend par exemple son site internet disponible en turc, anglais, italien, français, arabe, azerbaïdjanais et russe[17]. La volonté d’expansion est claire.

Il est par ailleurs évident que l’effort marketing est axé sur la mise en place et le maintien d’une réputation d’excellence : étant pionnières dans ce domaine du tourisme médical (hormis les Etats-Unis), ces cliniques de Chypre du Nord entendent bien conserver leur avance face à des pays qui n’interdiraient pas/plus la pratique.

Un parfait exemple: en page d’accueil, le site du Crown IVF Center étale des connaissances du docteur Halil Ibrahim Tekin, gynécologue aux 28’000 IVF [18] , le tout accompagné d’un déferlement d’images de couples heureux dans un cadre paradisiaque. Un point commun des pages d’accueil est la facilité de pouvoir rapidement entrer en contact avec la clinique et, parallèlement, de pouvoir le faire directement sur les réseaux sociaux. Les techniques utilisées sont longuement détaillées. Le tout est appuyé par d’innombrables témoignages de patients, constituant une robuste liste de  »success stories ». Les institutions proposent également, pour faciliter toutes les procédures, des manoeuvres médicales combinées aux frais d’hébergement au prix  »all-inclusive ».

La présentation des équipes médicales permet également de se rendre compte du nombre important de coordinateurs et conseillers étrangers qui sont employés par la clinique afin de mettre en lumière l’existence de tels institutions. Il n’est aussi pas rare que les personnes en charge de la communication avec les clients sur le site internet soient des expatriés britanniques, pour faciliter le contact avec la clientèle.

Parallèlement, l’étendue des services proposés par ces cliniques, nombreuses à se faire connaître par l’intermédiaire d’expositions commerciales à travers le pays, ne se limite pas à la sélection du sexe. C’est lors d’une de celles-ci que Sally Cheshire, présidente du HFEA (Human Fertilisation and Embryology Autority), se fait aborder par un représentant d’une de ces cliniques, qui lui propose un traitement IVF à l’étranger. Stupéfaite, elle se présente et dénigre le comportement contraignant des normes d’approches de ces institutions: “Some of the private sector clinics use very selective success rates in their sales tactics which we are also trying to stop’’[19]. Dans un entretien avec The Telegraph, elle critique leur publicité, mettant en garde les couples intéressés à se méfier premièrement des normes de soins réglementées dans les pays concernés, puis également de la dissimulation des véritables chances de réussite du traitement; “I would like our clinics to be honest about the success rates”[19]. Il n’en demeure pas moins que si le témoignage de nombreux couples fleurissent l’image des cliniques, des expositions ‘’incroyablement commerciales’’ font fructifier ce marché en pleine croissance.  

Les Influenceurs

Un autre élément sur lequel repose ce jeune marché est la discussion qu’il génère. La sélection du sexe par un DPI soulève d’innombrables arguments, autant enthousiastes que réprobateurs; de nombreuses personnes ont dès lors du mal à se positionner dans ce débat. Il va donc de soi que l’opinion véhiculée par des “influenceurs” peut polariser le public cible dans sa manière de penser, et ce même à l’encontre des opinions personnelles préconçues. Ces “influenceurs” proviennent de différents milieux, mais leur point commun est que leur opinion est diffusée à grande échelle, la plupart du temps par les médias, et qu’une partie de la population est susceptible de s’identifier. Le fait est que peu importe le degré d’influence qu’ils ont sur l’opinion des gens, ils alimentent et maintiennent un débat autour de la controverse. Les célébrités, par exemple, très médiatisées, voire idéalisées par certains, sont des vecteurs très recherchés par les “influenceurs”, puisque le regard qu’elles portent sur cette controverse est rapidement connu du grand public. Danielle Lloyd, mannequin anglaise, ex-Miss Angleterre, s’inscrit parfaitement dans cette logique vectorielle, puisqu’elle a eu recours au diagnostic pré-implantatoire afin de choisir le sexe de son enfant. Son argument est le suivant:  “I would regret it if I got to 50 and didn’t have a daughter, and I don’t want to have any regrets, so I’m going to do it.” [20]

Mère de quatre garçons, elle souhaitait avoir une fille et puisque la possibilité technique existe (hors Angleterre), elle a décidé d’en profiter et est allée aux Etats-Unis pour le faire. Bien que cette décision soit personnelle et qu’elle ne regarde qu’elle et son entourage proche au premier abord, la célébrité dont elle fait l’objet influence forcément l’opinion des gens qui la suivent. Son argumentation, basée sur sa propre morale et sa seule conscience, repose sur le droit d’un parent à souhaiter avoir des enfants des deux sexes; cela suggère implicitement que la liberté personnelle devrait prévaloir. Il n’y a donc pas de justification scientifique, mais il s’agit ici davantage d’un choix personnel, influencé par la culture et la société dans laquelle vit l’individu. Cette information a été reprise par un grand nombre de magazines people, les rédactions de ces derniers ayant flairé un sujet à polémique: que les gens soient pour ou contre cette décision, il y a débat et le sujet, relayé au sein de la société, prend de plus en plus d’ampleur.

Apprenant que cette possibilité existe, les couples voulant un enfant d’un sexe en particulier se voient influencés dans leur choix, envisageant la possibilité d’un DPI sous le prétexte suivant : « si Danielle Lloyd l’a fait, pourquoi pas moi ? ».

Le choix du sexe (image: https://www.letemps.ch/suisse/choisir-sexe-enfant-derive-dpi, consulté le 23.04.19 [17])

Il semble cependant que les parents désirant choisir le sexe de leur enfant en ayant recours à un DPI ne souhaitent pas plus un garçon qu’une fille, comme certains pourraient le craindre. En effet, les parents désireraient davantage “un équilibre familial” en “choisissant d’avoir un enfant du sexe opposé à celui qu’ils ont déjà” . Malgré tout, il est difficile de prévoir l’étendue des impacts socio-culturels à une échelle mondiale et à long-terme. Le WHO (World Health Organization) met d’ailleurs en garde contre les risques liés à l’autorisation du DPI pour la sélection du sexe car pour des raisons morales et sociales cela pourrait mener à la dévaluation des femmes et un déséquilibre des genres[21] (comme ce fut le cas en Chine avec la politique de l’enfant unique). Des décisions politiques et économiques peuvent donc bien impacter démographiquement la société au point d’en influencer les relations sociales. Mais encore une fois, le choix du sexe varie beaucoup d’une culture à une autre. Il semblerait qu’en “Europe occidentale ou au Canada, la demande se concentre sur les petites filles”, alors que “dans les communautés asiatiques ou afro-américaines” des Etats-Unis, de même qu’au Moyen-Orient, “la préférence irait aux garçons”[17].  

Human Reproduction vol.10 no.4 pp.968-971, 1995 [22]

C’est notamment, ce que semble corroborer une étude faite par Peter Liu et G.Alan Rose à la London gender clinic, publiée dans Human reproduction, sur 809 couples considérant sélectionner le sexe de leur enfants en 1995. Comme nous pouvons le voir dans le tableau récapitulatif ci-contre, il y a une nette préférence pour les garçons chez les couples occidentaux  et pour les filles pour les couples européens. Pourtant, l’argument de “l’équilibre familial” prévaut, puisque la moyenne des couples cherchant à sélectionner le sexe opposée à leur progéniture actuelle est significativement plus élevé que pour ceux voulant le même sexe. De plus, ce sont majoritairement ces couples qui choisissent d’procédé avec la procédure (couples treated). [22]

Les aspects éthiques

Nous l’avons donc compris, la sélection du sexe divise et de nombreux avis différents se forgent dans le public. Toutefois, certains aspects éthiques, laissant sceptique une partie de la population, reviennent régulièrement animer la controverse. En effet, si par exemple, certains scientifiques ne ratent pas l’occasion de se faire une place dans un jeune marché florissant, d’autres se positionnent clairement contre, plaçant leur éthique avant le profit. Ils sont plusieurs à promouvoir la sélection du sexe par un DPI et autant à vouloir plus de réglementations ou de restrictions quant à son utilisation. Les plus sceptiques voudraient même prohiber la technique du DPI ou la sélection de genre en général, tandis que d’autres l’acceptent dans certaines circonstances médicales.

Par exemple, le Dr. David King qui est un ancien biologiste moléculaire et fondateur de Human Genetics Alert, (un groupe de surveillance laïque qui défend ou critique les  techniques de reproduction et recherche en génétique humaine) est contre la sélection de sexe et incite les gens à être contre cette technique, notamment à travers un document qu’il a écrit au nom de son groupe HGA en 2002 [23] (dernière mise à jour en 2013)[24]:

« In HGA’s view, sex selection, by whatever means, is ethically and socially unjustifiable. We are therefore calling on the HFEA to recommend a ban on this practice. It is important that the HFEA receives as many comments to this effect as possible, so we urge people to respond to the consultation by visiting the HGA website (www.hgalert.org/ whatsnew), or by writing to the HFEA. » [23]

Dans ce document, il justifie son point de vue par 3 arguments principaux, dont les deux premiers sont régulièrement mis en avant lors des débats portant sur les aspects éthiques : Dans son premier argument, il considère que choisir le sexe de son enfant, est une forme de “sexisme”, car lorsqu’on sélectionne un sexe, on en privilégie un et on dénigre l’autre:

« Sex selection is the exercise of sexism at the most profound level, choosing who gets born, and which types of lives are acceptable….Society must continue to fight sexist gender stereotypes, not allow them to dictate who is born. » [23] . Malgré cela, l’étude discuté précédemment pourrait nous permettre de remettre en question cet argument.

Le second est l’argument du « slippery slope »: jusqu’où va-t-on aller en laissant faire la sélection du sexe:

“  The door to ‘designer babies’ will not have been opened a crack – it will have been thrown wide open.” [23]. Il ajoute que, malgré une restriction conséquente actuelle du DPI par la HFEA, il est possible que dans le futur, après avoir autorisé la sélection du sexe, on puisse commencer à autoriser à sélectionner sur des critères tels que l’apparence, puis l’intelligence ou autre.

Le troisième argument est la « commodification »: il justifie que le fait de sélectionner le sexe des enfants revient à les “objéïfier”, comme un choix dans un magasin:

« By choosing the characteristics of our children, we change the ethical relationship between ourselves and them: choosing tends to turn them into just another human-designed consumer commodity, or object. The relationship becomes one between designer and object, where the latter is inevitably in a subordinate position. » [23]. Selon Dr. King, cela inciterait les parents à avoir une vision restreinte de la façon dont devrait être leur enfant. Cette vision serait biaisée et mettrait encore plus de pression sur l’enfant. En effet, ce dernier devrait correspondre aux critères qu’ont ses parents sur la personne qu’il devrait devenir, plutôt que de le laisser être ce qu’il veut être par lui-même (bien qu’il ne nie pas l’influence inévitable des parents et de la société sur l’enfant).

Nous constatons que cet organisme, présidé par un scientifique, a clairement choisi son camp. Il n’est absolument pas d’accord avec ce concept et voudrait au minimum le limiter et au mieux l’interdire actuellement. La HGA essaye d’inciter les gens à être contre et de les alerter des problèmes éthiques que la sélection de genre entraînerait selon eux.

Il y aussi un autre aspect éthique qui est régulièrement mis en lumière, qui concerne plus particulièrement la technique: “PGD is less problematic than the earlier methods, yet still troubling to some because it involves destruction of a healthy embryo and risks to women.”[25]. Dans cette citation Ruth Macklin et ses collègues mettent en avant que le DPI est déjà une avancée éthique compte tenu des premières méthodes de sélection du genre. En effet, avant le DPI il n’existait pas de manière de sélectionner au préalable le sexe de son enfant et donc cela pouvait amener les personnes à recourir à des méthodes peu éthique[26]. Mais Ruth met aussi en avant le point suivant: malgré tout, le DPI n’est pas parfait, car lors de cet intervention, on crée plusieurs embryons pour au final n’en utiliser qu’un seul. Ce problème remet en question la définition de l’être humain et pose la question du moment où le zygote/embryon commence à être considéré comme un être humain. C’est en lien avec de nombreux sujets d’actualité comme l’IVG. Nous n’abordons pas ce sujet qui est trop complexe mais joignons un lien pour plus d’informations.[27]

En ce qui concerne la technique, Ruth Macklin ouvre de nouvelles perspectives sur de nouvelles techniques qui serait, dans un sens, plus en accord avec la moral collective, car ne nécessiteraient pas la production d’embryons “poubelle”.

Conclusion

En conclusion, nous constatons que le débat autour de la sélection du sexe lors d’un DPI au Royaume-Uni naît d’une multitude de désaccords entre de nombreux acteurs, issus de milieux et contextes très divergents. La position géo-politique relativement proche du Royaume-Uni, ainsi que l’histoire coloniale liant l’ex-empire britannique et Chypre sont des facteurs importants à prendre en compte dans les enjeux actuels menant à la controverse et pourrait expliquer en partie le choix de cette destination (plutôt que les Etats-Unis par exemple). Par ailleurs, la volonté du Royaume-Uni de reconnaître la Chypre du Nord comme un état indépendant dans le contexte du Brexit fait valoir cette proximité historique. [28]

Pour certains, il y a un désir de préservation des moeurs en vigueur, tandis que pour d’autres un désir de changement et un renforcement de la liberté personnelle. Quoi qu’il en soit, tous les aspects se rejoignent et se confrontent pour la plupart. Certains avancent le potentiel économique énorme, qui permettrait à des “pays” comme Chypre du Nord de diversifier leur services et augmenter le PIB au profit de toute une population locale, autant par ce tourisme médical que par le tourisme simple engendré par la publicité et la réputation scientifique. D’autres avancent par des revendications éthiques qu’il faut laisser la nature opérer toute seule au risque de déboucher sur encore plus de controverses semblables, ou encore, que des influences démographiques et psychologiques néfastes pourraient en découler. Il y aussi tout l’aspect politique qui soulève la question d’où se trouve la limite légale dans ces pratiques, car comme vu précédemment, une grande partie de la promotion se déroule au Royaume-Uni, en plus des traitements débutant à même son sol, et ce malgré le positionnement du gouvernement et des ses institutions. Si, dans certains lieux comme en Chypre du Nord, la question est résolue, beaucoup de flous subsistent au Royaume-Uni. La loi, qui a pour rôle de poser un cadre à ne pas dépasser pour les citoyens, ne fait actuellement pas l’unanimité, et les couples ayant recours au voyage pour procréer constituent une preuve tangible de cette controverse. Il se peut donc que les lois régissant le DPI en général, et le choix du sexe en particulier, soient amenés à changer, que ce soit au Royaume-Uni ou dans d’autres pays dans un contexte similaire. En outre, il ne s’agit plus seulement d’un sujet actuel, mais aussi d’un sujet d’avenir. La controverse n’est donc pas prête de s’éteindre. Bien au contraire, elle prend de plus en plus d’ampleur au fur et à mesure qu’apparaissent de nouvelles opportunités offertes par la science, à un public de plus en plus large et polarisé.

Bibliographie

1. https://www.facebook.com/genesisfertilitycenter/photos/a.480860932019428/1252815818157265/?type=3&theater

2. Behjati, Sam, et Patrick S Tarpey. « What is next generation sequencing? » Archives of Disease in Childhood. Education and Practice Edition 98, no 6 (décembre 2013): 236‑38. https://doi.org/10.1136/archdischild-2013-304340.

3. « Gender Selection in Cyprus | Dunya IVF Fertility Clinic ». Consulté le 26 mai 2019. https://www.dunyaivf.com/en/gender-selection-pgd.

4. « FIV Chypre | Kyrenia Centre de FIV ». Consulté le 26 mai 2019. http://www.fecondationinvitro.pro/fiv-chypre-dpi.html.

5. « ivf-procedure-dunyaivf_1.jpg (680×487) ». Consulté le 2 juin 2019. https://www.dunyaivf.com/sites/default/files/inline-images/ivf-procedure-dunyaivf_1.jpg.

6. « what-is-pgd_0.jpg (520×221) ». Consulté le 2 juin 2019. https://www.dunyaivf.com/sites/default/files/inline-images/what-is-pgd_0.jpg.

7. Milliez, Jacques. “Choisir Le Sexe de Son Enfant ?”. Consulté le 6 juin 2019. https://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:nWGydq7V2n8J:https://www.researchgate.net/profile/Fadel_Djamel3/post/How_many_of_you_think_that_sex_selective_abortion_in_case_of_second_child_will_be_help_full_for_controlling_population_in_India/attachment/59d63e0279197b807799ab27/AS%253A422158653497356%25401477661874825/download/milliez_selection_sexe_11-06.pdf+&cd=8&hl=en&ct=clnk&gl=ch.

8. Législation relatif à la sélection sexe au Royaume uni. https://www.legislation.gov.uk/ukpga/2008/22/contents#

9. Article de Tevienna de Saille expliquant le « transport IVF ». Consulté le 3 avril 2019. https://www.bionews.org.uk/page_92891

10. « The NHS doctors cashing in on ‘illegal’ designer babies[…] » par Tome Kelly et Victoria Allen. Consulté le 3 mars 2019. https://www.dailymail.co.uk/news/article-6250283/Exposed-NHS-doctors-cashing-illegal-designer-babies.html

11. « Fertility doctor “who arranged sex selection for patients” to face inquiry after MoS investigation ». Mail Online, 20 février 2011. https://www.dailymail.co.uk/news/article-1358757/Fertility-doctor-Charles-Kingsland-arranged-baby-sex-selection-face-inquiry.html.

12. « ‘Everything is legal here'[…] » par Tom Kelly et Victoria Allen. Consulté le 3 mars 2019. https://www.dailymail.co.uk/news/article-6250293/British-couples-lured-lawless-ghost-town-choose-sex-baby.html

13. Page wikipedia avec les informations économique de la Chypre du Nord. Consulté le 22 mai 2019. https://fr.wikipedia.org/wiki/Chypre_(pays)#Un_pays_sorti_de_la_récession_(2008-2016)

14. « Explosion du tourisme médical[…] », Rev Med Suisse 2008; volume 4. 1196-1201, Patrick A. Bovier https://www.revmed.ch/RMS/2008/RMS-157/Explosion-du-tourisme-medical-des-voyageurs-d-un-nouveau-type

15. Site web de la WHTC: Consulté le 22 mais 2019 https://dihtf.com/about-whtc/

16. Site web de la clinique Cyprus IVF hospital. Consulté le 22 mais 2019. http://www.cyprusivf.com

17. ttps://www.letemps.ch/suisse/choisir-sexe-enfant-derive-dpi. Consulté le 23.04.19

18. Page Facebook traduite en français de Dogus Fertility Clinic Cyprus. Consulté le 23.04.19. https://www.facebook.com/dogusfiv/photos/a.1700261440212099/2220751898163048/?type=3&theater ; https://en.cypruscrownivf.com/#

19. « Older women being exploited by IVF clinics – when just two a year will achieve success after the age of 44 »  Laura Donnelly- The Telegraph, consulté le 26 mai 2019. https://www.telegraph.co.uk/news/2019/04/21/older-women-exploited-ivf-clinics-just-two-year-will-achieve/

20. Randell, Louise. « Danielle Lloyd confirms she WILL fly to US for illegal gender assignment treatment to guarantee she has a baby girl». Consulté le 11 avril 2019. https://www.thesun.co.uk/tvandshowbiz/6617074/danielle-lloyd-us-illegal-gender-assignment-treatment-baby-girl/

21. Gender and Genetics. Consulté le 12 mars 2019. https://www.who.int/genomics/gender/en/index4.html

22. Article relatif à l’étude de Peter Liu and G.Alan Rose Human Reproduction vol.10 no.4 pp.968-971, 1995 Social aspects of >800 couples coming forward for gender selection of their children

23. David King, (HGA, Human Genetic Alert) « The Case Against Sex Selection », Human Genetics Alert Campaign Briefing, Dec 2002, consulté le 9 mars 2019 http://www.hgalert.org/sexselection.PDF

24. HGA, Human Genetic Alert  » Resources on sex selection and abortion « , dernière mise à jour depuis 2013. Consulté le 9 mars 2019. http://www.hgalert.org/sexselection2013.htm

25. Macklin, Ruth. « The Ethics of Sex Selection and Family Balancing ». Seminars in Reproductive Medicine 28, no 4 (juillet 2010): 315‑21. https://doi.org/10.1055/s-0030-1255179.

26. Lai‐wan, Chan Cecilia, Blyth Eric, et Chan Celia Hoi‐yan. « Attitudes to and Practices Regarding Sex Selection in China ». Prenatal Diagnosis 26, no 7 (2006): 610‑13. https://doi.org/10.1002/pd.1477.

27. Baldwin, Thomas. « Morality and Human Embryo Research. Introduction to the Talking Point on Morality and Human Embryo Research ». EMBO Reports 10, no 4 (avril 2009): 299‑300. https://doi.org/10.1038/embor.2009.37.

28. Page wikipédia sur la Chypre du Nord. Consulté le 22 mai 2019. https://en.wikipedia.org/wiki/Northern_Cyprus

Les éléphants du cirque Knie : tradition ou exploitation animale?

Buratti Amanda, Tekinalp Melisa, Yohanes Mignote

Figure 1 :  Caricature sur l’exploitation des animaux dans le cirque Knie.  [a]

Introduction

Les cirques de monstres, avec leurs femmes à barbes, leurs “Elephant men”, leurs nains, leurs siamois et bien plus encore, faisaient le bonheur du public au 19ème siècle. Ils se déplaçaient de foires en foires pour exposer ces curiosités humaines. Cependant, si de tels spectacles sont aujourd’hui impensables, ils ne semblaient poser aucun problème d’éthique jusqu’au 20ème siècle, au début duquel des mouvements de protestations apparaissent et mènent à leurs interdictions [1]. Ce changement est dû à une prise de conscience des spectateurs qui ne tolèrent plus le traitement inhumain de ces “monstres”, en parallèle à une meilleure compréhension des malformations et mutations génétiques. Ainsi, il y a une évolution dans la sensibilité des hommes envers leurs compères, malgré leurs différents, ce qui est illustré également dans l’abolition de l’esclavage à la même époque.

Quel est le lien de tout ceci avec une controverse sur l’exploitation des éléphants dans le cadre des cirques?  Les animaux sauvages ont toujours été sources de fascinations à la même période que les cirques de monstres, les félins, les ours, les girafes et les éléphants faisaient partie intégrante des spectacles, jusqu’à ce que l’histoire se répète. Une meilleure compréhension de l’envergure de la sentience animale, la capacité de ressentir des émotions positives ou négatives et la complexité de leurs fonctions cognitives [2], marque un changement dans la société qui commence à se préoccuper du bien-être des animaux. Le philosophe américain Tom Regan initie dans les années 2000 le mouvement des droits pour les animaux [3], illustré aussi par la hausse du véganisme et les luttes antispécistes, qui sont des mouvements très actuels. Ainsi, l’exploitation des animaux dans le domaine du cirque pose problème à de plus en plus de pays, notamment une vingtaine en Europe qui décide de l’interdire [1]. Un exemple plus local et familier serait le fameux cirque de Knie, si bien connu en Suisse.

Contexte

Le cirque Knie est un des plus renommés en Suisse, et il repose sur des spectacles ralliant animaux, prouesses artistiques et techniques. Depuis 1920, son programme est complété par des éléphants d’Asie dont les tournées concernent les spectacles sous le chapiteau mais également les balades dans la ville et leurs baignades dans les lacs. Même si leur présence a contribué à un renouveau du cirque et a pu soulever de l’enthousiasme chez les spectateurs, des questions relatives à la détention des éléphants dans les cirques et à leur utilisation se sont posées. Nombreuses sont les associations ayant exprimés leurs désaccords avec les mœurs du cirque Knie, comme Pour l’Egalité Animale (PEA), Ligue Suisse contre l’expérimentation animale et droit des animaux (LSCV). Parmi toutes ces associations cependant, c’est ProTier, une association engagée à protéger le bien-être et garantir l’éthique du traitement des animaux, qui agit en déposant une plainte contre le cirque en 2013 concernant l’un des spectacles accompagnés d’éléphants. Selon eux, l’exécution du numéro demanderait trop d’efforts musculaires à l’animal et nuirait à ces articulations. 

Dans le numéro en question, un éléphant placé sur un socle tombe avec ses pattes avant sur une bascule propulsant ainsi un acrobate dans les airs. Étant donné le poids de l’animal, ce numéro pourrait causer des dommages à ses articulations” [4]

La protection suisse des animaux (PSA), la plus grande association au niveau national, et membre du groupe européen « Eurogroup for animals », joue un rôle majeur dans ce débat. En effet, c’est elle qui rédige des rapports réguliers sur les conditions de vie des animaux dans les cirques en Suisse, dont Knie. Elle s’assure que la loi est respectée, et dans le cas contraire, l’association se tournera vers l’État afin de prendre une mesure légale.  Quand à la LSCV, fondée en 1978 à Genève et luttant principalement pour les droits des animaux, elle se trouve être un acteur de moins grande envergure dans cette controverse.

Concernant les droits des animaux en Suisse, la loi fédérale sur la protection des animaux (LPA) entre en vigueur en 2005 et l’ordonnance de l’OSAV [5] sur la détention des animaux en Suisse entre en vigueur le 1er mars 2015. Les deux lois suivantes provenant d’un extrait de l’article 5 de l’ordonnance de l’OSAV sur la détention des animaux sauvages concernent les exigences réduites des enclos et sont les plus pertinentes et les plus mentionnées tout au long de cette controverse : 

  1. “La surface de l’enclos intérieur des animaux sauvages éduqués, entraînés ou présentés fréquemment et régulièrement au public ne doit pas être inférieure de plus de 30% à la valeur minimale fixée à l’annexe 2 OPAn.” [5]
  2. […]
  3. “Si la surface de l’enclos intérieur ou extérieur est réduite dans les limites fixées aux al. 1 ou 2, les animaux concernés doivent recevoir, au moins trois fois par jour, une occupation propre à l’espèce et répondant aux besoins de cette dernière. Cette occupation peut consister en du mouvement ou en d’autres activités à l’intérieur ou à l’extérieur de l’enclos.” [5].

Historique et tradition du cirque Knie 

Fondé en 1803 par Friedrich Knie, le cirque Knie s’installe d’abord en Autriche et Allemagne avant d’arriver en Suisse en 1814 où il commencera ses tournées. Le cirque Knie ouvre un zoo pour enfants à Rapperswil en 1962, où ils gardent les animaux quand ils ne sont pas en tournée. Plusieurs générations de la famille Knie se sont succédées à la tête du cirque, qui se décrit comme “une entreprise familiale à 100%” [5]. De 1992 à 2014, la codirection du cirque est attribuée à Franco Knie Senior et Fredy Knie Junior, deux représentants de la 6ème génération, puis à partir de 2015, la direction ne repose plus que sur Fredy Knie Junior. Quant à Franco Knie, il s’occupe désormais des éléphants dans le zoo, y compris ceux retirés de la tournée, suite au débat sur l’exploitation des éléphants dans un cirque. En effet, en août 2015, le cirque annonce le retrait de ses éléphants dès la tournée de 2016, la raison de cette décision étant débattue plus tard dans cette analyse.

Cela fait donc depuis plus de 200 ans que le Knie existe, et est considéré aujourd’hui comme faisant partie “des cirques les plus anciens et les plus prestigieux d’Europe”[5]. En se décrivant comme une dynastie de plusieurs générations et en insistant sur les objectifs des spectacles qui “allient valeurs traditionnelles et techniques de pointe [pour] ainsi enchanter le public dans toute la Suisse” [6], le cirque Knie explique ainsi l’importance de ces valeurs basées sur la transmission des savoirs de dressage de générations en générations dans la famille Knie, la longévité de leur dynastie et l’attachement qu’ils ont pour leurs bêtes.

L’aspect éducatif et émotionnel

Les valeurs traditionnelles susdites ne convainquent cependant pas l’intégralité du public. En effet, dans la rubrique “questions et réponses” du site internet officiel de Knie en novembre 2012, une personne anonyme questionne le cirque en demandant si “[…] les animaux sauvages ne [sont] pas détenus en captivité uniquement pour des raisons commerciales” [7]. 

Le cirque Knie apporte la réponse suivante : 

Nous sommes persuadés qu’à condition de fournir aux animaux sauvages un environnement et des soins adaptés à leurs besoins, nous pouvons contribuer à éduquer le public – jeune et moins jeune- en lui offrant un contact direct, unique en son genre, avec les animaux. Sensibiliser la société dans son ensemble à la beauté et à la dignité du règne animal, telle est la valeur hautement morale de la mission des zoos et cirques” [7].

Dans la société de consommation dans laquelle on vit, il serait normal de penser que le profit passe avant le bien-être animal et les valeurs éducatives auxquelles les représentants du cirque prétendent donner tant d’importance. Le cirque Knie répond en évinçant la possibilité d’un profit uniquement commercial et explique que ce qui compte est l’apprentissage rendu possible grâce aux animaux et ce que ceux-ci offrent à la société d’un point de vue éducatif. En effet, le cirque permet aux spectateurs qui paient d’assister aux répétitions du show et leur permet ainsi d’avoir un contact direct avec les animaux, l’occasion de les observer et de voir comment ils se comportent durant leur dressage. Ces répétitions ouvertes au public tentent de “convaincre tout propriétaire d’animal qu’adopter la manière douce est la seule façon de construire une relation harmonieuse avec lui” [8]. 

Cependant, selon la page Facebook Cirques-sans-animaux, tenue par un groupe d’activistes, “une performance de cirque ne correspond en rien à la réalité naturelle d’un animal sauvage et n’a donc aucune valeur éducative pour les enfants et les adultes” [9]. Cet acteur, même s’il ne répond pas directement aux propos du cirque Knie, émet des arguments antagonistes à ceux exprimés par le cirque. Avec ses dires, il montre qu’il existe un décalage entre la vie des animaux au cirque et celle dans la nature, c’est-à-dire un terrain où les animaux se développent et vivent dans les conditions adaptées à leurs besoins. Ainsi, avoir des animaux en captivité ne correspond pas à ce milieu naturel et ne peut donc pas permettre au public de tirer des valeurs éducatives de leurs observations.

L’argument de l’aspect éducatif ne serait pourtant pas que en faveur du public. En effet, le sujet de la conservation des espèces, généralement abordé dans le cadre des zoos, pourrait également s’appliquer aux cirques. Permettre au public d’avoir un contact avec les animaux sauvages dans les spectacles serait un moyen d’augmenter la sensibilité des spectateurs pour la cause animale et leur serait ainsi bénéfique. Ceci dit, après maintes recherches, nous n’avons pu trouver aucun programme de conservation prenant place dans le cadre d’un cirque.

En plus de l’aspect éducatif, Franco Knie s’exprime sur l’aspect émotionnel lié aux éléphants : ils “[…] vont aussi me manquer, comme mon numéro avec elles. Moi, je serai en tournée. Elles, au zoo” [18]. Ces pachydermes font partie de la famille Knie depuis plusieurs décennies et les dresseurs sont investis émotionnellement dans leur travail comme le déclare Franco : “[…] j’ai le cœur gros parce que les éléphants ont toujours fait partie de la famille” [17].

Franco déclare également “[…] que beaucoup de gens seront tristes, je suis un peu désolé pour les enfants” [17]. En considérant que le public est constitué majoritairement de familles avec des enfants, il serait raisonnable de penser à un certain attachement émotionnel du public aux animaux. 

Après avoir abordé les valeurs traditionnelles, éducatives et émotionnelles, on peut se demander si ces raisons sont suffisantes pour justifier l’exploitation des animaux sauvages dans les cirques.

Exploitation des animaux 

Plusieurs discours d’associations (PSA, LSCV, PEA) se rejoignent pour montrer aux publics l’envers du décor du cirque Knie. Outre les mauvaises conditions de traitements et l’exploitation des animaux, PEA (Pour l’Egalité Animale), en particulier, considère que les animaux n’ont tout simplement pas leur place dans un cirque. Elle place les éléphants dans un contexte dénué de toute logique marchande et soulève le fait que les éléphants sont des animaux sauvages et qu’aucun animal n’a à vivre enfermé [10], elle “[…] considère que les animaux ne devraient pas être asservis dans un cirque dans le but de créer un gain commercial”[11]. PEA ajoute que “[…] le fait même de retenir prisonniers toute leur vie des animaux qui parcourent d’immenses espaces dans la nature, constitue un acte de maltraitance qui ne devrait plus exister à notre époque” [11]. En d’autres termes, le simple fait de détenir des animaux sauvages ailleurs que dans leurs habitats naturels est incriminé par la PEA dont l’un des objectifs majeurs est la lutte contre toute forme d’exploitation animale. 

Les animaux ne sont pas des objets, mais des êtres sensibles qui ressentent des envies, de la joie, mais aussi de profondes angoisses, car ils sont doués d’une vie mentale” [21].

PEA rappelle qu’il faut prendre conscience de la sensibilité de ces animaux et les traiter en conséquence, c’est-à-dire ne pas se limiter uniquement aux besoins physiologiques mais considérer également le fait que les éléphants sont des animaux sociaux, vivant naturellement en troupeau et dans de grands espaces.  

Le cirque ne prend pas en compte ces autres besoins sous prétexte que cela serait une humanisation des animaux, un concept avec lequel il n’est pas d’accord, comme il le déclare ici : 

Nous refusons de tomber dans le piège qui consiste à humaniser l’animal. Les animaux ont d’autres besoins que les hommes […]” [7].

Le piège en question serait de tomber dans l’anthropomorphisme vis-à-vis des animaux. Selon eux, il ne faudrait pas attribuer les besoins et les ressentis des Hommes aux animaux. Franco lui-même ne précise pas la nature du piège, mais quelle que soit son interprétation, il se contredit dans une autre déclaration. En effet, rejeter toute forme d’humanisation ne l’empêche pas d’assimiler un sentiment d’amour à priori humain à ses éléphantes.

Sur le sujet des deux éléphantes laissées en arrière lors de leur tournée, il déclare dans le 24 Heure en 2015 :

“Elles aiment bien prendre la route. […] Elles se souviennent d’une année à l’autre des places sur lesquelles nous nous arrêtons, celles qui sont en bitume, en terre ou en gazon. Elles aiment en retrouver certaines plus que d’autres” [18].

Concernant les besoins des animaux, également mentionnés dans la citation évoquant le piège, le cirque assure que “ […] tous les animaux doivent se sentir à l’aise. Cela fait plusieurs dizaines d’années qu’[il] travaill[e] dans ce but” [7]. Malgré tout, en réponse à la question posée sur son site : “Le cirque peut-il offrir aux animaux sauvages un environnement adapté à leurs besoins ?” [7], Knie affirme que les animaux du cirque sont élevés de manière similaire aux conditions de vies naturelles et spécifiques à l’espèce leur permettant de “conserver un comportement naturel” [12], leur but étant de donner à leurs bêtes tout le confort possible. Pourtant, faire porter à un éléphant un poney entre ses défenses ou un tigre sur son dos, voir l’entraîner à se tenir en équilibre sur ses deux pattes arrière ou avant, sont des comportements loin d’être “naturels” [12].

Conditions de détentions et de traitements

Après avoir mentionné l’exploitation des animaux, il convient d’analyser les conditions de détentions et de traitements des éléphants. Outre leur exploitation, le public et le gouvernement se focalisent surtout sur les conditions de vie de ces animaux, notamment les éléphants. Les médias se penchent sur le sujet lors de l’évasion de l’éléphante nommée Sabu, ce qui fait réagir deux rappeurs romands qui, en septembre 2010, dénoncent par leur texte les conditions de détention des animaux dans les cirques, dont Knie.

Que penseraient-ils de ce fouet s’ils échangeaient de place ? A bas l’exploitation animale ! Mon message est univoque !”[8] 

Les artistes dénoncent ici l’utilisation d’outil de dressage capable d’apeurer et de contrôler un animal, le fouet faisant effectivement partie intégrale des méthodes de dressage du cirque Knie mais ne représentant pas pour autant un objet de violence physique. Cependant, l’impact de ce rap est resté limité car il faudra attendre 2013 pour que les associations de protections des animaux réagissent à leur tour. Comme mentionné plus haut, ProTier interpelle l’Office Vétérinaire Fédérale (OVF) pour qu’elle mandate un expert dans le but d’évaluer un numéro de l’éléphant d’Asie (Delhi) jugé épuisant pour ses pattes. L’OVF fait partie de l’Office fédéral de la Sécurité Alimentaire et des Affaires Vétérinaires (OSAV) qui a pour mission de protéger les animaux, la santé animale et la protection des espèces dans le commerce international. L’expertise arrive à la conclusion que l’éléphant ne souffre pas et qu’il n’y a pas d’infraction à l’article 4 de la loi sur la protection des animaux, lors du numéro en question. 

Un éléphant qui éprouve un malaise, une angoisse voire des douleurs durant un exercice fait tout son possible pour ne pas l’exécuter. Delhi aurait pu par exemple refuser de grimper sur le socle. Et pourtant, il monte sans hésitation et sans y être forcé”[14].

L’expertise a été menée plusieurs fois par les experts mandatés par l’OVF puis une fois par un expert indépendant qui a été recommandé par plusieurs spécialistes. De plus, un vétérinaire de cirque a assisté à plusieurs reprises au numéro que Delhi devait effectuer.

L’OVF précise que cette expertise est neutre. Cela se reflète par l’implication de l’OVF, des autorités d’exécution de la législation sur la protection des animaux et des experts pour tirer les conclusions de l’expertise. Cette expertise lève donc tout doute concernant la maltraitance de l’éléphant durant son numéro.

La PSA relance le débat en 2015 en donnant leur avis sur l’ordonnance de l’OSAV.

La Protection Suisse des Animaux PSA s’était exprimée de manière très critique à ce sujet dans le cadre de la consultation, car cette ordonnance bétonne de nombreuses dispositions exceptionnelles en faveur des cirques mais contraires à la protection des animaux”[10]. 

Elle revendique le fait que la loi est trop souple concernant la détention des animaux sauvages dans les cirques. En effet, même si l’espace minimal est respecté dans la majorité des villes, la loi permet de les accueillir “si la surface de l’enclos intérieur ou extérieur est réduite […], [dans ce cas] les animaux concernés doivent recevoir, au moins trois fois par jour, une occupation propre à l’espèce et répondant aux besoins de cette dernière” [5], comme mentionné dans le contexte. À priori, le traitement des animaux par Knie est conforme aux conditions légales. Les enclos sont de dimensions adéquates comme le mentionne le rapport de 2015 de la PSA. Le cirque respecte effectivement cette condition de la PSA en ne prenant pas en tournée les animaux dont le confort ne peut pas être garanti [10].  Cependant, dans ce même rapport, le cirque Royal précédemment considéré comme un “enfant terrible” [10] est également évalué. Contrairement au cirque Knie, même s’il y est conforme, Royal exploite la souplesse de la loi en invoquant trop souvent ses exceptions et en continuant à prendre des animaux durant ses tournées, notamment des lions.

Plus tôt dans l’année, Isabelle Chevalley, conseillère nationale depuis 2011, ex-députée au Grand Conseil vaudois, et vice-présidente des Vert’libéraux Vaud depuis 2017, a déposé une motion pour réglementer les espèces animales admises dans les cirques le 19 mars 2015. Elle préconise l’établissement de bases légales et d’une “liste noire“ d’animaux non autorisés dans les cirques et cite par exemple les rhinocéros, les girafes, les grands singes, etc… mais pas les éléphants. Elle n’attaque pas directement Knie et va même, au contraire, affirmer que Knie traite bien ses animaux et ne tient pas à ce que les éléphants disparaissent du cirque [15]. Elle “[…] estime que chez Knie, les animaux sont bien traités” [22].

Le Conseil Fédéral répond qu’il n’est pas nécessaire d’établir une liste noire car les lois concernant la protection des animaux en Suisse sont les plus strictes du monde et “qu’il n’exist[e] pas de critères objectifs pour interdire des espèces animales particulières et que toute détention [doit] de toute manière tenir compte du bien-être des animaux”[16]. De plus, les exigences relatives à la détention d’animaux étant strictes, il est coûteux pour les cirques d’appliquer convenablement les règles et décident donc volontairement de renoncer à certains animaux pour les tournées. 

Un autre point soulevé par PEA en 2015 concernant les mauvaises conditions de traitement est le fait que les éléphants sont enchaînés. En effet, comme l’insinue le porte-parole de la PEA :

En 2010, Knie avait annoncé dans un communiqué qu’il n’attachait plus les éléphants, mais nous avons découvert que le cirque les enchaînait encore en 2015. Nous espérons donc que cette nouvelle annonce sera réellement respectée”[11].

Figure 2 :Photo d’un éléphant enchaîné au cirque Knie en 2015. [b]

Ce constat nous amène à questionner la véracité de leur propos. 

Outre l’espace dans les enclos et les méthodes de dressage, les conditions de transport dans les cirques itinérants est un point mentionné par l’une des questions dans la rubrique “questions et réponses” du site du cirque Knie. Les personnes intéressées demandent si “Les animaux du cirque [souffrent] des trajets d’une localité à une autre” [7]. Selon le Dr. Sophie Dol, une vétérinaire française, “[…] les animaux de cirque souffrent de multiples pathologies liées à leur vie itinérante en captivité[…]” et “[…] de nombreuses pathologies des pieds et des muqueuses dues à l’immobilisme, au mauvais entretien des litières, au sols mal adaptés, aux longs trajets en camion.” [34]. Ces propos n’accusent pas directement le cirque Knie mais concernent les cirques itinérants en général. Sur le sujet, le cirque Knie affirme que leurs “[…] animaux ne souffrent pas de ces voyages – dans le cas contraire [ils] le remarquer[aient] immédiatement, tout comme le public.” [7]. Le cirque, conscient de l’impact des transports d’une longue durée sur les animaux, choisit les trajets les plus courts afin de garantir aux animaux les meilleures conditions possibles.

Décision du cirque Knie concernant le retrait des éléphants 

En somme, les valeurs traditionnelles, éducatives et émotionnelles ne justifient pas la présence des animaux dans un cirque, leur utilisation est une forme d’exploitation mais les conditions de détention et le traitement des animaux respectent la loi.

Dans ce cas, pourquoi le cirque Knie a pris, le 11 août 2015, la décision de retirer tous les éléphants dès la tournée de 2016 et de les laisser au zoo de Rapperswil ? 

La déclaration officielle du cirque est la suivante :

Nous ne pouvons plus séparer les petits de leur mère, aussi nous allons reconstituer à Rapperswil un groupe matriarcal avec cinq femelles et un mâle, comme cela se passe dans la nature” [17].

La raison principale énoncée par le cirque serait donc la motivation de soutenir la reproduction des éléphants dans le zoo. En effet, le WWF classe les éléphants d’Asie parmi les espèces en danger et leur reproduction est primordiale pour la survie de l’espèce [19]. Cependant, les éléphants d’Asie sont classés dans la liste des espèces en danger depuis déjà 2008, donc une bonne décennie avant la prise de la décision [30].

Connaissant les critiques des associations de protection des animaux et du public à l’égard du cirque, il serait raisonnable de penser que celui-ci a cédé sous la pression. Pourtant, Franco Knie est catégorique sur la question : “ce n’est pas du tout la raison de ce changement […] nous ne nous laissons pas dicter notre travail par des extrémistes” [17].

Cela dit, malgré les propos de Franco, il ne faut pas dénigrer le fait que la situation financière du zoo de Rapperswil n’a fait que s’améliorer après l’arrivée des éléphants. L’infrastructure rapporte de plus en plus au cirque Knie, comparée aux tournées, pour lesquelles il doit vendre au minimum 80% des billets pour rentabiliser un show, et, la vente de souvenirs dans toute la Suisse [24]. C’est pourquoi Franco Knie a décidé de réaménager et d’agrandir l’espace dédié aux éléphants pour le rendre plus attractif. Le zoo, avant 2015, hébergeait déjà neuf éléphants qui, à tour de rôle, partaient en tournée avec le cirque, puis en été 2015, précédant la prise de décision, trois éléphants sont morts de vieillesse. Les cinq femelles parmi ceux restant sont rejointes par un mâle d’un zoo polonais afin de créer le groupe matriarcal mentionné précédemment, ce qui constitue les conditions naturelles d’un environnement favorable de reproduction. Cependant les éléphants, désormais définitivement dans le zoo, ne sont pas pour autant à la retraite. En effet, nombreuses activités sont mises à la disposition des visiteurs, allant de la simple visite, au tour à dos d’éléphants [31], ce qui indique qu’ils sont toujours exploités. Il est également possible d’aller à la rencontre des huit éléphants asiatiques avec Franco Knie pour 2000 CHF [25], ce qui est un prix bien plus élevé que dans les autres cirques Suisses pour des activités similaires. Cette information a été confirmée par nos soins à travers un appel téléphonique auprès d’une responsable du service des renseignements du zoo. 

De plus, durant une interview pour Migros Magazine, il est prétendu dans l’une des questions que Franco Knie aurait une intention de soutenir par une aide financière un projet en faveur des éléphants d’Asie :

Au Sri Lanka, le cirque Knie soutient le projet « Wasaba » en faveur des éléphants d’Asie.” [20]

Toutefois, il y a lieu de croire que le projet en question a avorté et depuis, plus aucune nouvelle sur le sujet. Franco Knie avait affirmé vouloir “ […] [examiner ce qu’il peut] faire pour la protection des espèces” [22], pourtant, jusqu’à aujourd’hui, cette affirmation reste une simple déclaration orale et n’est pas poursuivie. 

Par conséquent, sachant que le retrait des éléphants leur a été financièrement bénéfique, l’argument économique est pertinent. 

En définitive, peu importe la raison derrière cette décision, celle-ci est hautement saluée par Isabelle Chevalley, la conseillère nationale, et par les associations PSA et ProTier.

Discussion

La question du retrait des éléphants est résolue, pourtant le combat des associations de protection des animaux est loin d’être terminé. En effet, rien qu’un mois après l’annonce de la décision (août 2015) de retirer les éléphants, les associations LSCV et PEA se rejoignent pour manifester devant le cirque, munies de banderoles et de mégaphones, pour l’abolition catégorique de l’exploitation animale dans les cirques. Ils démontrent ainsi que le retrait d’une unique espèce ne suffit pas à ébranler leurs convictions. La SVPA, société vaudoise de la protection des animaux, se prononce également sur le sujet, malgré son approbation pour le retrait. 

Tant qu’il y aura des animaux exploités pour le simple plaisir des humains, il y aura malheureusement des animaux torturés ou même simplement contraints. Trouvant cela inacceptable, la SVPA se positionne simplement en exigeant des cirques sans animaux, qu’ils soient sauvages ou domestiques.” [28]

Contrairement à eux, Barbara Kerkmeer, représentante de l’association ProTier, affirme que “[…] le cirque de Rapperswil est sur la bonne voie” [26].

Figure 3 : Photo capturée lors de la manifestation de septembre 2015 organisée par la LSCV. [c]

Cela ne s’arrête pas en 2015, en 2016, une activiste, accompagnée de 2 autres personnes, pénètre illégalement dans l’enceinte du cirque, vandalisent leur propriété et dénoncent par des photos le mauvais traitement. Une des activistes déclare que leur action est de leur propre initiative et n’a aucun lien avec une association de protection animale [27]. Cette dernière est condamnée en 2019 “pour violation de domicile, diffamation et dommage à la propriété d’importance mineure” [29]. Le ministère public dément les rumeurs de mauvais traitements dénoncées par les images. 

Figure 4 : Photo d’une pancarte du cirque Knie, vandalisée par les activistes en 2016.[d]

De cette décision, toutefois, ne résulte pas que du négatif. Isabelle Chevalley y voit une perspective future qui “va faire sauter un verrou”, elle pense “[…] qu’on va vers une interdiction” [17]. En d’autres termes, le retrait ouvrirait la voie vers une interdiction officielle de l’exploitation des animaux dans tous les cirques suisses. C’est pourquoi elle soutient la pétition contre l’utilisation de toutes bêtes sauvages dans le cadre du cirque récoltant 70’676 signatures. Elle est lancée en mars 2018 par ProTier, Quatre Pattes, une association spécialisée dans la défense des animaux sous l’influence directe des humains, agissant souvent sur un plan international, et Tier im Recht (TIR), une association également présente sur le plan international mais se focalisant sur l’aspect légal et éthique de la relation entre les Hommes et les autres animaux.

Parmi les animaux concernés dans cette pétition, il y a notamment le fauve, l’éléphant, le zèbre et le chameau [32]. Ce dernier accompagne toujours le cirque dans le zoo itinérant, mais, bien qu’il ne participe pas au show, il subit tout autant les contraintes d’une tournée. Les déplacements constants causant du stress aux animaux étant dénoncés par la pétition, le cirque Knie pourrait se retrouver également pointé du doigt. D’autant plus qu’il a déclaré sur son site en 2019 qu’il “[…] n’y a pas lieu de remettre en question la détention des animaux sauvages dans sa globalité, voire d’y renoncer complètement” [12], ce qui rend impossible une interdiction totale.

Conclusion

Après avoir exposé l’importance de l’aspect traditionnel, parcouru les arguments émotionnels et en faveur de l’éducation, débattu les enjeux liés à l’exploitation animale ainsi que les conditions de détentions et de traitements, puis discuté des raisons derrière le retrait des éléphants, nous constatons qu’il est difficile de trancher la controverse. Si l’argument des mœurs et coutumes centenaires de la famille Knie est de taille pour cette dernière, les activistes auraient tendance à ne pas y donner plus d’importance, pour eux, le bien-être des animaux étant prioritaire. Néanmoins, si maintenant ces mêmes activistes contestent la pertinence de l’aspect éducationnel du cirque, il n’en sera pas de même pour des parents dont les enfants se réjouissent de visiter les éléphants chaque année. 

Au final, après le départ des éléphants, qui est satisfait ? Quel est le résultat ? Le cirque Knie est toujours renommé et accompagné de ses chevaux, et les associations, pour la plupart, continueront à lutter jusqu’à l’interdiction de l’exploitation animale dans les cirques. 

Dans une soixantaine de villes en France, l’utilisation de toutes espèces animales est interdite dans les cirques, en Italie et en Grèce, une loi a été votée respectivement en 2017 et 2012 pour cette  interdiction appliquée à l’échelle de tout le pays, et dans de nombreux autres pays d’Europe des interdictions totales et partielles ainsi que des programmes contre les animaux dans les cirques sont encore mis en place [30]. Le cirque le plus reconnu dans le monde est le Cirque du Soleil, qui ne présente aucun animal dans ses spectacles. En d’autres termes, il n’est pas impossible d’y renoncer, des perspectives futures restent envisageables.

Le débat sur les animaux dans les cirques est toujours d’actualité et malgré les chameaux dans le zoo itinérant et les chevaux du spectacle, Knie demeure un modèle positif pour les cirques de Suisse. 

En conclusion, le débat controversé sur les animaux dans les cirques reflète une évolution dans les mentalités humaines au sein de la société. Les cirques étaient dans le passé une ouverture sur le monde, une image de la mentalité et éthique d’antan, et sont aujourd’hui l’illustration d’une société dont la volonté est le respect de tous les êtres vivants. Comme le dit Olivier Pauchard, journaliste spécialisé dans la politique fédérale chez Swissinfo, le cirque “[reste] fidèle à sa vocation première : être le miroir de notre monde” [35].

Références bibliographiques

[1] Bogdan R, “Le commerce des monstres. Actes de la Recherche en Sciences Sociales”, https://doi.org/10.3406/arss.1994.3111 , Consulté le 19.05.2019.

[2]  One Voice, “Sentience des animaux, émotions et conscience”, https://one-voice.fr/download_data_files/etltCalGhMu5eJDs6assfg , Consulté le 19.05.2019.

[3] Anonymous, “Tom Regan”, https://fr.wikipedia.org/wiki/Tom_Regan , Consulté le 19.05.2019.

[4] “Le cirque Knie accusé de cruauté envers les animaux”,  https://www.tdg.ch/suisse/Le-Cirque-Knie-accuse-de-cruaute-envers-les-animaux/story/19750995, Consulté le 16.04.2019.

[5] Conseil fédéral. “RS 455.110.3 Ordonnance de l’OSAV du 2 février 2015 sur la détention des animaux sauvages”, https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/20143030/index.html ,  Consulté le 26.04.2019.

[6] “Le cirque : portrait”, https://www.knie.ch/cirque/le-cirque/portrait , Consulté le 15.04.2019.

[7] “Questions et réponse”, http://www.kniestierwelt.ch/de/fragen-und-antworten/ , Consulté le 15.04.2019.

[8] Pomey R. , “Des Romands sortent un rap anti-Knie”, https://www.20min.ch/ro/news/suisse/story/15297831 , Consulté le 26.04.2019

[9] Anonymous, “Pour des cirques SANS animaux en Suisse”, https://www.facebook.com/cirquessansanimaux.suisse , Consulté le 15.04.2019.

[10] PSA, “Protection Suisse des Animaux PSA. 2015. Rapport PSA sur les cirques 2015”, http://www.protection-animaux.com/medias/pc2015/151015.html , Consulté le 26.04.2019.

[11] Anushavan S. “Dernier spectacle de Knie avec les éléphants” , https://us3.campaign-archive.com/?u=de0c085786bd32fbdee7ac45e&id=8300cc4026 , Consulté le 26.04.2019.

[12] “Zoo itinérant : Questions fréquentes au sujet de nos animaux”, https://www.knie.ch/cirque/tournee-2019/zoo-itinerant , Consulté le 26.04.2019.

[13] PEA, “Pour l’Égalité Animale”, https://www.asso-pea.ch/fr/ , Consulté le 26.04.2019.

[14] Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires, “Le numéro avec un éléphant du cirque Knie est conforme à la protection des animaux”, https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-50136.html , Consulté le 26.04.2019.

[15] Chevalley I, “Réglementation sur les espèces animales admises dans les cirques”, https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20153296 , Consulté le 26.04.2019.

[16] Conseil Fédéral, “Réglementation sur les espèces animales admises dans les cirques”, https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20153296  , Consulté le 26.04.2019.

[17]  Chuard, P., “Beaucoup de gens seront tristes sans les éléphants”, https://www.tdg.ch/suisse/gens-tristes-elephants/story/23180926 , Consulté le 26.04.2019.

[18] Antonoff L., “Les éléphantes «Ceylon» et «Delhi» font leurs adieux aux Vaudois”, https://www.24heures.ch/vaud-regions/lausanne-region/adieux-elephants-lausannois/story/19859195 , Consulté le 05.05.2019.

[19] WWF, “L’éléphant d’Asie, en danger critique”, https://wwf.be/fr/espece-menacee/elephant/elephant-dasie/ , Consulté le 17.04.2019.

[20] Anonymous, “Des animaux bien traités chez Knie”,https://www.migrosmagazine.ch/archives/animaux-bien-traites-chez%20knie, Consulté le 05.05.2019.

[21] PEA, “Knie à Genève : mobilisation pour les animaux prisonniers du cirque”, https://www.asso-pea.ch/fr/news/knie-a-geneve-mobilisation-pour-les-animaux-prisonniers-du-cirque/, Consulté le 05.05.2019.

[22] Felley E., “Une liste noire pour les animaux de cirque?”,  https://www.lematin.ch/suisse/liste-noire-animaux-cirque/story/26075919, Consulté le 06.05.2019.

[23] “Le cirque Knie écarte les éléphants de ses futurs spectacles”,https://www.rts.ch/info/culture/6994732-le-cirque-knie-ecarte-les-elephants-de-ses-futurs-spectacles.html , Consulté le 07.05.2019.

[24] Nikolic D, “Nuit blanche au cœur de la machine Knie”, https://www.letemps.ch/suisse/nuit-blanche-coeur-machine-knie, Consulté le 7.052019.

[25] “Offres de groupe”, https://www.knieskinderzoo.ch/zoolis/activites/, Consulté le 8.05.2019.

[26] Barbara Kerkmeer, “Le cirque Knie écarte les éléphants de ses futurs spectacles”, https://www.swissinfo.ch/fre/la-100e-tourn%C3%A9e-du-cirque-knie-d%C3%A9marre-%C3%A0-rapperswil–sg-/43975914, Consulté le 7.05.2019.

[27]  Zeines S, “Les antispécistes s’en prennent au Knie”, https://www.lematin.ch/news/standard/antispecistes-s-prennent-knie/story/27973837, Consulté le 8.05.2019.

[28] SVPA – Société Vaudoise de la Protection des animaux, “Derniers tours de piste pour les éléphants”, https://www.svpa.ch/protection_animaux/cirques_menageries/?id=119, Consulté le 8.05.2019.

[29] “Antispéciste condamnée pour avoir nui à Knie”, https://www.20min.ch/ro/news/geneve/story/Antispeciste-condamnee-pour-avoir-nui-a-Knie-20458979, Consulté le 8.05.2019.

[30] Choudhury A. et al, “Elephas maximus. The IUCN Red List of Threatened Species”,   https://www.iucnredlist.org/species/7140/12828813, Consulté le 10.05.2019.

[31] “Zoo pour enfants de Rapperswil : de quoi ravir petits et grands”,  https://famigros.migros.ch/fr/excursions-loisirs/buts-d-excursions/zoo-pour-enfants-de-rapperswil, Consulté le 8.05.2019.

[32] Quatre Pattes, Tier im Recht, ProTier, “Non aux animaux sauvages dans les cirques !Tier im Recht”, https://www.tierimrecht.org/documents/2800/Rapport_Pas_danimaux_sauvages_au_cirque__FINAL_fr.pdf, Consulté le 10.05.2019.

[33] “Les cirques Knie et Royal bien notés par les défenseurs des bêtes”,   https://www.tdg.ch/suisse/cirques-knie-royal-notes-defenseurs-betes/story/14935613, Consulté le 19.05.2019.

[34] Novactive P, “Les animaux ont-ils leur place au cirque?”, https://www.lanouvellerepublique.fr/tours/les-animaux-ont-ils-leur-place-au-cirque, Consulté le 19.05.2019.

[35] Pauchard O, “Avec ou sans femmes à barbes, le cirque reste le miroir du monde”, https://www.swissinfo.ch/fre/culture/centenaire-du-cirque-knie_avec-ou-sans-femmes-%C3%A0-barbe–le-cirque-reste-le-miroir-du-monde/44755846 , Consulté le 23.05.2019.

Références des figures

[a] Alex. “Éléphants de Knie à la retraite”, https://www.laliberte.ch/news/suisse/elephants-de-knie-a-la-retraite-295077, Consulté le 16.05.2019.

[b] Baud G, “Éléphant enchaîné chez Knie”, https://us3.campaign-archive.com/?u=de0c085786bd32fbdee7ac45e&id=8300cc4026, Consulté le 5.05.2019.

[c] PEA, “Knie à Genève : mobilisation pour les animaux prisonniers du cirque”, https://www.asso-pea.ch/fr/news/knie-a-geneve-mobilisation-pour-les-animaux-prisonniers-du-cirque/, Consulté le 5.05.2019.

[d] Kayla (nom d’emprunt), “Les antispécistes s’en prennent au Knie”, https://www.lematin.ch/news/standard/antispecistes-s-prennent-knie/story/27973837, Consulté le 5.05.2019.


Controverse sur l’utilisation de la mycorhize dans l’agriculture

Illustration 1: Page de couverture d’un livre éducatif sur les mycorhizes [1]

Article rédigé par Elif Tekkoyun, Léa Fabbro, Nathan Breuillard, Sibylle Mottet, Solène Renaudineau, publié le 10 mai 2019, mis à jour le 2 juin 2019

Introduction

L’optimisation de l’agriculture intensive observée lors la révolution verte a permis d’obtenir un meilleur rendement avec des cultures nécessitant moins d’espace [2] et moins de mains-d’œuvre [3].  

Cependant, cette manière de percevoir la culture du sol et les intrants chimiques est actuellement contestée vis à vis de son impact écologique [4] aux vues du nombre important d’acteurs du monde agricole, scientifique ou encore de certaines politiques promouvant une agriculture plus biologique et respectueuse de l’environnement [5].

De ce fait, le secteur agricole se voit progressivement poussé vers des solutions alternatives aux engrais chimiques [6], parmi lesquelles se trouve la mycorhize. Elle permettrait de rendre l’agriculture plus respectueuse de l’environnement, d’améliorer les qualités nutritionnelles ainsi que le rendement (par une protection et une meilleure croissance) de certaines plantes cultivées [7].

Néanmoins, cette pratique prometteuse soulève des questionnements vis à vis de son efficacité [8] et de son impact aussi bien environnemental [9] qu’économique.

Le débat sur ce sujet est donc ouvert dans notre société et permettrait possiblement de concilier la volonté d’une consommation plus respectueuse et plus proche de la nature  [10] avec  la nécessité d’une production en masse pour nourrir l’humanité [11].

Cette problématique sur les mycorhizes est complexe pour de nombreuses raisons, la principale résidant dans le fait qu’il s’agit d’un sujet d’étude récent dont les publications sur le sujet sont relativement jeunes.

Qu’est-ce qu’une mycorhize ?

La mycorhize constitue une association symbiotique entre un champignon et une plante. Selon les spécialistes J.-André Fortin (Ancien Professeur des Universités de Laval et de Montréal, fondateur du Centre de recherche en biologie forestière et de l’Institut de recherche de biologie végétale), Christian Plenchette (Directeur de Recherche à l’Institut National de Recherche Agronomique de Dijon) et Yves Piché (Professeur de mycologie à l’université de Laval) dans l’ouvrage “Les mycorhizes L’essor de la nouvelle révolution verte”[12], les champignons forment un réseau cellulaire, nommé mycélium, ce dernier est constitué d’hyphe (cellules filamenteuses) qui permettent un meilleur approvisionnement en minéraux et en eau aux racines, en contrepartie, la plante fournit des sucres issus de la photosynthèse aux champignons. Il existe deux types de mycorhizes, les endomycorhizes et les ectomycorhizes. Les endomycorhizes, aussi appelées mycorhizes arbusculaires (l’abréviation AM, pour “arbuscular mycorrhiza” pourra être utilisée par la suite) ont la spécificité d’avoir des hyphes qui rentre à l’intérieur des structures racinaires de la majorité des espèces de plantes terrestres. Les ectomycorhizes, limitées à quelques plantes forment un manchon autour des racines de ces dernières.

Illustration 2 [13]: Comparaison entre deux plants de fraises, l’un mycorhizées et l’autre non-mycorhizées.

Ce qu’en pensent les scientifiques

Une symbiose avec une mycorhize arbusculaire est importante pour la plupart des plantes cultivables, comme le souligne Bucher et al. (2014) [14].

Des résultats encourageant l’utilisation des mycorhizes

Dans ce sens, selon le professeur et chercheur Mohamed Hijiri [15], la mycorhize aurait des effets positifs sur la croissance des plantes cultivées et sur l’environnement. Il explique en effet que le réseau d’hyphes améliore l’absorption de sels minéraux par les plantes, notamment le phosphore, un élément limitant dans la majorité des cultures, et qui permet une meilleure croissance.

De plus, cette symbiose réduit grandement l’utilisation d’engrais phosphatés, en partie responsables avec les nitrates de désastres écologiques majeurs tels que les marées vertes en Bretagne [16].

Les mycorhizes arbusculaires sont effectivement capables de maximiser l’absorption de nutriments (tels que les molécules azotées et phosphorées) en évitant leurs pertes par le lessivage du sol comme le souligne Timothy Richard Cavagnaro (basé à l’Université Adélaïde, Australie) et son équipe dans leur étude « The role of arbuscular mycorrhizas in reducing soil nutrient loss » [17]. Ils concluent que la capacité à réduire la perte de nutriments est importante pour augmenter la production agricole globale tout en respectant l’environnement.

Un autre des bienfaits de la mycorhize est l’amélioration des qualités nutritionnelles de certaines plantes consommées.  En effet, selon Antonio Coccina et Timothy R.Cavagnaro [18], l’assimilation du zinc par les hyphes d’un champignon AM (Rhizophagus irregularis) contribuerait à l’accumulation de ce métal chez le blé (Triticum aestivum) et chez l’orge (Hordeum vulgare). Ainsi, la concentration de zinc présente dans la plante augmente de 24.3% chez le blé et de 12.7% chez l’orge. Cette qualité associée à la  mycorhize arbusculaire serait donc importante pour combattre la carence en zinc dans des populations où l’alimentation est essentiellement à base de céréales.  Wessells et Brown [19] estimant que 17.3% de la population mondiale a un apport inadéquat de cet élément essentiel au maintien du métabolisme humain.

Par ailleurs, l’utilisation de la mycorhize dans l’agriculture peut être un atout pour lutter contre le manque d’eau causé par le réchauffement climatique. Comme le montre Khalvati et al. (2005) [20], certaines mycorhizes arbusculaires pourraient permettre une meilleure absorption et rétention d’eau par le système racinaire en stabilisant les particules du sol. Cet attribut rend les plantes mycorhizées plus résistantes aux stress hydriques (situation dans laquelle la plante ne reçoit pas la quantité d’eau adaptée à ses besoins) comme cela a été observé sur les racines d’orge en conditions de sécheresse. Chitarra, Pagliarani, Maserti et al. (2016) [21] concluent également que la mycorhize AM (Rhizophagus intraradices) augmente la tolérance de la tomate (Solanum lycopersicum) lors d’un stress hydrique, cela a été aussi observé chez la laitue (Lactuca sativa) en symbiose avec un autre champignon mycorhizien (Rhizophagus irregularis) par Ruiz-Lozano et al. (2016) [22].

En plus de leur effet positif sur la croissance des plantes, certains champignons mycorhiziens arbusculaires (Arbuscular Mycorrhizal Fungi) peuvent agir comme agent protecteur contre divers pathogènes. En ce sens, la méta-analyse de Siddiqui et al. (2008) [23] révèle les résultats suivants :

  1. L’association d’un champignon mycorhizien réduirait les dommages causés par les champignons pathogènes et les nématodes.
  2. La symbiose avec une AM améliorerait la résistance ou la tolérance des racines des plantes hôtes, bien que ce résultat varierait en fonction des analyses menées
  3. Cette protection ne serait pas efficace contre tous les pathogènes.
  4. Les conditions environnementales et la qualité du sol pourrait influencer l’efficacité de cette protection.

Quant aux virus, comme le remarque Xavier L. et al. (2003) [24], l’interaction entre les virus et les plantes mycorhiziennes reste peu étudiée par la communauté scientifique. Ces deux scientifiques jugent que l’utilisation des AM dans la bio-protection des plantes contre les infections virales n’est pas intéressante et qu’il est préférable de mener davantage d’études sur l’impact des virus entraînant la réduction de la colonisation des racines par les mycorhizes [25], [26], [27].

… malgrés la découverte de désavantages

Il est essentiel de garder à l’esprit qu’une symbiose avec une mycorhize arbusculaire n’apporte pas que des bénéfices. En effets, certains craignent que la mycorhize ne favorise le développement de plantes invasives, en s’échappant des champs et en colonisant des milieux naturels aux alentours de sa culture originelle. D’après Zhang et al. [28] dans l’article “fungi facilitate the competitive growth of two invasive plant species, Ambrosia artemisiifolia and Bidens pilosa” publié en 2018, la mycorhize pourrait favoriser le développement de plantes invasives telles que Ambrosia artemisiifolia et Bidens pilosa, ce qui pourrait engendrer des pertes économiques et un problème pour la diversité.

En effet, la mycorhize peut favoriser l’invasion de plantes exotiques en influençant la compétition qui existe entre les différentes espèces en favorisant leur croissances. Leur conclusion est que la pousse de ces plantes est effectivement améliorée par l’utilisation de mycorhize arbusculaire par rapport au plantes sauvages, ce qui peut entraîner une perte de biodiversité dans le cas où les mycorhizes sortiraient de l’agrosystème (champs).

Malgré tout, une autre étude sur le sujet, de Bunn et al. (2017) [29] cherchait à savoir si les plantes invasives et les plantes natives interagissent de manière différente avec les mycorhizes arbusculaires. En se basant sur une méta-analyse, deux des hypothèses qui étaient soutenues par les nombreuses recherches sur le sujet tendent à montrer une interaction différente. Soit parce que la mycorhize arbusculaire ne colonise pas la plante invasive soit parce que les plantes invasives recevraient moins ou plus de bénéfices. Cette recherche avait pour but de vérifier ces trois hypothèses.

Les résultats montrent que les plantes invasives ne sont pas influencées différemment des plantes sauvages par rapport à l’interaction des AM. Le bénéfice obtenu de la symbiose par les plantes dépend surtout de leurs caractéristiques physiologiques et morphologiques.

Les chercheurs Megan H. Ryan et James H. Graham [8] se sont montrés prudents quant à l’effervescence qui existe autour des mycorhizes et se sont penchés sur les différentes études qui ont été menées sur le sujet et leur pertinence. Ils se sont basés sur celles réalisées sur le terrain avec des AM (mycorhize arbusculaire) naturellement présentes dans le milieu. Leur avis est exprimé dans l’article « Little evidence that farmers should consider abundance or diversity of arbuscular mycorrhizal fungi when managing crops ». Ils estiment que les études menées sur l’efficacité des mycorhizes manquent de rigueur et que les bienfaits, tout comme les méfaits sur le rendement des cultures sont parfois exacerbés par des biais existants ou par l’absence de considération pour certains éléments extérieurs négligés.

Le manque d’études menées sur le terrain constitue, pour ces deux scientifiques, un problème majeur à la bonne compréhension des mycorhizes sachant que beaucoup d’études ont été réalisées en serres, où les variations environnementales sont souvent moindres et négligées. Ils affirment que les mycorhizes réagissent mal à l’utilisation constante des sols à l’aide de machines et à certains fertilisants. Ce qui pourrait rendre compliquée l’utilisation dans le cadre de l’agriculture intensive. Il soulignent ainsi le fait qu’il est essentiel d’effectuer des études sur le terrain.

Toujours selon Ryan et Graham [8], nombre d’études se concentrent sur le pourcentage de plantes ayant été colonisées et l’impact sur le rendement, mais l’apport des nutriments offerts par les mycorhizes est difficile à estimer en raison de la différence de densité des hyphes externes ou encore du pourcentage de plantes colonisées. Plusieurs aspects sont donc à prendre en compte avant de tirer des conclusions sur les bénéfices des mycorhizes.

Pour eux, il est également nécessaire de bien comprendre non seulement l’impact des ressources déjà présentes dans le sol tel que le phosphore, mais également celui sur la croissance des plantes ainsi que la relation qu’il existe entre les mycorhizes et les autres micro-organismes naturellement présents, car ces aspects sont trop souvent négligés. La compréhension de la symbiose et de ses mécanismes ainsi qu’une méthode agronomique rigoureuse sont essentiels pour réaliser des études plus pointues.

Un argument économique rentre alors en jeux suite aux conclusions des scientifiques. Selon eux, en vue de l’absence de preuves et d’études scientifiques réellement pertinentes, il serait plus rentable pour les agriculteurs de ne pas modifier leur méthodes de travail mais de favoriser la diversité de mycorhizes. Ils devraient ainsi plus se concentrer sur l’exploitation de la richesse naturelle de leur sol et sur les bienfaits de la rotation des cultures.

Cette conclusion suscite la réaction de Rilling [30], un autre scientifique qui estime que malgré le fait que les critiques sur les méthodes soient justifiées, ce pronostic est trop hâtif. Pour pouvoir profiter du potentiel des mycorhizes ainsi qu’étudier son potentiel associé à d’autres micro-organismes du sol, il a comme Ryan et Graham [8] l’avis qu’il faudrait effectuer davantage d’études en se posant les bonnes questions.

Vers une nouvelle révolution agricole à l’aide des mycorhizes ?  

L’agriculture moderne puise ses racines dans la révolution verte qui a totalement réinventé les méthodes utilisées vis à vis des plantes cultivées pour nourrir les populations humaines. Effectivement, l’utilisation de pesticides à grande échelle couplée à la sélection de variétés semi-naines de plantes ont permis d’obtenir un rendement beaucoup plus imposant qu’auparavant.

La mécanisation de l’agriculture, combinée à l’utilisation de pesticides, fongicides, d’hormones, de sélection artificielle ou encore d’engrais chimiques ainsi, que depuis la fin du 20ème siècle, l’utilisation d’OGMs [31], ont permis de continuer à maximiser cette productivité afin d’obtenir de meilleurs rendements.

Selon Daniel Wipf, professeur à l’université de Bourgogne, nous entrons dans une nouvelle révolution verte où “nous cherchons non pas à adapter l’environnement à la plante, mais la plante à l’environnement” [32].  Or la première révolution verte, a surtout été une politique de transformation de l’agriculture via la sélection de plantes à haut rendement, c’est donc la plante qui a été adapté à l’environnement. Mais il est vrai que l’ajout de pesticides, de fongicides ou d’autres intrants est une adaptation de l’environnement à la plante. Ceci montre que chaque acteur peut faire sa propre interprétation de ce qu’est une révolution agricole telle la révolution verte.

Avec l’augmentation démographique des 50 dernières années, les gouvernements, les scientifiques et les producteurs ont dû innover pour obtenir de meilleurs rendements afin de rendre l’agriculture plus productiviste. Lors de la “révolution verte” de 1960 à 1990, on voit arriver des instituts [31] qui ont pour but de sélectionner les plants à haut rendement. De plus l’arrivée d’engrais chimiques, de pesticides et le développement de la phytopharmacie ont permis une augmentation de la production comme en témoigne le graphique sur l’évolution du rendement de blé  [33].

Illustration 3 : Histogramme présentant le rendement mondial de blé de 1960 à 2017 (10 000 hectogrammes correspondent à 1 tonne et 1 hectare, à une surface de 10 000 m2)

Malgré la croissance des rendements de blé qui est exposée comme idéale, il est important de noter que ce graphique se base sur la moyenne mondiale et de ce fait ne tient pas compte des différences importantes entre l’agriculture des pays développés socio-économiquement, des pays en voie de développement et des pays les moins développés.

Un début de la controverse sur l’agriculture “moderne”

Malgré l’efficacité des intrants sur le rendement, en 1990 commence une prise de conscience de l’effet de nos modes de vie sur l’environnement. Bernard Ronot un céréalier à Chazeuil (côte d’or, France) parle de son expérience [32]​. Il explique que lorsqu’il a commencé à cultiver avec le nitrate (une source d’azote assimilable par les plantes), il avait certes un meilleur rendement, mais ses cultures furent rapidement envahi de mauvaises herbes. Il lui a été proposé de rajouter un herbicide. Le rendement étant plus important, il fallait donc supplémenter le sol en azote. La végétation devenant exubérante, le sol n’était plus aéré et sont apparu des champignons parasites, qui pour trouver de la lumière, grimpaient jusqu’à l’épi de blé. Alors on lui a proposé des fongicides.

Cet exemple pose ainsi la question de nouvelles alternatives aux intrants chimiques, qui sont utilisés en grandes quantités, pour mener à bien ce projet de nouvelle révolution agricole. Pour Jacques-André Fortin:  « En agriculture, le XXème siècle aura été celui de la chimie, le XXème siècle sera celui de la biologie.  » [34].

Dans ce cas quelles sont les alternatives biologiques ?

Selon Paul Boucher, ancien professeur de l’université d’Angers [35] les mycorhizes seraient une potentielle solution. Ces champignons apportent beaucoup à la plante, lui permettant de pousser mieux, plus rapidement et avec moins d’engrais.

Utilisation dans agriculture :

Alors faudrait-il sauter le pas ?

Les plantes actuelles ne sont pas forcément capables d’effectuer une symbiose efficace. En effet, lors de la révolution verte, les agronomes ont sélectionnés des plantes de petites tailles qui grandissent vite et qui soient très productives indépendamment de la présence de partenaire mycorhizien. L’apport de mycorhizes pour ces plantes ne représente donc pas forcément une solution [36].

Economie et consommateurs:

Se pose alors la question d’une application des mycorhizes, non pas dans l’agriculture intensive selon les méthode actuelles mais dans la permaculture ou dans le cadre de l’agriculture biologique [37] [38] qui est en pleine expansion. A titre d’exemple, en France, l’agriculture biologique représentait 134 500 emplois directs en 2017, dont plus de 49 200 emplois créés en 5 ans [39]. La prise de conscience écologique de la part de la population augmentant la demande de produit issu de l’agriculture biologique.

Cependant, des agriculteurs et des consommateurs ne se retrouvent pas forcément dans ce mode d’agriculture, le prix du biologique étant plus élevé et présente des difficultés supplémentaire : «Il y a en premier lieu un surcroît de main-d’œuvre. De plus, le chauffage des serres est très limité par le cahier des charges. Il est difficile de planter avant mars, ce qui fait que la saison va de mai à septembre sur le bio au lieu de janvier à novembre. Les plantons sont plus chers, entre 3 et 5 francs sur la tomate, on doit laisser 20% de prairies temporaires, sans compter le risque de voir toute la production perdue, comme cela nous est arrivé avec des brocolis attaqués par des chenilles. Au final, les rendements sont régulièrement 50% inférieurs.» [40].

Face à ces problématiques pour les agriculteurs bio, les mycorhizes seraient-elles une bonne alternative ?

Industries impliqués dans la ventes des inocula

Des entreprises se sont spécialisées dans la production de ces champignons pour répondre à la demande, tel que  MYKE® PRO qui promet une augmentation du rendement, une meilleure qualitée des grains et des récoltes, une meilleure tolérance à la sécheresse et une optimisation des engrais [41].

En 2012, le ministère de l’agriculture du Québec a réalisé un essai afin de connaître l’impact des mycorhizes sur la productivité du soja. Ils ont utilisé deux types de produits MYKE® PRO à base de mycorhizes. L’un était une solution liquide et l’autre sous forme de poudre. Les résultats, en terme de rendement, entre les champs mycorhizés et non mycorhizés étaient concluants. En présence du champignon, on obtient un rendement de 3849 kg/ha contre 3748 kg/ha pour la culture sans l’ajout du micro-organismes. Cependant, dans le contexte économique, les conclusions sont contrastées. A priori, l’utilisation de la poudre serait plus rentable que l’utilisation de la solution liquide, mais cela dépend également du prix du soja sur le marché. Pour un prix du soja de moins de 377$/tonne, les mycorhizes en poudre ne présentent aucun avantage économique. Leur conclusion était donc la suivante: “A des niveaux de prix actuels, l’ajout de mycorhizes s’est avéré rentable sous forme solide, mais non rentable sous forme liquide.” [42].

La vision de jardinier et de maraîchers

D’après Larry Hodgson, qui est l’auteur du blog “jardinier paresseux” [43], la mycorhize fonctionne très bien dans son petit jardin et empêche les tomates d’être infectée par phytophthora infestans (mildiou), qui fait des ravages chez son voisin. Il aimerait, comme certains des scientifiques cités précédents que plus d’articles soit publiés sur le sujet afin de le conforter dans son idée. Il explique sur son blog comment utiliser les mycorhize de la marque Pro-Mix® pour en tirer le maximum de bénéfice.

Certains agriculteurs travaillant sur le plateau du Condroz à haut bois (Belgique) [44] ont créer le jardin des mycorhize qui a pour objectif de nourrir 60 famille en proposant des paniers de légumes (mélange en fonction de la saison et de la production) entièrement issu de l’agriculture biologique. Ils font partie du Gasap (groupe d’achat de l’agriculture paysanne) qui soutiennent un système alimentaire alternatif. Ces jardins seraient donc une bonne manière d’utiliser la mycorhize, pour une clientèle recherchant des légumes biologiques et de proximités.

Malgrés nos recherches, confirmant la visions de certains des acteurs cités précédemment, l’utilisation des mycorhizes restant majoritairement cloisonné au cadre de la recherche scientifique et de la culture à échelle réduite et non à la mise en pratique à très large échelle, peu d’agriculteur possèdent une expérience dans le domaine et le revendique. C’est pour cela que bien que le sujet porte sur l’utilisation des mycorhizes dans l’agriculture, l’acteur qui devrait être le principal concerné n’est pour l’instant que peu représenté.

L’implication des gouvernements

Afin de de convaincre et d’informer davantage le public, des actions sont menées, dans le cadre du partage de savoir scientifique, par le biais de vulgarisation effectuée notamment par des associations d’agriculteurs, l’ONG « Objectif Sciences International » [45], des médias [46] ainsi que par des acteurs politiques.

Parmi les acteurs politiques impliqués dans la recherche sur  l’utilisation des mycorhizes, on peut notamment citer l’implication du gouvernement suisse [47] et l’implication d’un ancien ministre Indien de la Science et de la Technologie [34] lors de l’ICOM7 (International Conference on Mycorrhiza) qui s’est déroulé à New Delhi en 2013.

Pour l’académicien Joan Doidy (Mars 2018), “ Ces microorganismes qui nourrissent et protègent les plantes “ [48] seraient une alternative aux intrants chimiques, bien que considérés pour l’instant que dans le cadre de production à petite échelle et que leur importance ne soit prise en compte que par un nombre restreint de pays (Canada notamment, tant par la recherche que par la politique) comme l’explique Fortin, Plenchette et Piché dans l’introduction du livre “Les mycorhizes, L’essor de la nouvelle révolution verte” [12].

Le rapport du grand public aux mycorhizes

Information du public

Malgré les campagnes menées par le gouvernement, l’accès grand public à la documentation passe majoritairement par internet dont fait partie intégrante le site Wikipédia [49]. Ce dernier pratique pour une première approche du sujet révèle la complexité de ce dernier. En effet, le site n’est pas clair sur l’intérêt des mycorhizes dans les cultures agroalimentaires, évoquant leur potentiel, le manque de connaissance dans le domaine et allant jusqu’à l’évocation des risques de l’utilisation de mycorhizes dans l’agriculture.

La littérature scientifique étant peu vulgarisée, le grand public n’est pas forcément informé sur la symbiose plantes-mycorhizes, de plus, l’ignorance relative à ce sujet est aussi due au fait qu’il n’est pas souvent discuté et que son potentiel n’est évoqué que dans de rares articles de presse populaire. A ce propos, un article du 20 minutes, nommé « Planter des patates sur la Lune ? Pourquoi pas ! » [50],  évoque très grossièrement et rapidement l’attrait des mycorhizes pour une culture de pomme de terre en milieu extrême, en survolant l’ambition d’une culture sur la satellite naturel de la terre, sans approcher ni détailler l’utilité et les limitations de l’utilisation de mycorhizes dans ce contexte.

Pour répondre correctement à cet intérêt naissant de la société, de nombreuses pages web et groupes sur les réseaux sociaux (Illustrations 4 et 5) ont été créés afin d’expliquer ce qu’est la mycorhize et son potentiel en soulignant les bénéfices qu’elle procure aux plantes cultivées, comme c’est le cas dans le blog “défi écologique” tenu par Olivier Lavaud [51], un mycologue et formateur en agro-écologie.

Illustration 4 : Photo de profil Facebook de « Les Mycorhizes » [52]
Illustration 5 : Photo de profil Facebook « Le Jardin des Mycorhizes » [53], des maraîchers [44] qui vendent directement leurs produits sous forme de panier hebdomadaire, la photo de profil montre des mycélium (filaments blancs) de champignons à proximité de racines.

Acheter ou produire ses inocula ?

Au sein du public, il existe un questionnement sur la provenance des inocula. La mycorhization des plantes intéresse en effet les néophytes dans le cadre de la production de truffes, avec comme question récurrente, l’intérêt d’effectuer sa propre inoculation par rapport à l’achat d’un plant déjà mycorhizé [54]. Pour pallier plus largement à cette problématique, il existe des blogs [55] et des tutos destinés à la culture de ses propres mycorhizes [56].

Le blog sur les mycorhizes de Robert Pavlis [55]  expose un avis qui contraste avec les autres acteurs de la controverse, car sans être opposée aux mycorhizes, l’auteur se présente comme absolument défavorable à l’achat d’inoculum.

Le blog qui commence sur les avantages de la symbiose mycorhizienne conclut l’introduction sur ces mots :  “It is only natural that companies want to sell these fungi to you. Don’t fall for it.”.

Il développe par la suite l’inutilité et les risques d’acheter des mycorhizes, tel que la faible diversité des espèces fournit dans les inoculum, les problème de stabilité du matériel vivant durant le transport, et le problème d’utilisation d’espèces non endémique ce qui présente un risque de pour la biodiversité. Il ajoute que l’utilisation d’arrosage et de fertilisation des sol nuit aux bénéfices apportés avec les mycorhizes.

A la fin du blog, le commentaire de jm évoque une amélioration notable d’un sol endommagé suite à l’ajout d’inoculant mycorhizien sans toutefois en assurer la relation causale. Suite à ce commentaire, Robert Pavlis répond de manière injustifiée et moqueuse que même les vendeurs d’inoculum ne vante pas tant leurs produits. Dans la même optique, la réponse au commentaire de Nicole qui porte sur le nombre de vidéo disponible sur Youtube vantant les mycorhizes, Palvis répond qu’il s’agit d’une façon d’inciter à la vente de produit ou de crédulité: “Some are promoting their own products. Many others believe any marketing they see.”. Palvis explique dans la réponse au commentaire de Eleanore Rosanova que si le sol était favorable aux mycorhizes, elle serait naturellement présente et lui propose de prendre comme inocula simplement de la terre saine.

D’autres commentaires sont en accords avec les dires de l’auteur du blog, tel Cathy Hayens qui apprécie ce blog en raison de son caractère original, qui ne fournit pas des “same generic “established” information” comme le font selon elle la majorité des autres sites.

Techniques alternatives et complémentaires aux mycorhizes

Cependant, il ne faut pas oublier les alternatives aux produits chimiques autre que l’utilisation des mycorhizes. Effectivement, les petites unités symbiotiques ne sont pas les seules à proposer une solution à l’utilisation intensive de produits chimiques. En réalité, elles se situent au milieu d’un large panel de choix où l’on retrouve également le bio-contrôle, le travail traditionnel du sol ou encore l’utilisation de bactéries fixatrices d’azote.

Pour commencer, il est évident d’axer la réflexion sur le biocontrôle qui est définit selon le site du ministère français de l’agriculture et de l’alimentation comme : « Le biocontrôle est un ensemble de méthodes de protection des végétaux basé sur l’utilisation de mécanismes naturels. Seules ou associées à d’autres moyens de protection des plantes, ces techniques sont fondées sur les mécanismes et interactions qui régissent les relations entre espèces dans le milieu naturel » [57].

En suivant cette définition, le biocontrôle pourrait apporter des avantages similaires et plus diversifiée que les mycorhizes, qui peuvent être considérée comme une des méthodes du biocontrôle. en favorisant les interactions entre espèces pour promouvoir un meilleur rendement agricole, en permettant notamment d’améliorer la qualité des sols, le tout sans utilisation de pesticides ou alors en très faible quantités.

Il est important de comprendre ici que le biocontrôle peut contenir l’utilisation de mycorhizes, le but de ce paragraphe était de comparer une approche globale de l’agriculture comprenant un grand nombre de mécanismes, le biocontrôle et une méthode plus restrictive, celle des mycorhizes qui ne se rapporte qu’à l’interaction de deux organismes.

Toutefois, comme le soulève le site destiné au grand public controverse.mines-paristech.fr, l’utilisation du biocontrôle semble limitée et est plus complexe à mettre en place que celle des pesticides [58]. Effectivement, comme l’énonce Jean-Charles Bocquet, ancien directeur de l’UIPP (L’union des industries de la protections de plantes) et personnalité française souvent interrogée vis-à-vis des controverses concernant l’utilisation des pesticides, l’installation d’un processus de biocontrôle est plus complexe que celle liée aux pesticides car cette dernière dépend d’êtres vivants et est basée sur des mécanismes naturels [59].

Puis, il ne faut pas omettre la technique du traditionnel travail du sol qui recouvre toutes les techniques connues historiquement comme le compost, le paillage et le binage. L’avantage premier de ces méthodes est que ces dernières sont généralement utilisées depuis de nombreuses décennies voire siècles et sont par conséquent très bien connues. Leur utilisation toujours récente témoigne donc d’une certaine efficacité. Malgré cela, elles possèdent chacune non seulement des limites, mais sont également controversées. À titre d’exemple, la technique du labour est souvent remise en question parce qu’elle déplace les êtres vivants du sol d’une façon non naturelle. Ces derniers se retrouvent donc dans une couche de terre qui ne leur correspond pas et ne peuvent pas toujours regagner leur place respective ce qui entraîne l’inefficacité de leur travail [60].

En comparaison avec l’utilisation des mycorhizes, le travail du sol est beaucoup plus applicable et connu car ce dernier a déjà fait preuve de son efficacité au cours de l’Histoire.

Un autre phénomène symbiotique peut également s’avérer utile pour contrebalancer l’utilisation d’intrants chimique. Effectivement les mycorhizes ne sont pas les seuls organismes capables de s’associer aux plantes, des bactéries fixatrices d’azote peuvent former une symbiose avec des végétaux de la famille des fabacées qui comporte un grand nombre de plantes nourricières [61]

La symbiose s’effectue au niveau des nodosités, amas cellulaires produits par la plante en réponse à la sécrétion d’hormones produites par les bactéries. Ces compartiments cellulaires situés au niveau des racines accueillent les bactéries qui fixent l’azote atmosphérique (N2) sous forme de molécules assimilables par les plantes. Cette symbiose permet non seulement de rendre inutile tout apport en engrais azotés pour les cultures de fabacés, mais aussi d’enrichir les sols en azote lors de la décomposition de ces dernières.

Conclusion

Pour conclure, il est évident que la réflexion croissante sur l’utilisation de la symbiose mycorhizienne dans l’agriculture actuelle ne se terminera pas de si tôt.

Effectivement, le sujet étant très récent et encore peu mis en pratique, il ne cesse d’attiser de plus en plus de questionnements tant son potentiel futur aussi bien économique que écologique semble prometteur vis à vis de l’absorption des nutriments, de la réponse au stress hydrique ou encore de la résistance des plantes aux pathogènes.

Toutefois, comme le soulève notre réflexion en aval, il est essentiel de calmer cet optimisme fleurissant en prenant en compte les effets indésirables existants et associés aux mycorhizes.

Assurément, il ne faut pas omettre le fait que ce type d’interaction se limite à certaines familles de plantes, que le manque d’études et de pratiques sur le sujet ne permet pas une utilisation fiable dans l’agriculture actuelle et pourrait également favoriser les espèces invasives.

Un approfondissement du sujet doit donc être accompli pour qu’à l’avenir, les différents acteurs de cette polémiques puissent se mettre en accord et choisir s’il serait préférable d’effectuer un tournant dans l’agriculture moderne qui devra tôt ou tard se délaisser de l’utilisation majeur d’intrants synthétiques.

Enfin, il est essentiel de ne pas oublier que les mycorhizes s’inscrivent dans un cadre plus grand regroupant l’ensemble des méthodes alternatives vis à vis des intrants chimiques. Ainsi, la solution la plus efficace pour contrer cet emploi majeur de pesticides résiderait en une utilisation de nombreuses méthodes alternatives, mais aussi en une meilleure compréhension des mécanismes naturels.

Commentaire personnel à l’issu de ce travail

Bien évidemment, le choix de cette problématique n’a pas été évident en raison du manque d’informations dû au fait qu’il s’agit d’un sujet récent. Cependant, le fait que notre thème soit en rapport avec nos études respectives nous a beaucoup plu sans oublier qu’il s’inscrit dans un cadre écologique très à cœur pour notre génération. Néanmoins, le fait qu’il s’agit d’un sujet ancré dans l’actualité nous a beaucoup intéressé, nous avons vu nos opinions personnelles se fortifier ou au contraire changer au fur et à mesure de nos recherches.

Sources

Introduction

1. Lorraine Joly et Charlotte Cornudet 2017, 20 000 lieux sous la terre où il existe des mycorhizes, Dijon: Universitaires De Dijon Eds.

2.   Laurent Page et Marcel Grume, “Agriculture intensive: nourrir le monde”,  https://fr.agroneo.com/sciences/agriculture-intensive , consulté le 8 mai 2019.

3.   La banque mondiale, “Emplois dans l’agriculture (% du total des emplois)”,  https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/sl.agr.empl.zs , consulté le 8 mai.

4.   Jean-Yves Collet et Christophe Lemire, “Le petit peuple des champs”,https://www.rts.ch/play/tv/le-doc-nature/video/le-petit-peuple-des-champs?id=9874935 , consulté le 8 mai 2019.

5.   Guibert C., “Portés par le climat, les partis écologistes cartonnent en Europe”,https://www.ouest-france.fr/europe/ue/portes-par-le-climat-les-partis-ecologistes-cartonnent-en-europe-6019489 , consulté le 8 mai 2019.

6.   ONU info, “La FAO appelle les Etats à intégrer l’agriculture biologique dans leurs priorités nationales”, https://news.un.org/fr/story/2007/05/108882-la-fao-appelle-les-etats-integrer-l39agriculture-biologique-dans-leurs, consulté 8 mai 2019.

7.   Parent S. et usemyke, “Les avantages des mycorhizes pour vos plantes et vos arbres”,https://www.usemyke.com/fr-ca/conseils/avantages-des-mycorhizes-pour-vos-plantes-et-vos-arbres/, consulté le 8 mai 2019.

8.   Ryan M.H. Graham J.H. 2018, “ Little evidence that farmers should consider abundance or diversity of arbuscular mycorrhizal fungi when managing crops.”, New Phytol., 220(4):1092‑107.

9.   Majewska M.L., Rola K., Zubek S. 2017, “The growth and phosphorus acquisition of invasive plants Rudbeckia laciniata and Solidago gigantea are enhanced by arbuscular mycorrhizal fungi.”, Mycorrhiza., 27(2):83‑94.

10.   France 24, “Agriculture biologique : le secteur qui monte, qui monte…”,https://www.youtube.com/watch?v=-8k-n-xDF5M , consulté le 10 mai 2019.

11.   Naden C. 2017, “Un retour vers la nature pour la Journée mondiale de l’environnement”, http://www.iso.org/cms/render/live/fr/sites/isoorg/contents/news/2017/05/Ref2190.html, consulté le 8 mai 2019.

Qu’est ce qu’une mycorhize :

12.   André Fortin J, Plenchette C, Piché Y. 2016, Les mycorhizes. L’essor de la nouvelle révolution verte., Versaille : Éditions Quae.

13.   Eduscol, “Mettre en œuvre une démarche expérimentale pour déterminer le role des mycorhizes dans Science de la vie et de la terre Thème 2: le vivant et son évolution.”, http://cache.media.eduscol.education.fr/file/Mychorizes/47/5/RA16_C4_SVT_T2_2.1_2.1_act_myco_N.D_597475.pdf , consulté en Mai 2019.

Ce qu’en pensent les scientifiques

14.   Bucher M, Hause B, Krajinski F, Küster H 2014, “Through the doors of perception to function in arbuscular mycorrhizal symbioses.” New Phytol, 204: 833–840.

15.   Mohamed Hijri, “La mycorhize : une symbiose végétale au service de la décontamination”,https://www.ted.com/talks/mohamed_hijri_a_simple_solution_to_the_coming_phosphorus_crisis/up-next?language=fr, consulté le 9 mai 2019.

16.   France Nature Environnement, “Algues vertes : le littoral empoisonné”,https://www.fne.asso.fr/dossiers/algues-vertes-bretagne-cons%C3%A9quences-origines-solutions , consulté le 9 mai 2019.

17.   Cavagnaro T. R., Bender SF, Asghari HR, Heijden MGA van der, 2015, “The role of arbuscular mycorrhizas in reducing soil nutrient loss.”, Trends in Plant Science, 20(5):283‑90.

18.   Coccina A, Cavagnaro TR, Pellegrino E, Ercoli L, McLaughlin MJ, Watts-Williams SJ., 2019, ” The mycorrhizal pathway of zinc uptake contributes to zinc accumulation in barley and wheat grain.”, BMC Plant Biol., 19(1):133.

19.   Wessells KR, Brown KH. 2012, “Estimating the global prevalence of zinc deficiency: results based on zinc availability in National Food Supplies and the prevalence of stunting.” PLoS One. 2012;7:e50568. doi: 10.1371/journal.pone.0050568.

20.   Khalvati MA, Hu Y, Mozafar A, Schmidhalter U 2005, “Quantification of water uptake by arbuscular mycorrhizal hyphae and its significance for leaf growth, water relations, and gas exchange of barley subjected to drought stress.” Plant Biol (Stuttg) 7: 706–712.

21.   Chitarra W, Pagliarani C, Maserti B, et al. 2016, “Insights on the Impact of Arbuscular Mycorrhizal Symbiosis on Tomato Tolerance to Water Stress.” Plant Physiol. 2016;171(2):1009–1023. doi:10.1104/pp.16.00307

22.   Ruiz-Lozano JM, Aroca R, Zamarreño ÁM et al. 2016, “Arbuscular mycorrhizal symbiosis induces strigolactone biosynthesis under drought and improves drought tolerance in lettuce and tomato.”, Plant Cell Environ 39:441–452

23.   Akhtar M.S., Siddiqui Z.A. 2008, “Arbuscular Mycorrhizal Fungi as Potential Bioprotectants Against Plant Pathogens.” In: Siddiqui Z.A., Akhtar M.S., Futai K. (eds) Mycorrhizae: Sustainable Agriculture and Forestry. Springer, Dordrecht

24.   Xavier J C, Lisette & Boyetchko, Susan. 2003. “Arbuscular Mycorrhizal Fungi In Plant Disease Control.”, 10.1201/9780203913369.ch16.

25.   Nemec, S., and Myhre, D., 1984, “Virus-Glomus etunicatum interactions in Citrus rootstocks”. Plant Dis. 68: 311-314.

26.   Shaul, O., Galili, S., Volpin, H., Ginzberg, I., Elad, Y., Chet, I., and Kapulnik, Y., 1999, “Mycorrhiza induced changes in disease severity and PR protein expression tobacco leaves.”, Mol. Plant Microbe Inter. 12: 1000-1007.

27.   Jayaram, J., and Kumar, D., 1995, “Influence of mungbean yellow mosaic virus on mycorrhizal fungi associated with Vigna radiata var. PS 16.” Indian Phytopathol. 48: 108-110.

28.   Zhang F, Li Q, Yerger EH, Chen X, Shi Q, Wan F., “AM fungi facilitate the competitive growth of two invasive plant species, Ambrosia artemisiifolia and Bidens pilosa.”, Mycorrhiza. 2018 Nov;28(8):703–15.

29.   Bunn RA, Ramsey PW, Lekberg Y. “Do native and invasive plants differ in their interactions with arbuscular mycorrhizal fungi? A meta-analysis. Methods in Ecology and Evolution.“ 2017;1547–56.

30.   Rillig MC, Aguilar‐Trigueros CA, Camenzind T, Cavagnaro TR, Degrune F, Hohmann P, et al. 2019, “Why farmers should manage the arbuscular mycorrhizal symbiosis.”, New Phytologist. 2019 May; 222(3):1171–5.

Vers une nouvelle révolution agricole avec les mycorhize ?

31. Anonyme, “Révolution verte”,https://fr.wikipedia.org/wiki/Révolution_verte ,Consulté le 19 avril 2019.

32. Eric Paul, “La mycorhize, une symbiose plante-champignons”, http://mediatheque.inra.fr/media/detail/259585/private, consulté le 19 avril 2019.

33. Graphique réalisé par Solène Renaudineau à l’aide du logiciel R studio sur la base des données de la FAO avec les paramètres suivants, Région: monde total, élément: rendement , produit: blé, année: tout séléctionner), http://www.fao.org/faostat/fr/#data/QC, consultées le 20 avril 2019.

34. J-A. Fortin, “Les mycorhizes en agriculture et horticulture: Le modèle canadien”, https://www.jardinsdefrance.org/les-mycorhizes-en-agriculture-et-horticulture-le-modele-canadien/, consulté le 8 mai 2019.

35. P. Boucher, “La mycorhize pour une deuxième révolution verte ?”, https://www.consoglobe.com/la-mycorhize-pour-une-deuxieme-revolution-verte-cg/2#sourceup5, consulté le 25 avril 2019

36.   Anonyme AgroPerspective, Les Mycorhizes : des champignons prometteurs pour l’agriculture, https://www.agroperspectives.fr/post/Les-Mycorhizes-des-champignons-prometteurs-pour-l-agriculture , consulté le 28 juin 2019.

37.   J-A. Fortin, “Les mycorhizes  avenir de l’agriculture biologique”, https://www.mapaq.gouv.qc.ca/SiteCollectionDocuments/Regions/Monteregie-Ouest/Journee_grandes_cultures_2014/10h30_b_mycorhizes_JAFortin.pdf, consulté le 8 mai 2019.

38.   C. Milou, “MYCORHIZES : UN AXE DE RECHERCHE POUR RÉDUIRE L’APPORT D’ENGRAIS”, https://agriculture-de-conservation.com/spip.php?page=detail&id_article=481&id_mot=10, consulté le 8 mai 2019.

39.   Anonyme, Agence BIO, “L’agriculture biologique, un accélérateur économique, à la résonnance sociale et sociétale”, http://www.agencebio.org/wp-content/uploads/2018/10/dossierdepressechiffres-juin2018.pdf, consulté le 20 avril 2019.

40. J. Plancade, “Surcoût des aliments bio: à qui la faute?”, https://www.bilan.ch/economie/surcout_des_aliments_bio_a_qui_la_faute_ , consulté le 20 avril 2019.

41. MYKE® PRO, “Inoculant mycorhizien”, http://www.mykepro.com/m/utilisation-mycorhize/grandes-cultures-et-cultures-specialisees.aspx, consulté le 20 avril.

42. Mathieu S. Faucher Y., “Impact des mycorhizes sur la productivité du soya Essais 2012 en Montérégie”, https://www.mapaq.gouv.qc.ca/SiteCollectionDocuments/Regions/Monteregie-Est/AV2012-2013/07-y_faucher.pdf, consulté en mars 2019.

La vision de jardinier et de maraîchers

43.   Larry Hodgson, DES MYCORHIZES POUR COMBATTRE LES MALADIES DES PLANTES, https://jardinierparesseux.com/tag/mycorhizes/, consuté le 17 mai 2019

44.   Astrid, Le Jardin des Mycorhizes, https://jardindesmycorhizes.be , consulté en mai 2019.

L’implication des gouvernement

45.   Objectif Science Internationales, “Présentation des myorhizes”, http://www.osi-perception.org/Presentation-des-mycorhizes.html# , consulté le 8 mai 2019.

46.   Martin Trépanier, “Les mycorhizes : un atout pour l’agriculture moderne”,https://www.laterre.ca/du-secteur/formation/mycorhizes-atout-lagriculture-moderne, consulté le 8 mai 2019.

47.   Agroscope, “Collection suisse de champignons à mycorhizes”, https://www.agroscope.admin.ch/agroscope/fr/home/themes/environnement-ressources/sol-eaux-eelements-nutritifs/collection-suisse-de-champignons-a-mycorhizes.html, consulté le 9 mai 2019.

48.   Doidy J., “Ces microorganismes qui nourrissent et protègent les plantes”, http://theconversation.com/ces-microorganismes-qui-nourrissent-et-protegent-les-plantes-103580, consulté le 8 mai 2019.

Le rapport du grand public aux mycorhizes

49. Anonyme, “Mycorhize”, https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Mycorhize&oldid=158132807, consulté le 23 avril 2019.

50.   Anonyme, “Planter des patates sur la Lune? Pourquoi pas!”, https://www.20min.ch/ro/mobile/ticker/static/story/18292140, consulté le 8 mai 2019.

51.   Olivier Lavaud, Que sont les mycorhizes ? Sont-elles utiles dans nos cultures ?, https://blog.defi-ecologique.com/mycorhizes-utiles-nos-cultures/, consulté le 28 mai 2019.

52.  Les Mycorhizes, https://www.facebook.com/LesMycorhizes/photos/a.180714942051962/180714945385295/?type=1&theater, consulté le 17 mars 2019.

53.   Le Jardin des Mycorhizes, https://www.facebook.com/jardindesmycorhizes/?ref=br_rs&eid=ARCuUwSquCwWK-bRBplaWLS5-ATbwnb5KpysZ3Q-A7nsWmuO0ieT0q_7PrII3AWjB_M1UODlwZb_aXdi, consulté 8 mai 2019.

54.   H. Frochot et G. Chevalier, “Mycorhizer soi-même ses arbres…”, http://www.truffe-passion.fr/spip.php?article83, consulté le 12 mai 2019.

55.   Robert Pavlis, Mycorrhizae Fungi Inoculant Products, https://www.gardenmyths.com/mycorrhizae-fungi-inoculant-products/, consulté le 22 mai 2019.

56.   Anonyme, “A simple method for making your own mycorrhizal inocolum”, https://www.scribd.com/document/49457644/A-SIMPLE-METHOD-FOR-MAKING-YOUR-OWN-MYCORRHIZAL-INOCULUM, consulté le 8 mai 2019.

Alternatives et techniques complémentaires aux mycorhizes

57.   Anonyme Alim’agri, “Qu’est-ce que le biocontrôle ?”, https://agriculture.gouv.fr/quest-ce-que-le-biocontrole, consulté le 8 mai 2019.

58. Kassem B., Dellatre J-B., De Plasse D., Bonte T., Siedel D., “Les pesticides, risque inévitable ou mal nécessaire ?”, http://controverses.mines-paristech.fr/public/promo15/promo15_G19/www.controverses-minesparistech-4.fr/_groupe19/des-alternatives-aux-pesticides/index.html, consulté le 12 mai 2019.

59. Anonyme EconoEcolo, “Alternatives aux pesticides”, https://www.econo-ecolo.org/jardin-bio/alternatives-aux-pesticides/, consulté le 24 avril 2019.

60.   Cordier C., Vallet A. et Deschamps C., “Faut-il labourer les sols”, https://www.alencon-sees.educagri.fr/fileadmin/user_upload/pdf/EIE_bac_pro/le_labour.pdf, consulté le 7 mai 2019.

61.   Perret Xavier, Cours de Biologie II: Introduction à la microbiologie, 1ère année Biologie, UNIGE, 2018.

Les antidépresseurs: Une controverse socio-médicale

Kathryn Cornelisse, Leonor de Abreu, Léonore Froidevaux, Alessandra Havinga et Lara Land

Figure 1: https://publicinsta.com/media/Bv1pVgwH8Fs, consulté le 07.06.19

Introduction:

En 1989, Joseph Wesbecker, un employé de l’imprimerie Standard Gravure au Kentucky, ouvre le feu sur ses collègues. Lors de la fusillade qui suivit, il tua huit personnes et en blessa douze autres, avant de se donner la mort. Ce drame secoua le monde pharmaceutique, et avant tout l’entreprise américaine Eli Lilly. En effet, Wesbecker souffrait depuis plusieurs années d’une dépression qui était liée à des difficultés dans son entreprise, à du harcèlement émotionnel et sexuel au travail, et à ses deux divorces. Il était soigné au Prozac, un antidépresseur de type ISRS (inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine) fabriquée par Eli Lilly, depuis deux mois[1].

Cherchant une cause à la violence provoquée par Wesbecker, les victimes de la fusillade et leurs familles intentèrent un procès contre la firme pharmaceutique car le Prozac était, selon eux et elles, responsable du comportement de Wesbecker. Finalement, iels s’accordèrent sur un arrangement pécuniaire lors duquel Eli Lilly indemnisa les victimes.[2]Cet événement fit beaucoup de bruit dans la presse et fut repris maintes fois au cours des débats entourant le Prozac et sa sécurité, notamment en 2005, après la levée de brevet de ce dernier. Il est également important de noter que ce n’était pas le seul accès de violence pouvant être attribué au Prozac. Parmi les autres événements sanglants, un enseignant à la retraite assassina sa femme, sa fille et sa petite fille, et deux lycéens ont eux aussi enclenché une fusillade sur d’autres élèves avant de se donner la mort.[3]

Ce médicament est encore très couramment employé aujourd’hui pour soigner des dépressions, et est aussi employé sous le nom Sarafem pour soigner le Trouble Dysphorique Prémenstruel. L’entreprise Eli Lilly, ainsi que de nombreux.ses médecins, chercheur.euse.s et patient.e.s témoignent de sa sécurité et de son efficacité. D’autres sont convaincu.e.s du contraire. 

Grâce à cette panoplie d’opinions convergentes et divergentes, le Prozac nous a semblé être un sujet parfait pour une étude de controverse. Nous avons, à quelques instants précis et tout en portant un regard attentionné à la cohérence, également employé quelques informations sur des autres médicaments de la même classe, les ISRS.

Après avoir brièvement décrit le Prozac et la famille des ISRS, et avoir établi un bref historique permettant de les situer spatiotemporellement, nous dirigerons l’analyse de  controverse sur cinq axes précis, dont les quatres premiers retracent les étapes de mise en vente d’un médicament, et le cinquième permet une ouverture du sujet vers des alternatives. Notre premier axe concerne l’efficacité des antidépresseurs de type ISRS, et le deuxième leurs effets secondaires. Le troisième axe porte sur le marketing mis en place pour la mise en marché de Prozac ainsi que sa régulation. Le quatrième décrit les questions de prise en charge des patients sous Prozac et, finalement, le cinquième axe s’articule autour de la médecine alternative, et particulièrement autour des craintes et mécontements qu’elle adresse aux antidépresseurs, ou simplement de la curiosité que le public témoigne à son égard. 

Qu’est-ce-que le Prozac et comment fonctionne-t-il?

Les ISRS:

“Prozac” est le nom commercial le plus commun de la molécule fluoxétine, qui est un antidépresseur de la classe ISRS. Les ISRS agissent en inhibant la réabsorption de la sérotonine, neurotransmetteur responsable du bonheur, dans la fente post-synaptique. Le Prozac a donc pour effet d’améliorer l’humeur des personnes dépressives, car chez un individu en état de dépression, la sérotonine est réabsorbée trop rapidement et n’a pas le temps de faire effet sur la synapse suivante.

La dépression et quelques chiffres:

            La dépression se définit comme un trouble mental affectant périodiquement l’humeur de manière négative. Elle s’accompagne souvent d’une perte d’intérêt dans les activités auparavant plaisantes pour la personne atteinte.[4] Elle présente les symptômes suivants :

“Depression symptoms can vary from mild to severe and can include:

  • Feeling sad or having a depressed mood
  • Loss of interest or pleasure in activities once enjoyed
  • Changes in appetite — weight loss or gain unrelated to dieting
  • Trouble sleeping or sleeping too much
  • Loss of energy or increased fatigue
  • Increase in purposeless physical activity (e.g., hand-wringing or pacing) or slowed movements and speech (actions observable by others)
  • Feeling worthless or guilty
  • Difficulty thinking, concentrating or making decisions
  • Thoughts of death or suicide”[5]

Selon APA (American Psychatric Association), un individu sur 6 expérimentera un épisode de dépression dans sa vie. 

Un bref historique du Prozac:

En 1988, Le Prozac est introduit sur le marché états-unien par l’entreprise pharmaceutique Eli Lilly pour traiter les symptômes suivants : les troubles obsessionnel-compulsifs, la boulimie, l’anxiété et la dépression. Son succès fut retentissant: 2,4 millions de prescriptions sont comptabilisées en cette première année. Ce chiffre ne fit qu’augmenter, dépassant les 6 millions en 1989, 10 millions en 1990, puis 20 millions en 1996 pour atteindre son pic: 33 millions de prescriptions en 2004. Ces ventes astronomiques se traduisent évidemment en un profit phénoménal pour l’entreprise pharmaceutique Eli Lilly, qui détient son brevet. En effet, ce médicament leur rapporta déjà $125 millions en 1988 et 350 millions en 1989, une somme plus importante que le bénéfice exécuté par tous les antidépresseurs réunis deux ans auparavant. Ces chiffres ont atteint les 2 milliards en 1996, accordant au Prozac la deuxième place dans les médicaments les plus vendus aux USA après l’inhibiteur de production d’acide gastrique Zantac. Ce bénéfice était autant dû au nombre impressionnant de prescriptions qu’au prix exorbitant du Prozac, qui pouvait être vingt fois plus cher que les antidépresseurs usuels. Cette différence de prix se justifia par le prétexte que ce dernier possédait moins d’effets secondaires dangereux que les autres antidépresseurs, qui peuvent être addictifs ou même mortels en cas d’overdose.[6]

1. Efficacité

Avant la mise en place d’un médicament dans un marché, il est critique d’en déterminer l’efficacité. Cela semble trivial, et pourtant un des grands aspects de la controverse liée aux antidépresseurs concerne leur réelle efficacité. Les témoignages divergent, tandis que le consensus scientifique approuve qu’ils sont efficaces pour les dépressions sévères, mais limités face aux dépressions légères et moyennes; l’on questionne également la validité des essais cliniques menés pour déterminer l’efficacité d’un antidépresseur, ainsi que son efficacité au long terme. 

Les témoignages personnels attestant de l’efficacité des antidépresseurs sont nombreux. A titre d’exemple, l’internaute “jer88tp” se réjouit de l’amélioration de sa condition après la prise de Paroxétine pendant 3 semaines[7]. Dans son témoignage, publié sur doctissimo.fr, iel revendique l’utilité et l’efficacité apportées par l’antidépresseur, qui a produit des effets positifs notables sur sa santé: ”Et puis en fin de seconde semaine, un matin je me suis sentie mieux, mes idées étaient plus claires, j’arrivais à prendre plus de recul, je me sentais moins triste, j’avais moins d’idées noires. Et surtout, surtout le point positif que j’ai ressenti pratiquement dès le début et qui m’a soulagé c’est l’arrêt des pensées de rumination : quel soulagement !”[8]. Cet antidépresseur a donc eu un effet positif sur cette personne, qui n’hésite pas à le comparer à une “béquille”[9]et à le recommander aux autres internautes. 

Néanmoins, toujours sur le forum doctissimo.fr, les témoignages négatifs sont également très présents, si ce n’est majoritaires. C’est le cas, par exemple, de l’internaute “deprimeeee” qui, en dépression sévère depuis 3 ans et après avoir testé 11 antidépresseurs différents, ne trouve pas celui qui lui est efficace[10]

Ces différents témoignages, reposant sur des vécus personnels, montrent à quel point l’efficacité d’un antidépresseur est en réalité variable selon l’individu: certaines personnes doivent également passer par plusieurs antidépresseurs avant de trouver celui qui est le plus adapté pour elles, c’est-à-dire le plus efficace[11]. Il ne s’agit pas, ici, d’une étude, mais d’une simple constatation de la diversité des expériences vécues par ces personnes. 

Un autre aspect du débat autour de l’efficacité des antidépresseurs est animé par le fait que les antidépresseurs ne seraient pas plus efficaces qu’un placebo, à savoir un produit sans principe actif. 

Dans son article “Antidépresseurs: nombreux risques pour une efficacité controversée dans une dépression marchandisée”, la philosophe et fondatrice du blog de Pharmacritique Elena Pasca explique que les publications scientifiques sont sujettes à un biais de publication. Les laboratoires ne publieraient en effet que les études présentant le médicament comme efficace[12]. Ceci mène, selon elle, à une déformation de l’ensemble de la littérature médicale, qui contribue ainsi à la désinformation des patient.e.s et du personnel médical. Elle ajoute que les essais cliniques ne montrent qu’une légère supériorité des antidépresseurs au placebo.  

Cet argument se retrouve également dans les journaux comme Le Figaro Santé, un périodique en ligne affilié au Figaro et adressé à un public large. Dans l’article “L’efficacité du Prozac sérieusement contestée”, le journal se base sur l’étude des deux scientifiques Irving Kirsch et Blair Johnston pour affirmer que les antidépresseurs de nouvelle génération, dont le Prozac fait partie, ne sont pas plus efficaces que le placebo[13]. Ils expliquent que la raison pour laquelle ces médicaments sont tout de même prescrits est que seules les études positives sont publiées pas les industries pharmaceutiques, ce qui mène à une exagération de leur efficacité.  En prenant en compte les études négatives, chose faite par les chercheurs en question, l’efficacité des antidépresseurs devient “à peine différente d’un placebo”[14].

En effet, il existe au sein de la communauté scientifique un débat important sur les tests cliniques menés par les études visant à tester l’efficacité des antidépresseurs. Selon les scientifiques Dr. Mazda Adli et Prof. Ulrich Hegerl, il est possible que l’on sous-estime la réelle efficacité des antidépresseurs: les tests cliniques seraient biaisés. Ils publient, en avril 2014, un article s’intitulant “Do we underestimate the benefits of antidepressants?” dans The Lancet, un journal médical renommé. Ils écrivent cet article suite à la remise en doute et au scepticisme croissant autour de l’efficacité des antidépresseurs, en particulier chez les patients souffrant de dépression moyenne à légère[15]. Les approches expérimentales utilisées actuellement pour tester la significativité clinique des antidépresseurs sont, selon eux, biaisées à plusieurs niveaux. 

Pour contextualiser, les approches cliniques mentionnées dans l’article sont: 

  • l’étude clinique à double aveugle, dans laquelle ni le.la patient.e ni l’équipe de recherche ne savent quel traitement suit le.la patient.e,
  • l’attente surveillée, dans laquelle aucun traitement n’est pris et le.la patient.e est simplement observé.e, 
  • Et finalement, les soins de routine. 

Pour commencer, les scientifiques exposent le fait que la prise de ce type de médicament est corrélée avec une montée d’espoir chez le.la patient.e, liée au fait d’être sous traitement. Il existe donc une amélioration de l’état du.de la patient.e par le fait d’être pris.e en charge, ce qui n’est pas négligeable en vue d’une amélioration des symptômes liées à la dépression. Les tests cliniques utilisés pour juger de l’efficacité des antidépresseurs induiraient donc moins d’espoir chez les participant.e.s dans une étude menée à double aveugle (et qui pourtant reçoivent une molécule active) que chez celleux qui sont soumis.e.s à des soins routiniers, car iels ne sont pas certain.e.s du groupe auquel iels appartiennent. 

A l’inverse, plus d’espoir est induit chez les patient.e.s du groupe prenant un placebo que chez les participant.e.s en attente vigilante, car le traitement reçu pourrait peut-être être un antidépresseur. 

Selon les auteurs, ces deux facteurs diminuent la différence existante entre les antidépresseurs et le placebo en comparaison avec une situation réelle, dans laquelle l’écart entre le.la patient.e prenant un antidépresseur (et le sachant) et celui.celle ne prenant rien du tout est plus grande. 

Néanmoins, la significativité clinique des antidépresseurs se déduit précisément de la différence entre antidépresseur et placebo à améliorer des symptômes de dépression. La conclusion à laquelle parviennent les auteurs est donc qu’avec les approches actuelles pour estimer les bénéfices des antidépresseurs, l’on sous-estime la significativité clinique des antidépresseurs.

Le débat se porte, dans ce cas, sur la réelle efficacité des antidépresseurs, et sur la façon de mesurer celle-ci correctement. L’argument principal avancé par les auteurs est que les tests cliniques faisant une comparaison entre le placebo et les antidépresseurs sont biaisés, réduisant la significativité des résultats concernant les antidépresseurs et augmentant celle du placebo, ce qui peut laisser croire que les antidépresseurs ne sont pas plus efficaces qu’un placebo, alors que leur efficacité est, selon eux, sous-estimée. 

La position des auteurs rejoint celle de Viviane Kovess-Masféty qui, dans sa recherche “L’efficacité des antidépresseurs “dans la vraie vie”, affirme que l’efficacité des antidépresseurs par rapport au placebo est moindre, parce que  l’effet placebo des médicaments est particulièrement élevé en ce qui concerne les troubles dépressifs: l’antidépresseur doit donc avoir un réel effet pour dépasser le placebo. Néanmoins, elle contraste ses propos en ajoutant que peu d’études ont été faites concernant l’efficacité des antidépresseurs sur le long terme. Selon elle, la prise d’antidépresseur à long terme pourrait avoir des conséquences inexistantes, voir délétères[16]

2. Effets secondaires 

Une fois l’aspect de l’efficacité des antidépresseurs exposé, il ne faut pas laisser de côté l’aspect « effet secondaires » de la controverse. En effet, si la discussion concernant l’efficacité du Prozac est belle et bien ouverte, celle des effets secondaires suscite encore plus d’avis divergents entre les scientifiques et la population. 

Afin de mieux s’entendre, rappelons la définition de « effets secondaires », proposée par le docteur Pierrick Hordé, allergologue et responsable de Santé-Médecine dans le Journal Des Femmes, afin d’avoir une meilleure idée de la représentation du mot pour la population non scientifique : 

«Un effet secondaire est un effet provoqué par un médicament qui n’est initialement pas recherché dans la prescription de celui-ci. Les effets secondaires ne sont pas forcément nocifs et sont généralement connus pour des molécules qui ont été longtemps étudiées et qui sont depuis longtemps sur le marché. Ils sont notifiés sur la notice du médicament. Certains peuvent être bénéfiques, d’autres responsables de troubles incommodants : on parle dans ce cas d’effets indésirables. De nombreux effets secondaires indésirables sont bénins. Certains, cependant, peuvent être sévères. Il convient ainsi de mesurer le rapport bénéfice/risques qui évalue l’intérêt du médicament en comparaison avec les effets indésirables qu’il peut présenter. »[17]

Les effets secondaires du Prozac furent d’abord considérés, au début des années 90, comme mineurset légers(comme la nausée par exemple), puis devinrent deplus en plus importants, au fur et à mesure que des cas de suicide, voire de meurtres, étaient déclarés et attribués à la prise de l’antidépresseur.

En 1994, le cas de Joseph Wesbecker, un homme qui ouvrit le feu sur 7 personnes avant de se donner la mort, alors qu’il se trouvait depuis deux mois sous Prozac, incita la presse et le public à se poser des questions. Si les tests conduits par l’entreprise pharmaceutique Eli Lilly avant la mise sur le marché ne suggéraient pas moins de 6 morts dus au Prozac, il faut ajouter à ce chiffre  plus de 1100 tentatives de suicides ainsi de nombreuses réactions violentes telles que des hallucinations, des convulsions, un comportement hostile et violent, de la psychose et des délires qui furent recensés à la fin des années 90.[18][19](Il peut être toutefois judicieux de mentionner que le rapport des 1500 cas qui ont mal tourné sur les 33 millions de prescriptions réalisées paraît bien faible). 

La découverte de ces effets secondaires plus sérieux poussèrent des médecins tel.le.s que Irvin Kirsch ou encore la doctoresse Marcia Angell, éditrice en chef de“The New England Journal of Medicine”et professeure en médecine sociale au Departement of Social Medecine du Harward Medical School,pour qui « psychoactive drugs are… worse than useless»[20],à se demander s’il valait encore la peine de prescrire de tels médicaments, aux effets secondairessi importants, alors que visiblement les placebos étaient aussi significatifs statistiquement que le Prozac. 

A l’opposé, le docteur Kramer, psychiatrequis’estmême fait appeler « Dr. Prozac », après la publication de son livre Listening to Prozac, soutient fortement que la prescription du Prozac est nécessaire, du moins tant qu’elle est faite correctement, c’est-à-dire avec modération et en accompagnant la prise avec une psychothérapie.[21]

Toutefois, dans un article du New York Times, l’auteur, Scott Stossel, éditeur du magazine The Atlantic,et auteur récurrentdu New York Times, critique les réponses contradictoiresqu’amènent le livre de Kramer : l’une étant que le Prozac et d’autres antidépresseurs de type ISRS étaient des médicaments miracles qui non seulement traitaient la dépression, mais qu’ils rendait les personnes « better than well »[22]. Tandis que l’autre réponse apportait une prévention vis-à-vis des effets secondaires potentiels comme l’altération de la personnalité, et donc un usage restreint des antidépresseurs, idée opposée à celle du médicament miracle. Cette confusion entraînerait une mécompréhension du propos de Kramer (déjà exposé ci-dessus) et entraînerait les lecteur.ice.s mal averti.e.s à tirer des conclusions tranchées :« les antidépresseurs sont bons», « les antidépresseurs sont mauvais ». 

Encore aujourd’hui, on constate facilement ce genre de vision en allant sur des blogs ouverts à tou.te.s, tels que doctissimo.fr ou encore Meamedica. En effet, on peut rapidement tomber sur des témoignages extrêmement négatifs :

« L’effet stimulant bien connu du Prozac a aggravé mon anxiété, ce médicament m’a provoqué de l’apathie, de l’anorgasmie, l’impression d’avoir la grippe, bref une horreur absolue !!! Je déconseille vivement !!! De plus, il a déjà provoqué chez certaines personnes des accès de violence et des comportements suicidaires. Les études faites avant la commercialisation de cette molécule ont été trafiquées par le laboratoire Eli Lilly, ils ont délibérément caché ces effets secondaires graves pour être sûr d’obtenir l’autorisation de commercialiser ce poison. Affaire révélée par le British Medical Journal en 2012. Le Prozac a fait énormément de mort, ne le prenez jamais !!! C’est un médicament dangereux qui devrait être retiré du marché !!! » par homme 26, le 18.02.19[23]

Ou encore extrêmement positifs: 

« Désolé pour ce qui ne le supporte pas ,mais pour moi c’est tout le contraire, je revis depuis seulement une semaine de prise , je sort je bouge bus métro je m’occupe de mes affaires qui était laisser a l’abandon j’ai retrouver la confiance en moi , pour moi persso c’est comme un miracle. auparavant je prenais de l’effexor une vrai Mer… »par homme 48, le 31.03.19[24]

Il s’agit dans la majorité descas d’un partage d’expériences personnelles, qui sont bien souvent utilisées par ces personnes pour lesgénéraliser et dire si tel produit est correct ou non pour le reste de la population, en vuede leur propre expérience. Ce type de comportement met en avant le fossé présent entre les statistiques scientifiques permettant d’affirmer ou non si un médicament est efficace, et la volonté populaire d’avoir un médicament qui marche pour sa propre expérience. L’idée qu’un médicament pourrait, dans certains cas, ne pas marcher et avoir des effets secondaires importants, alors qu’il est commercialisé légalement paraît tout à fait absurde pour de nombreuses personnes, complètement indignées. Pourtant, il n’existe actuellement pas de médicament miracle avec un taux d’efficacité de 100%. Même des génériques tels que le Dafalgan (Paracétamol). 

Pourtant, la notice du Prozac est belle est bien explicite et contient une liste importante d’effets secondaires et de problèmes potentiels (comme la majorité des médicaments)[25]. De plus, la FDA souligne la dangerosité de prescrire le médicament aux femmes enceintes[26], tandis que d’autres recherches montrent que l’âge influe aussi sur le type et la quantité des effets secondaires[27]. Toutefois il peut être judicieux de rappeler qu’actuellement, il n’existe pas de médicaments avec un taux d’efficacité à 100% et sans effets secondaires. Un taux qui diminue avec le nombre de prescriptions, en effet un nombre important de facteurs peut entrer en compte et moduler la réponse des patients au médicament, tels que l’influence d’autres troubles, maladies, conditions génétiques (prédispositions) etc… A titre de comparaison, la notice d’un générique tel que le Dalfalgan (paracétamol) contient, elle aussi, un nombre important d’effets secondaires et de précautions à prendre[28], le Prozac n’est pas un cas isolé. 

Finalement, une partie des scientifiques, dont fait partie le Dr. Sidney Wold, directeur du « Public Citizen Health Research Group » déclare qu’il existe de nombreux dangers encore méconnus concernant la prise du Prozac, mais le risque vaudrait la peine d’être encouru si les patient.e.s sont gravement dépressif.ve.s, et non uniquement peu joyeux.ses [29].

3. Marketing

Le troisième aspect de la controverse autour du Prozac est celui du marketing. Avant de parler directement du Prozac, il nous sera utile de parcourir l’histoire du marketing de quelques médicaments plus anciens, pour savoir en quoi la régulation actuelle des médicaments psychotropes a été influencée par le passé. Nous prendrons ici comme exemple le Meprobamate, commercialisé aux USA sous le nom Miltown pour illustrer ceci.

En 1955 aux Etats-Unis, le tranquillisant Miltown a été commercialisé pour la première fois. Ce médicament, qui était le premier tranquillisant mineur (minor tranquilizer)  marque, selon Andrea Tone, une chercheuse en sciences socio-médicales de l’université de McGill, “the very first time that millions of Americans — and eventually doctors too — felt that it was okay to take a drug for every day ills”[30]. Le Miltown est donc un acteur phare de l’histoire des médicaments psychotropes, puisqu’il s’agit du pionnier de lamédicalisation des troubles mentaux qui règne dans notre culture actuelle.

La magnitude du succès de ce médicament est dûe aux changements révolutionnaires survenus dans le système américain de marketing des médicaments à cette époque. Ce fut la fin de ce que David Herzberg, historien expert des drogues et des médicaments addictives à l’Université de New York à Buffalo, appelle “the ‘ethical’ pharmaceutical system”[31]dans lequel toutes les décisions de prescription étaient prises par les médecins, se basant sur leur expertise médicale et non sur les désirs du/de la patient.e.[32]et le début d’un système caractérisé par l’entrée des firmes de marketing dans le monde pharmaceutique.Dans ce nouveau système, les médecins, peu soumis.e.s à des régulations formelles, ont été réduit.e.s à un rôle régulateur, et étaient plus souvent amené.e.s à déterminer si le désir de leurs patient.e.s pour un médicament était bien fondé qu’à faire le travail de prescription elleux-mêmes. 

À la fin des années 1960, le National Institute of Health (NIH) américain publia les premières grandes études nationales sur l’utilisation des médicaments psychiatriques. Ces études montrèrent que ces médicaments, et surtout les tranquillisants, étaient très fréquemment utilisés. Cette découverte, qui n’étonna pas les auteurs de l’étude, fit sensation en-dehors de ce cercle, et la croyance populaire arriva rapidement à la conclusion que les Etats-Unis d’Amérique vivaient une période de surmédicalisation massive[33]. Suivant cette logique, il était alors nécessaire de lutter contre la démesure des prescriptions (et donc des addictions) par la création de nouvelles instances régulatrices. Elles prirent pour cible les addictions à ces substances, facilitées par les campagnes publicitaires désignant le médicament comme une chose sécure et désirable. Les agences régulatrices et les agences pharmaceutiques étant des instances séparées, il y avait très peu de travail collectif, et donc les efforts de régulation se portèrent de façon disproportionnée sur les populations prenant de la drogue, blâmant alors les consommateur.ice.s pour la démesure estimée de la consommation, au lieu de remettre en question le système qui l’avait permise. 

En effet, au cours de toute cette histoire, ça a été la lutte entre médicament en tant qu’agent de soin et en tant que produit, source de revenu pour les entreprises pharmaceutiques, qui causa autant de dégâts. Ces dégâts se sont matérialisés premièrement dans les agences de régulation qui ont dû être créées pour réparer les dommages et deuxièmement par la mise en danger des patient.e.s par les affirmations exagérées des publicités.  

Le Prozac reflète l’histoire du Miltown en plusieurs aspects. Premièrement, par son marketing: à son tour dans les années 1990, le Prozac était vu comme un médicament miracle, employable à souhait comme une “aspirine émotionnelle”[34]pour soigner tous les maux psychologiques. Deuxièmement, le Prozac et le Miltown sont analogues à cause du positionnement pris dans le marketing du Prozac pour le présenter comme un médicament non-addictif et avec moins d’effets secondaires que les anciens antidépresseurs tricycliques[35]. Ce marketing extrêmement avantageux a permis la vente du Prozac à un prix exorbitant, pouvant être vingt fois plus cher que les antidépresseurs usuels, sous prétexte que ce dernier possédait moins d’effets secondaires dangereux (comme l’absence d’addiction ou la mort par overdose (effets classes de la Doxepin ou  la Protriptiline), par exemple)[36]. Troisièmement, comme Miltown, le Prozac est aujourd’hui beaucoup moins populaire qu’il ne l’était autrefois, et à présent perçu comme dangereux et potentiellement addictif. L’addiction iatrogène, c’est-à-dire une addiction causée par un traitement médical, serait une épidémie circulaire. Le médicament au centre de cette épidémie change au fil des avancées scientifiques et des modes, mais le principe demeure[37].

            Par contre, il existe des aspects pertinents du marketing du Prozac qui ne s’alignent pas sur la grille de lecture du Miltown. Notamment ce que je vais appeler lachoix de la consommation. Selon Toine Pieters & Stephen Snelders, des chercheurs de l’institut Freudenthal de l’histoire et de la philosophie des sciences à l’université d’Utrecht, 

“The choice to become a Prozac consumer was presented as one’s own choice of mood self-control and engineering wellness. It was not so much the therapeutic contract between a patient and a doctor that would make this mind pill do its work but the individual consumer’s belief in the superior therapeutic power of a clean brain medicine.”[39]

Figure 2: une publicité pour le Prozac, provenant de The American Journal of Psychiatry, 1995[38]

A ce moment-ci, le Prozac est revêtu d’un récit ayant un aspect spirituel, dont nous verrons l’importance dans le chapitre médecine alternative, et d’un autre aspect controversé, qui rejette encore plus l’autorité du/de la médecin que le Miltown ne l’a fait: une fois que du Prozac est prescrit, il n’y a plus besoin de suivi médical. Nous verrons, dans le chapitre prise en charge, que la prise d’un médicament sans suivi psychothérapeutique n’est pas le traitement le plus efficace. 

Il est important, néanmoins, de considérer le contexte dans lequel ce récit s’inscrit, c’est-à-dire dans la continuité de la culture médicale aux Etats-Unis d’Amérique, avec la déification du médicament et le rejet du/de la médecin. Dans un contexte aussi particulier, les différences culturelles ne sont pas à négliger, et un récit très convaincant dans un contexte culturel peut fortement déplaire dans un autre.  En effet, ce rejet de l’autorité du/de la médecin, implicite au récit du Prozac, l’a rendu initialement très peu populaire sur le marché néerlandais. “Dutch doctors preferred to prescribe therapeutic family members of Prozac like Paxil and Zoloft that did not pose a potential threat to their authority in the consulting room.”[40]L’efficacité et l’emploi d’un médicament se basent donc très fortement sur le marketing, et comment celui-ci est perçu dans divers contextes culturels, ayant chacun une vision particulière sur la médicalisation, les soins, et la prise en charge de ses patient.e.s.

4. Prise en Charge

            L’aspect concernant la prise en charge des patient.e.s dépressif.ve.s nous permet d’explorer différents points de vue, exprimés par différent.e.s acteur.ice.s. En effet, bien que notre sujet de controverse porte sur les antidépresseurs, un élément au coeur du débat est celui même de savoir comment les prescrire, s’ils suffisent en tant que traitement isolé, ou s’ils doivent par exemple s’accompagner d’une psychothérapie pour être réellement efficaces. Notons également que certain.e.s pensent que ces substances sont inutiles, et que la prise en charge des malades doit se faire d’une façon totalement différente : c’est un point de vue sur lequel nous reviendrons (notamment dans la partie sur les médecines alternatives).

            Un premier argument se positionnant en faveur de l’utilisation de ces médicaments comme seul traitement contre la dépression est celui qui cherche à résoudre ce problème de façon totalement pragmatique : si la dépression est un problème physiologique de la recapture de la sérotonine dans le cerveau,  alors la molécule ou le composé permettant de faire fonctionner le cerveau normalement, donc de recapter la sérotonine, résout à elle seule le problème. Comme on poserait un plâtre pour une jambe cassée, l’antidépresseur est une solution à un simple problème physique. Cet argument est notamment soutenu par certain.e.s spécialistes, assurant que les antidépresseurs fonctionnent bel et bien; le Prof. Carmine Pariante du Royal College Of Psychiatrists in the UK en fait notamment partie (“ […] these drugs do work in lifting mood and helping most people with depression.”[41]). Nuançons tout de même cette vision des choses : le problème physiologique du recaptage de la sérotonine n’est en réalité pas aussi simple à comprendre ou à résoudre que cela. L’important est de souligner que ce point de vue passe outre l’aspect psychologique de la question et ne se concentre que sur le biologique.

            Il existe également des communautés de personnes, notamment sur internet, qui partagent leurs expériences avec ces médicaments. Un avis qui revient souvent concernant la prise en charge adéquate de ceux-ci est celui de trouver un médicament adapté à soi : souvent, des individus souffrant de dépression ont essayé plusieurs antidépresseurs avant de trouver celui qui leur convient. Citons par exemple, l’utilisateur cba15cl sur un forum de doctissimo.fr :

 “ […] J’ai essayé au moins4 antidepresseurs (Prozac, deroxat, seropram, effexor).

Il semblerait que les ISRS (inhibiteurs sélectifs de la recapture de sérotonine) – ont très peu d’effet sur moi, tandis les antidépresseurs tricycliques marchent marchent bcp mieux sur moi (ELAVIL ou ATHYMIL).

C’est clair ça assomme un peu les premiers temps, mais au moins je retrouve le sourire! 🙂 […] ”[42]

            Finalement, un autre point de vue, relié à celui-ci, nuance un peu plus le propos : même si la dépression a des cause psychologiques ou sociales qui doivent être réglées, l’antidépresseur permet au ou à la malade d’avoir des outils pour s’en sortir; en effet, le changement dans l’humeur ou la motivation de l’individu découlant de la prise de ces substances lui permettrait ensuite d’attaquer et de résoudre les autres problèmes de sa vie, autres causes de son état dépressif. Cet argument a des bases scientifiques : certaines études montrent en effet que la prise d’antidépresseurs combinée à la psychothérapie est plus efficace que les antidépresseurs seuls[43].

            De l’autre côté de la balance, plusieurs groupes de personnes pensent que la prise en charge actuelle des patient.e.s est inadéquate. Les avis sur la question et sur la meilleure prise en charge à mettre en œuvre divergent cependant.

            L’aspect social de la question est souvent mis en avant : inquiété.e.s par l’idée que les malades soient de plus en plus traités comme un ensemble de symptômes que comme des individus, certain.e.s s’inquiètent que la prescription d’antidépresseurs pousse les spécialistes à ne pas suivre davantage les patient.e.s, à ne pas se rendre compte de la réalité de leurs cas spécifiques, et à faire trop aveuglément confiance à ces molécules miracle : 

“[We] are experiencing an increasing tendency to medicalise individuals who have emotional reactions to difficult life circumstances but without any clinical signs of depression, and to offer them antidepressants or psychotherapy which might not be appropriate to their needs. We should be careful not to offer our treatments to the wrong patients, but to provide them consistently to the right patients.” [44]    

C’est une crainte de voir les patient.e.s déshumanisé.e.s que cet argument reflète; il est applicable aux soins médicaux actuels de façon beaucoup plus générale. Un autre point mis en avant ici est le manque de communication entre les psychiatres et les médecins, qui empêcherait un véritable suivi des personnes ayant besoin de soins[45].

Évoquons finalement certains individus pour qui le problème de la dépression n’est majoritairement que social et psychologique, et qui voient surtout dans l’aspect chimique et médical de la question un vaste mensonge : c’est par exemple le cas de Johann Hari, ancien journaliste britannique et auteur du livre très médiatisé, Lost Connections : Uncovering the Real Causes of Depression – and the Unexpected Solutions[46].

            Le côté monétaire est également évoqué : selon certain.e.s, si les antidépresseurs sont autant prescrits, c’est en réalité parce qu’ils coûtent moins cher que la thérapie; cette utilisation massive ne reflète donc pas une réelle amélioration dans ce problème sociétal. Il s’agirait ici d’une façon facile de faire disparaître le problème, et de prétendre l’avoir résolu alors que ce n’est pas le cas. Citons par exemple le Pr Philippe Even, ancien médecin affilié à de nombreuses controverses et exprimant souvent un avis marginal, surtout sur la question des médicaments : Je voudrais qu’on dépense moins pour [les antidépresseurs] et un peu plus pour la psychothérapie, où le médecin écoute, essaie de rassurer, de rétablir le vivre-ensemble dans une société où on vit comme des lapins dans un clapier”[47], ou encore le blog Agoravox (un “site web de journalisme citoyen alimenté par des rédacteurs volontaires et non professionnels”[48]):“L’Assurance Maladie préfère rembourser du Prozac pendant 20 ans que 3 mois chez le psy”[49].Le remboursement des ces substances est donc une position potentiellement avantageuse pour les assurances, mais aussi pour les autorités, qui ne semblent donc pas aussi impuissantes que cela face à cette crise. En France, par exemple, les antidépresseurs sont souvent remboursés par l’assurance, mais ce n’est pas le cas des psychothérapies.[50]

            D’un autre côté, certain.e.s spécialistes de la santé, comme le psychiatre David Healy, s’inquiètent de l’emphase mise sur les SSRI en tant qu’antidépresseurs, soutenant l’idée que les bas niveaux de sérotonine ne sont pas forcément les causes de la dépression, et qu’il faudrait concentrer la recherche sur d’autres mécanismes physiologiques menant à la dépression, et donc aussi sur d’autres médicaments[51]. Notons cependant que cet avis est controversé et a suscité des critiques qui estiment qu’il est nocif pour les patient.e.s de remettre en question leur traitement, d’autant plus que celui-ci serait plus avéré que semble le penser le docteur Healy[52]

            Citons finalement l’argument anti-médical: selon certain.e.s, la dépression n’est pas vraiment un problème physiologique ou neurologique, mais provient d’un certain mode de vie ou comportement, et doit donc être résolu d’une façon totalement différente et unique à la vie de chacun ; trouver son bonheur ne passerait pas par un médicament.

            Notons bien qu’un certain nombre de ces arguments comportent de forts biais : en effet, d’une façon ou d’une autre, beaucoup d’acteur.ice.s profitent de la prescription ou de la non-prescription des antidépresseurs. Qu’il s’agisse d’une question d’argent – les entreprises pharmaceutiques ont probablement intérêt à faire croire que le fait de régler un simple problème de sérotonine soigne la dépression, car cela permet d’inciter les consommateur.ice.s à acheter -, de défense de sa profession – les psychiatres ne souhaitent pas être remis.es en cause ou jugé.e.s inutiles à la société – ou de valorisation de celle-ci – il est plutôt flatteur pour les médecins d’être perçu.e.s comme la potentielle solution à tous les maux -, voire même d’intégrité par rapport à ses valeurs et à son mode de vie – des individus prônant une vie alternative et coupée des produits de consommation pourraient difficilement recommander le fait d’utiliser des médicaments industriels pour aller mieux -, les raisons qu’ont ces différents groupes pour formuler certaines opinions ne sont pas toujours explicites, simples ou directes. Il s’agit cependant d’une conversation importante, touchant certaines des personnes les plus vulnérables de la société, et à laquelle il est nécessaire que tou.te.s prennent part, car la dépression ne choisit pas ses victimes en fonction de la façon dont elles veulent que leurs médicaments soient prescrits. 

5. Les médecines alternatives 

Les médecines alternatives ouvrent une autre manière de cadrer le problème des antidépresseurs. Les acteur.ice.s ne se contentent plus seulement de savoir s’ils sont ou non efficaces, mais si les médicaments psychotropes le sont plus que d’autres thérapies ou que la psychanalyse. Déterminer si une méthode fonctionne ou pas se révèle fastidieux de part le fait qu’il est difficile voire impossible d’analyser l’action d’un médicament de la même manière qu’une thérapie (par exemple, l’effet placebo est difficilement compatible avec cette dernière). Les critères de comparaisons (coût, bénéfices, avis des patient.e.s, avis des spécialistes, effet sur le long ou sur le court terme etc…) sont donc relatifs aux chercheur.euse.s (ou autres acteur.ice.s). Les résultats seront donc également divergents selon les critères appliqués. 

L’influence des antidépresseurs sur la psychiatrie:

D’après un essayiste, spécialiste de l’histoire et de l’industrie du médicament nommé Philippe Pignarre, l’arrivée des premiers psychotropes en 1952 a engendré un changement important des bases de la psychanalyse. La psychiatrie actuelle reproche aux psychotropes de modifier le comportement naturel du/de la patient.e. La prise en charge est devenue plus difficile qu’auparavant, car elle doit tenir compte de l’action du médicament pour retranscrire le comportement inné du/de la patient.e afin de cibler au mieux la thérapie. En d’autres termes, les antidépresseurs ont créé un obstacle, une barrière à la psychiatrie, obligeant les psychiatres actuel.le.s à connaître l’effet exact de l’action de chaque médicament, afin de décrypter quels réels comportements se cachent derrière le/la patient.e.

Selon cet essayiste, cette nouvelle invention aurait donc créé une déshumanisation à plusieurs niveaux[53]. Le premier concerne le/la patient.e qui ne serait plus tout à fait elle/ lui-même, les comportements innés pouvant être masqués par les antidépresseurs. Cela peut engendrer une prise en charge psychiatrique moins adaptée.

Le deuxième paramètre concerne la déshumanisation de la prise en charge médicale. Les médecins se focalisent de plus en plus sur le diagnostic à poser, et donc sur les signes à détecter. Iels élaborent un protocole de questions, afin de détecter les signes significatifs de la dépression. Ces signes sont repérables indépendamment de l’histoire et de l’environnement du/de la patient.e. Ainsi les récits des patient.e.s, de leur vécu, de leurs traumatismes sont perçus comme parasites à la prescription (ou non) d’un antidépresseur. Le/la patient.e ne se sent pas écouté.e et donc peut se montrer moins confiant.e vis à vis de ce qu’on lui administre. C’est ce mécanisme industriel que la psychiatrie a contrebalancé, pour combler ce manque d’individualité ressenti par les patient.e.s.

Les psychotropes ont donc divisé la médecine en deux secteurs. Le premier concerne ce qui est intéressant pour une prescription adaptée, une zone qui ne prend pas l’individu en compte mais la chimie du cerveau, et la psychanalyse par adaptation s’est concentrée sur l’histoire, les problèmes touchant la personne. Cette dernière est passée de “psychisme” à  “corps mental”[54]. La psychiatrie travaille donc maintenant sur les modifications des comportements dues au vécu de la personne, mais aussi aux modifications en raison des prises de médicaments. 

Les bénéfices des techniques thérapeutiques (que les médecins préconisent):

Plusieurs raisons, telles que les effets secondaires non désirable des antidépresseurs, les contre-indications (par exemple, dans le cas des femmes enceintes), ou le manque de confiance aux médicaments pour diverses raisons ont provoqué l’émergence de solutions alternatives à celles médicamenteuses. Celles qui seront mentionnées ci-dessous sont également reconnues par la plupart des médecins comme efficaces, et sont ainsi conseillées[55]. Cela laisse entendre que ces techniques ont été scientifiquement reconnues comme efficaces (ce qui n’est pas le cas de nombreuses autres approches alternatives).

Ces méthodes sont décrites par un médecin psychiatre, Dr Patrick Lemoine. Il est d’avis que les patient.e.s ne devraient pas faire l’impasse sur les médicaments mais complémenter la prise en charge par d’autres thérapies. Il est de celleux qui pensent que l’humain à un cerveau chimique, mais aussi émotionnel: les deux sont à prendre en charge. Selon Dr Patrick Lemoine, le manque de relations humaines lors de la prise en charge médicale fait que le/la patient.e nécessite un suivi qui sorte d’un cadre industriel. Il propose, quant à lui, des solutions au problème, contrairement à Philippe Pignarre qui ne faisait que relater la thématique.

Ces méthodes diverses ont une approche similaire qui repose sur sur une confiance et une communication patient.e-thérapeute. De plus, une méthode thérapeutique comme l’hypnose apporte un aspect différent de la psychanalyse (et des médicaments), celle de l’indépendance, sachant qu’elle peut également être enseignée dans le but que le/la patient.e soit à même de la pratiquer seule: l’autohypnose.

Pour certain.e.s patient.e.s, les médecines alternatives ont été intégrées dans le quotidien en vue de bénéfices personnels (sentiment de compréhension,  bien-être lors de la thérapie, croyance en la méthode, indépendance vis à vis des médecins…) C’est le cas d’une intervenante du surnom tut93vqui affirme ”J’utilise la phytotérapie depuis 25 ans, l’homéopatie et l’aromathérapie depuis 5 ans env. Ca fait partie de mes valeur, de ma manière de fonctionner, d’étre indépendante vis à vis de ma santé ; ne pas dépendre de médecin. C’est un confort de vie. Pour moi la santé c’est un capital alors je la préserve. Et puis je ne fais pas confiance aux médecins.” [56]

Un autre acteur, Dr Servan Schreiber, médecin et enseignant des sciences comportementales, a concentré son analyse en prenant le rapport du coût ainsi que les effets, non pas directs mais sur le long terme (en prenant en compte le nombre de rechutes observées). 

Il pense premièrement que la psychanalyse n’est pas la solution pour guérir la dépression, le langage étant difficilement accessible chez les patient.e.s déprimé.e.s. Les antidépresseurs quant à eux constituent une béquille à la guérison,[57]car lorsque le traitement s’arrête, la majorité des patient.e.s rechutent. Son traitement idéal consiste à pratiquer une activité physique. Elle est non coûteuse, et serait aussi efficace qu’un traitement avec des antidépresseurs (selon son rôle préventif, sa protection contre une rechute, et sa pratique indépendante).

Une approche possible serait de comparer le prozac ou d’autres psychotropes aux médecines alternatives, et c’est d’ailleurs ce qu’ont fait certain.e.s acteur.ice.s (Dr Patrick Lemoine, Dr Servan-Schreiber ou d’autres comme par exemple le centre Health CMi [58]). Nous ne l’étudierons pas ici, faute de place.

En général, les avis positifs concernant les bienfaits relatifs aux médecines alternatives s’appuient sur le fait que le/la patient.e est soigné.e dans sa globalité, (hygiène de vie, qualité de sommeil etc…) et non pas uniquement sur le plan chimique. Selon certain.e.s, c’est aussi une méthode qui permet d’éviter de rechuter, et selon d’autres ce sont des méthodes qui permettent d’apporter un soutien essentiel que le/la médecin n’apporte pas lors de ses consultations minutées. 

Analyse de l’efficacité des médecines alternatives:

Un autre point sujet à caution, relevé par Bruno Falissard[59], pédopsychiatre et statisticien, est qu’il est dur de démontrer scientifiquement que les médecines complémentaires sont efficaces. Pour les médicaments, il est simple d’administrer un placebo et d’observer la différence, mais il est dur de mettre en place un placebo pour tester des médecines complémentaires. Leurs mesures dépendent donc principalement des récits des patient.e.s et donc demeurent plus subjectives, et les avis divergent. 

Marianne, une étudiante en master de médecine à l’Université de Genève qui s’est intéressée à l’acupuncture, confirme la difficulté de créer un placebo. Pour l’acupuncture, médecine alternative qui consiste en l’application d’aiguilles sur des méridiens (centres de l’énergie vitale de notre corps selon la médecine chinoise), un placebo consisterait à piquer le/la patient.e hors des méridiens. Hors, certains endroits où l’on est susceptible de piquer peuvent tout de même toucher les méridiens et donc faire effet. 

Comme la dépression est une maladie psychiatrique, les bienfaits sont difficilement mesurables, comparé à une maladie dite organique comme le cancer ou l’état d’amélioration du/de la patient.e est mesurable scientifiquement.

D’autres[60]affirment que c’est justement l’effet placebo qui fait que les patient.e.s se sentent mieux avec une prise en charge alternative à la médecine conventionnelle. Cet effet placebo s’alimente principalement de la relation de confiance établie entre le/la thérapeute et le/la patient.e, des croyances du/de la patient.e (s’iel est sceptique ou favorable), ainsi que de l’appréciation de la séance proposée. Un.e intervenant.e surnommé.e paq08qx est de cet  avis :“Au final, bon nombre de médecines douces n’apportent rien de plus que ces deux effets (placebo ou auto suggestion), effets qui pourraient être largement obtenus par d’autre moyens moins onéreux.(…) Enfin, le caractère ‘inexpliqué », la croyance collective et surtout le rapprochement de la nature et du corps humain mis en avant par les médecines douces, attirent. L’image très positive de ce qui est « naturel » et « proche du corps », ainsi que l’attrait pour l’inexplicable ajoute au phénomène de croyance et à la popularité de ces médecines douces.”[61]

            Le journal grand public Le Figaro tranche de manière plus catégorique en qualifiant tous les traitements sortant de la médecine conventionnelle de charlatanisme médical. Dans leur article Comment faire face à la montée des « fake médecines »? qui a fait polémique, les auteur.ice.s affirment: “Les thérapies dites « alternatives » sont inefficaces au-delà de l’effet placebo”[62]. Iels rajoutent que les thérapeutes sont souvent tenté.es d’acquérir une justification scientifique afin de pouvoir par la suite  justifier une “fausse thérapie”à “l’efficacité illusoire”[63]par des méthodes proscrites selon le code de la santé publique.

Après la publication de cet article dénonçant fortement toutes autres thérapies comme dangereuses, coûteuses, et inefficaces, Grégory Ninot, professeur en santé, psychologie et sciences du sport à l’Université de Montpellier publia un article dans The conversation, un site médiatique dont l’objectif est  d’informer les citoyen.ne.s sur la science. Son article incite une prise de recul sur cet avis catégorique. Il explique que toutes les thérapies sont différentes et ne se valent pas. Il y a certaines thérapies qui ont été prouvés scientifiquement “avec, déjà, des résultats solides”[64], et d’autres non. Celles-ci seraient selon lui des méthodes plus ésotériques, à éviter. 

Conclusion 

Bien que le Prozac, antidépresseur de type ISRS, soit un cas spécifique intéressant à étudier autant pour des raisons culturelles et historiques que scientifiques, les différents aspects de notre controverse sont applicables à une variété d’antidépresseurs de façon plus générale : c’est par exemple le cas de thématiques comme la prise en charge, la validité des essais cliniques, le marketing, et parfois également les effets secondaires. Une diversité d’opinions émanant de la communauté scientifique mais également du public ou de représentants des industries nous prouve qu’il est loin d’exister un consensus quant à ces pilules du bonheur. 

Comme le suggèrent les divers témoignages personnels que l’on peut trouver dans des forums, un certain type d’antidépresseur peut être adapté pour certain.e.s mais pas pour d’autres, chez qui il peut y avoir des effets secondaires graves. Dans chacun des aspects parcourus, nous avons pu constater que le débat reste ouvert. Celui sur l’efficacité des antidépresseurs remet en cause non seulement les essais cliniques, mais également les méthodes de publication des études visant à tester cette efficacité, et montre également à quel point les expériences individuelles peuvent être variables. D’autant plus qu’à la discussion concernant l’efficacité s’ajoute celle concernant les effets secondaires, souvent considérés comme trop importants ou néfastes. La conclusion à laquelle arrivent la majorité des spécialistes est que les antidépresseurs sont à prendre et prescrire modérément en fonction de la sévérité de la dépression (plus celle-ci est grave, plus leur prise est conseillée). Toutefois, le débat reste ouvert sur la gravité des effets secondaires et la nécessité de prescrire des antidépresseurs. En ce qui concerne la prise en charge, les avis varient. La communauté scientifique est cependant majoritairement d’avis qu’une prise d’antidépresseurs accompagnée d’une psychothérapie est souvent la meilleure solution. Le marketing devrait donc, dans l’idéal, découler de ces deux concepts: chaque médicament n’est pas efficace pour tout le monde, et ils sont plus efficaces quand ils sont accompagnés d’une psychothérapie. Vis-à-vis des effets secondaires nocifs, du marketing fait autour, de la vision abolie de la pilule miracle, de l’incompréhension de la maladie, ou d’une propre croyance sur la santé, certain.e.s patient.e.s ont peu à peu perdu confiance en la médecine traditionnelle et se sont tourné.e.s vers les médecines alternatives. L’efficacité de ces types de soins est difficilement étudiable, l’effet placebo étant dur à produire. Ainsi les médecins jugent de leur efficacité principalement par le biais du ressenti des patient.e.s. Nous sommes donc amenés à nous demander s’il n’y aurait pas d’autres moyens que la preuve scientifique (qui connaît certaines limites) pour témoigner de  l’efficacité des médecines alternatives.

Ces nombreuses facettes nous montrent donc bien la complexité de l’analyse de cette controverse, d’autant plus que cette dernière n’est pas un cas isolé et que de nombreux autres médicaments suscitent les mêmes remarques. De plus, on recense de plus en plus de personnes ayant de problèmes de santé mentale, qu’il s’agisse de dépression, anxiété ou d’autres maux. Une manière intéressante d’aborder le sujet pourrait être de se concentrer sur la cause de ces troubles plutôt que leur guérison.

“…We’re being medically adventurous; we’re trying every kind of medical and psychological intervention, trying to find the one that works. We haven’t found it, and we’re not going to find it. My prediction is we’re not going to find it. Because what we’re dealing with here is larger than a problem of individual pathology, it is a problem of cultural malaise, which has to be faced up to. […] We’re in an illness phase here! All kinds of illnesses are peaking, and it isn’t because we aren’t trying hard to treat them, it’s because, you know, we have a cultural problem to deal with and we’re not dealing with… […] We’ve got a lot of children out there who are depressed and anxious […] and we’ve got to face that, we’ve got to understand why that is.”[65]

Bibliographie

Livres :

Coudron, L., Miéville, C. (2017).Yoga thérapie: soigner la dépression. Belgique: Odile Jacob

Lemoine, P. (2014). Soigner sa tête sans médicaments … ou presque, Dépression, stress, insomnie: ce qui marche vraiment.Paris: Robert Laffont

Pignarre, P. (2012).Comment la dépression est devenue une épidémie. Paris:La Découverte 

Servan-Schreiber, D.(2005).Guérir le stress, l’anxiété et la dépression sans médicaments ni psychanalyse. Paris: Pocket.

CA: Citizens Commission on Human Rights. (1992) The Rise of Senseless Violence in Society: Psychiatry’s Role in the Creation of Crime. Los Angeles.

Vidéo: 

 https://www.youtube.com/watch?v=GaJAipvztZs,Le stress, la dépression – David Servan-Schreiber, Eveil du Conscient, décembre 2016

Articles :

Adli, M., Hegerl, U.( 2014). Do we underestimate the benefits of antidepressants? .The Lancet, Vol. 383.

Cabut, S., Santi,P.(2018). Les médecines alternatives doivent- elles être disqualifiées?.Le Monde( en ligne:

le/2018/04/01/les-medecines-alternatives-doivent-elles-etre-disqualifiees_5279398_1650684.html, consulté le 22.05.19

Cuijpers, P. et al. (2014). Adding psychotherapy to antidepressant medication in depression and anxiety disorders: a meta-analysis.World Psychiatry  13(1): 56–67. (en ligne: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3918025/consulté le 10.05.19)

Ciprani, A., Zhou, X., Del Giovane, C.(2016). Comparative efficacy and tolerability of antidepressants for major depressive disorder in children and adolescents: a network meta-analysis. Lancet388.

Healy, D. (2015). Serotonin and Depression. BMJ, 350:h1771 

(en ligne : https://www.bmj.com/content/350/bmj.h1771)

Herzberg, D. (2011) Blockbusters and controlled substances: Miltown, Quaalude, and consumer

demand for drugs in postwar America. Studies in History and Philosophy of Biological and Biomedical Sciences (42),415–426.

Kirsch, I., Sapirstein,D, (1998, 26 juin). Prevention & Treatment. American Psychological Association ,Volume 1, Article 0002a, Copyright 

Kovess Masfety, V. ( 2019). Efficacité des Antidépresseurs “dans la vraie vie”. Le livre blanc de la dépression, Fondation Pierre Denicker, article 22.

Langford, A. (2019). Healy does a disservice to psychiatrists. The British Medical Journal.

BMJ 2015;350:h1771 

(en ligne : https://www.bmj.com/content/350/bmj.h1771/rr-4)

Marshall, KP., Georgievskava, Z., Georgievsky, I. (2009). Social reactions to Valium and Prozac: A cultural lag perspective of drug diffusion and adoption. Research in Social and Administrative Pharmacy, (5 ), 94–107

Pieters, T., Snelders, S. ( 2009). Psychotropic Drug Use: Between Healing and Enhancing the Mind. Neuroethics,  2:63-73

 Toncheva, D. ( 2014, 12 décembre), Les Médecines Alternatives,ASPH

http://www.asph.be/Documents/analyses-etudes-2014/Analyse-2014-26-medecines-alternatives.pdf.

Sites internet :

AFP, “Un livre polémique relance le débat sur les antidépresseurs”, https://www.sciencesetavenir.fr/sante/un-livre-polemique-relance-le-debat-sur-les-antidepresseurs_127229, consulté le 30.04.19 à 16h48

Angell, Marcia, “The Epidemic of Mental Illness: Why?”,

https://www.nybooks.com/articles/2011/06/23/epidemic-mental-illness-why/, consulté le 21.05.2019 à 15h18

Antoni, A., “Johann Hari: ‘I was afraid to dismantle the story about depression and anxiety’”, https://www.theguardian.com/media/2018/jan/07/johann-hari-depression-brain-lost-connections-book-interview, consulté le 30.04.2019 à 14:51

Anonymous, “Notice d’utilisation de prozac : NOTICE : INFORMATION DE L’UTILISATEURS”, https://www.lilly.fr/global/img/fr/nos-medicaments/pdfs/prozac/prozac-notice-gelule.pdf, consulté le 09.05 à 17h37

Anonymous, “AgoraVox”, 

https://fr.wikipedia.org/wiki/AgoraVoxconsulté le 21.05.19

Anonymous, “Dépression (psychiatrique)”, 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Dépression_%28psychiatrie%29consulté le 06.06.19 

Anonymous, “Notice : information de l’utilisateur”, https://www.meamedica.fr/depression-antidepresseurs-irs/prozacconsulté le 25.04.19

Anonymous, Plateforme Meamedica, “Avis par médicament : Prozac”, 

https://www.meamedica.fr/depression-antidepresseurs-irs/prozacconsulté le 25.04.19

Anonymous, “Standard Gravure shooting”, https://en.wikipedia.org/wiki/Standard_Gravure_shooting, consulté le 09.05.19

Anonymous, “ Philippe Pignarre” ,

https://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_Pignarreconsulté le 01.05.19

Dafalgan-500mg, “NOTICE : information pour l’utilisateur”

https://www.dafalgan.be/files/pdf/DAFALGAN-500mg-FR-Website.pdfconsulté le 21.05.19

Deléage, J-R., “Les médecines complémentaires et alternatives sont plébiscitées. Mais qu’en dit la science aujourd’hui ?”, https://www.passeportsante.net/fr/Actualites/Nouvelles/Fiche.aspx?doc=medecines-complementaires-sciences, consulté le 08.05.19 à 12:44

Doctissimo, “Aucun ad ne marche vraiment quoi faire? “,

http://forum.doctissimo.fr/medicaments/antidepresseurs-anxiolytiques/marche-vraiment-faire-sujet_151910_1.htm, consulté le 30.04.19 à 15:35

FDA, “FDA Drug Safety Communication: Selective serotonin reuptake inhibitor (SSRI) antidepressant use during pregnancy and reports of a rare heart and lung condition in newborn babies”,

https://www.fda.gov/drugs/drug-safety-and-availability/fda-drug-safety-communication-selective-serotonin-reuptake-inhibitor-ssri-antidepressant-use-during, consulté le 26.04.19

Le Figaro,”Comment faire face à la montée des « fake médecines » ? “,

http://www.homeopathie-unio.be/uploads/files/unprotected/Presse/Figaro%2019%20mars%202018.pdf, , publié en 2018, consulté de 1.06.2019

Le Figaro Santé, “L’efficacité du Prozac sérieusement contestée”, 

http://sante.lefigaro.fr/actualite/2008/02/27/9120-lefficacite-prozac-serieusement-contestee, publié le 27.02.2008, consulté le 07.05.19 à 13h31

Forum Dépression, “Aucune efficacité des ad que faire ?”,

https://www.forum-depression.com/viewtopic.php?f=4&t=31289&sid=e4245e1b247ae923b3023008bab9965a, consulté le 05.05.19 à 19h18

Healy, D., “Let them Eat Prozac– Fentress et al v Shea Communications et al. Trial Background”  https://www.healyprozac.com/Trials/Fentress/background.htm, consulté le 30.04.19

Healthcare Medicine Institute,” L’acupuncture contre la dépression améliore la recherche sur le Prozac” 

https://www.healthcmi.com/Acupuncture-Continuing-Education-News/571-acupunctureceudepressionprozacssri, mis en ligne le 12.06.12, consulté le 21.05.19

Parekh, R., “What is depression ?” 

https://www.psychiatry.org/patients-families/depression/what-is-depressionconsulté le 06.06.19

Pasca, E., “Antidépresseurs : nombreux risques pour une efficacité controversée dans une dépression marchandisée”, http://pharmacritique.20minutes-blogs.fr/archive/2012/01/30/antidepresseurs-nombreux-risques-pour-une-efficacite-controv.html, , posté le 30.01.12, consulté le 30.04.19 à 15h52

Pharmafox, “Antidépresseurs : le fond du problème”, https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/antidepresseurs-le-fond-du-101539consulté le 30.04.19 à 17:05

Pillou, J-F., “Effets secondaires – Définition”,

https://sante-medecine.journaldesfemmes.fr/faq/8711-effet-secondaire-definition, consulté le 26.04.19

Post n°296262 et n°296241, Forum Doctissimo, ”Forum médicaments”,

http://forum.doctissimo.fr/medicaments/antidepresseurs-anxiolytiques/temoignage-positif-paroxetine-sujet_161932_1.htm#t296241, consulté le 30.04.19 à 14h50

paq08qx, tut93vl, Forum Doctissimo, “ Pourquoi les gens font appelle à des médecines douces”http://forum.doctissimo.fr/sante/medecines-douces/pourquoi-medecines-douces-sujet_147079_1.htm, consulté le 10.05 à 15h19

Railton, D. “Antidepressants : do they really work ?”, https://www.medicalnewstoday.com/articles/321140.php, consulté le 30.04.19

Dr. Schaller, C. T., “La folle histoire du PROZAC”, https://www.santeglobale.info/la-folle-histoire-du-prozac/consulté le 30.04.19

Stossel, S., “Should We Still Listen to Prozac ? Peter D. Kramer Jumps Back Into the Antidepressant Debate”, https://www.nytimes.com/2016/07/10/books/review/peter-d-kramer-ordinarily-well-about-antidepressants.html, consulté le 09.05.19 à 17h32

Toncheva, D., “Les Médecines Alternatives”, http://www.asph.be/Documents/analyses-etudes-2014/Analyse-2014-26-medecines-alternatives.pdfconsulté le 10.05.19 à 14h34

Turner, G., “Miltown: a game-changing drug you’ve probably never heard of”, https://www.cbc.ca/radio/ondrugs/miltown-a-game-changing-drug-you-ve-probably-never-heard-of-1.4237946, consulté le 10.05.19 à 14h19 

Dr Warner, J., “Expert reaction to largest review of antidepressants “,

http://www.sciencemediacentre.org/expert-reaction-to-largest-review-of-antidepressants/consulté le 30.04.19 à 15:08

Figures:


Figure 1: snris, https://publicinsta.com/media/Bv1pVgwH8Fs, consulté le 07.07.19

Figure 2: Angell, Marcia, “The Epidemic of Mental Illness: Why?”,https://www.nybooks.com/articles/2011/06/23/epidemic-mental-illness-why/, consulté le 21.05.2019 à 15h18

[1]https://en.wikipedia.org/wiki/Standard_Gravure_shooting, consulté le 09.05.19 à 17h02

[2]https://www.healyprozac.com/Trials/Fentress/background.htmconsulté le 30.04.19 

[3]https://www.santeglobale.info/la-folle-histoire-du-prozac/consulté le 30.04.19

[4]  https://fr.wikipedia.org/wiki/Dépression_%28psychiatrie%29, consulté le 06/06/19 à 18h35

[5]https://www.psychiatry.org/patients-families/depression/what-is-depression

consulté le 06/06/19 à 18h19

[6]«Social reactions to Valium and Prozac: A cultural lag perspective of drug diffusion and adoption” Kimball P. Marshall, Ph.D.*, Zhanna Georgievskava, M.D., M.B.A., Igor Georgievsky, M.D., M.B.A.

[7]http://forum.doctissimo.fr/medicaments/antidepresseurs-anxiolytiques/temoignage-positif-paroxetine-sujet_161932_1.htm#t296241, poste n°296241, consulté le 30/04/19 à 14h50

[8]idem

[9]ibidem

[10]https://www.forum-depression.com/viewtopic.php?f=4&t=31289&sid=e4245e1b247ae923b3023008bab9965a, consulté le 05/05/19 à 19h18 

[11]http://forum.doctissimo.fr/medicaments/antidepresseurs-anxiolytiques/temoignage-positif-paroxetine-sujet_161932_1.htm#t296241, post n°296262, consulté le 30/04/19 à 16h33

[12]http://pharmacritique.20minutes-blogs.fr/archive/2012/01/30/antidepresseurs-nombreux-risques-pour-une-efficacite-controv.html, consulté le 30/04/19 à 15h52

[13]http://sante.lefigaro.fr/actualite/2008/02/27/9120-lefficacite-prozac-serieusement-contestee, consulté le 07/05/19 à 13h31

[14]idem

[15]Do we underestimate the benefits of antidepressants?, Mazda Adli, Ulrich Hegerl in The Lancet, Vol. 383, April 19, 2014

[16]  Kovess Masfety, V. ( 2019). Efficacité des Antidépresseurs “dans la vraie vie”. Le livre blanc de la dépression, Fondation Pierre Denicker, article 22.

[17]https://sante-medecine.journaldesfemmes.fr/faq/8711-effet-secondaire-definition , consulté le 26.04.19

[18]Prevention & Treatment, Volume 1, Article 0002a, posted June 26, 1998 Copyright 1998 by the American Psychological Association, Irving Kirsch, Guy Sapirstein

[19]The Rise of Senseless Violence in Society: Psychiatry’s Role in the Creation of Crime. Los Angeles, CA: Citizens Commission on Human Rights; 1992.

[20]“ Should We Still Listen to Prozac? Peter D. Kramer Jumps Back Into the Antidepressant Debate”, Scott Stossel, https://www.nytimes.com/2016/07/10/books/review/peter-d-kramer-ordinarily-well-about-antidepressants.htmlconsulté le 09.05.19 à 17h32

[21]Ibid

[22]Ibid

[23]https://www.meamedica.fr/depression-antidepresseurs-irs/prozacconsulté le 25 avril 19 

[24]Ibid

[25]https://www.lilly.fr/global/img/fr/nos-medicaments/pdfs/prozac/prozac-notice-gelule.pdfnotice d’utilisation de prozac : NOTICE : INFORMATION DE L’UTILISATEUR, consulté le 09.05.19 à 17h37

[26]  https://www.fda.gov/drugs/drug-safety-and-availability/fda-drug-safety-communication-selective-serotonin-reuptake-inhibitor-ssri-antidepressant-use-duringconsulté le 26.04.19

[27]« Comparative efficacy and tolerability of antidepressants for major depressive disorder in children and adolescents: a network meta-analysis », Ciprani A, Zhou X, Del Giovane C, Lancet 388 2016 

[28]https://www.dafalgan.be/files/pdf/DAFALGAN-500mg-FR-Website.pdf, notice du Dalfalgan, consulté le 21.05.19 à 11h17

[29]Social reactions to Valium and Prozac: A cultural lag perspective of drug diffusion and adoption, Kimball P. Marshall, Ph.D.*, Zhanna Georgievskava, M.D., M.B.A., Igor Georgievsky, M.D., M.B.A., ScienceDirect 

[30]Turner, G., “Miltown: a game-changing drug you’ve probably never heard of”, https://www.cbc.ca/radio/ondrugs/miltown-a-game-changing-drug-you-ve-probably-never-heard-of-1.4237946, consulté le 10.05.19 à 14h19

[31]Miltown, Quaalude, consumer demand for drugs, David Herzberg in Studies in History and Philosophy of Biological and Biomedical Sciences 42 (2011) 415–426

[32]idem

[33]ibid., p. 420

[34]Pieters, T., Snelders, S. ( 2009). Psychotropic Drug Use: Between Healing and Enhancing the Mind. Neuroethics, 2:63-73

[35]Idem

[36]Marshall, KP., Georgievskava, Z., Georgievsky, I. (2009). Social reactions to Valium and Prozac: A cultural lag perspective of drug diffusion and adoption. Research in Social and Administrative Pharmacy, (5 ), 94–107

[37]Pieters, T., Snelders, S. ( 2009). Psychotropic Drug Use: Between Healing and Enhancing the Mind. Neuroethics,  2:63-73footnotes 2-8

[38]https://www.nybooks.com/articles/2011/06/23/epidemic-mental-illness-why/

[39]idem,footnotes 25, 45

[40]  ibid., footnote 45

[41]http://www.sciencemediacentre.org/expert-reaction-to-largest-review-of-antidepressants/[en ligne, consulté le 30. 04.19 à 15:08]

[42]commentaire n° 55424 sur http://forum.doctissimo.fr/medicaments/antidepresseurs-anxiolytiques/marche-vraiment-faire-sujet_151910_1.htm[en ligne, consulté le 30.04.19 à 15:35] (voir aussi : le commentaire n°55430)

[43]Cuijpers, P. et al. (2014). Adding psychotherapy to antidepressant medication in depression and anxiety disorders: a meta-analysis.World Psychiatry  13(1): 56–67. (en ligne: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3918025/consulté le 10.05.19)

[44]Adli, M., Hegerl, U.( 2014). Do we underestimate the benefits of antidepressants?, The Lancet, Vol. 383.

[45]  idem

[46]https://www.theguardian.com/media/2018/jan/07/johann-hari-depression-brain-lost-connections-book-interview  consulté le 30.04.19 à 14:51

[47]https://www.sciencesetavenir.fr/sante/un-livre-polemique-relance-le-debat-sur-les-antidepresseurs_127229, consulté le 30.04.19 à 16:48

[48]https://fr.wikipedia.org/wiki/AgoraVox, consulté le 21.05.19 à 14:34

[49]https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/antidepresseurs-le-fond-du-101539 , consulté le 30.04.19 à 17:05

[50]Vivane Kovess-Masfety, L’efficacité des antidépresseurs « dans la vraie vie » in Le livre blanc de la dépression,Fondation Pierre Denicker, article 22

[51]Healy, Serotonin and Depression, BMJ 2015;350:h1771 (en ligne : https://www.bmj.com/content/350/bmj.h1771

[52]Langford, Healy does a disservice to psychiatrists, BMJ 2015;350:h1771 (en ligne : https://www.bmj.com/content/350/bmj.h1771/rr-4 )

[53]Philippe Pignarre,Comment la dépression est devenue une épidémie,Paris,La Découverte,” Nouvelle édition augmentée”,2012,175p.

[54]Philippe Pignarre,Comment la dépression est devenue une épidémie, Paris,La Découverte,” Nouvelle édition augmentée”,2012,175p.

[55]Dr Patrick Lemoine, Soigner sa tête sans médicaments … ou presque, Dépression, stress, insomnie: ce qui marche vraiment,Paris,Collection” réponses”, “Robert Laffont”,2014,375p.

[56]tut93vl, Forum Doctissimo, “Pourquoi les gens font appelle à des médecines douces” http://forum.doctissimo.fr/sante/medecines-douces/pourquoi-medecines-douces-sujet_147079_1.htm, consulté le 10.05 à 15h19

[57]https://www.youtube.com/watch?v=GaJAipvztZsLe stress, la dépression – David Servan-Schreiber, Eveil du Conscient, décembre 2016

[58]Healthcare Medicine Institute, ”L’acupuncture contre la dépression améliore la recherche sur le Prozac” 

https://www.healthcmi.com/Acupuncture-Continuing-Education-News/571-acupunctureceudepressionprozacssri, mis en ligne le 12 juin 2012, consulté le 21.05.19

[59]Le Monde,Les médecins Vincent Renard et Bruno Falissard, “Les médecines alternatives doivent-elles être disqualifiées  ?”

le/2018/04/01/les-medecines-alternatives-doivent-elles-etre-disqualifiees_5279398_1650684.htmlà Paris, en mars 2018, consulté le 22.05.19

[60]Toncheva, D. ( 2014, 12 décembre), Les Médecines Alternatives,ASPH

http://www.asph.be/Documents/analyses-etudes-2014/Analyse-2014-26-medecines-alternatives.pdf.

[61]paq08qx,, Forum Doctissimo, “ Pourquoi les gens font appelle à des médecines douces”http://forum.doctissimo.fr/sante/medecines-douces/pourquoi-medecines-douces-sujet_147079_1.htm, consulté le 10.05 à 15h19

[62]Le Figaro,”Comment faire face à la montée des « fake médecines » ? “,

http://www.homeopathie-unio.be/uploads/files/unprotected/Presse/Figaro%2019%20mars%202018.pdf, , publié en 2018, consulté de 1.06.2019

[63]idem

[64]G. Ninot 2,018, Comment mieux évaluer l’efficacité des médecines douces,The conversation, https://theconversation.com/comment-mieux-evaluer-lefficacite-des-medecines-douces-90797, consulté le 1.06.2019

[65]Bruce Alexander, On drugs: Extra, Addiction and Rat Park 20:50-21:46

Controverse sur l’expérimentation animale : Entre progrès et souffrance

Figure 1 : L’expérimentation animale (1)

PINTO Helder, GAGNEUX Jérôme François-André, MATTATIA David, CULEBRAS Lucas.

Introduction

Pour la recherche fondamentale, l’expérimentation animale a permis de nombreuses avancées tant au niveau thérapeutique qu’au niveau des connaissances scientifiques. (2) Certains animaux ont donc permis de tester ces mêmes avancées dans le milieu scientifique pour de futures applications. Malgré ces découvertes scientifiques attribuées à l’utilisation des animaux, de nombreux problèmes éthiques ont vu le jour concernant l’utilisation de ce procédé. Un des points critiques est la souffrance et la conscience de l’animal. Nous exposerons les différents concepts de cette controverse. En premier lieu, nous parlerons des applications de l’expérimentation. Ensuite, nous énoncerons les réglementations en vigueur ainsi que le rapport du public envers l’expérimentation. La question du financement fait également débat. Enfin, nous parlerons de la conscience et des différentes alternatives à la portée des scientifiques.

Les applications de l’expérimentation

Les domaines qui ont touché l’expérimentation animale sont vastes. Ainsi, une des applications principales dans le domaine de la recherche est la compréhension de maladies. En effet, comme dit dans un reportage de la BBC, (3) le fait de savoir comment fonctionne une maladie, grâce à l’expérimentation animale, pour pouvoir la guérir est un enjeu essentiel puisque cela touche à la santé humaine.

En plus de la santé humaine, on peut aussi améliorer la santé animale. La fondation américaine Foundation for Biomedical Research (FBR) (4) a pour valeur de sauver les animaux à l’aide de différentes expériences animales. La recherche sur ces derniers permet également de les sauver puisque la plupart des maladies qui sont identifiées les touchent aussi. De ce fait, ils développent des traitements et des thérapies pour aider les deux et sont donc en faveur de l’expérimentation animale. A contrario, l’ONG « Cruelty Free International » (5) la considère comme une pratique dangereuse et inefficace. Dangereuse car les premiers tests étant fait sur les animaux, il arrive qu’une fois utilisés sur des patients, cela aboutisse à des rejets causant de graves problèmes. Inefficace car comme le dit le Dr. Richard Klausner: “The history of cancer research has been the history of curing cancer in the mouse. We have cured mice of cancer for decades and it simply didn’t work in human beings. “. Pour lui, le cancer a déjà été guéri chez la souris depuis de nombreuses années sans pour autant l’avoir été chez l’Homme. Les expériences faites sur les animaux sont contrôlées sur différents niveaux et de nombreux procédés ont été mis en place pour les réguler.

Réglementations

Depuis les années 50, des restrictions concernant l’expérimentation animal sont mises en place. En effet, avant cette période, le bien-être des animaux n’avait pas autant de poids. En 1959, le zoologiste nommé William Moy Stratton Russell ainsi que le scientifique R.L. Burch ont coécrit un livre nommé « The Principles of Human Experimental Technique » (6) dans lequel une des premières restrictions mises en place apparaît : la règle des 3R. Cette dernière contient donc trois types d’applications pour améliorer, si possible, les conditions animales en laboratoire : Remplacement, Réduction, Raffinement. Le Remplacement signifie que si une alternative est possible à l’expérimentation animale il faut l’utiliser. Pour la Réduction, il faudrait diminuer la quantité d’animaux utilisés. Finalement, concernant le Raffinement il faudrait diminuer la souffrance que pourrait avoir l’animal lors de l’expérience.(2) Cependant, son application est préférable mais pas obligatoire ; n’étant pas une loi, il n’y a aucune sanction applicable.

De nos jours, plusieurs normes et lois ont été mises en place pour contrôler l’utilisation des animaux. Par exemple, en France, (7) l’utilisation des animaux doit être opérée dans des établissements spécifiques validés par le ministère de l’agriculture ainsi que celui de l’établissement en question. Différentes normes et applications sont prises en compte afin de garantir à l’animal des conditions de vie acceptables. Les personnes pratiquant la chirurgie sur des animaux, pour la recherche, se doivent d’avoir une formation particulière et spécialisée. Tous ces animaux doivent être élevés dans un centre spécialisé et déclaré. De plus, des contrôles sont exécutés tout au long de leur vie afin de garantir leur bien-être. Les animaux les plus utilisés en laboratoire, comme les souris et les mouches, sont appelés animaux modèles, c’est-à-dire des animaux ayant des caractéristiques avantageuses pour son utilisation dans la recherche. Cependant, d’autres organismes sont également utilisés comme les lapins et les oiseaux. (7)

En Suisse, (8) la règle des 3R a inspiré la législation qui nous dit que l’utilisation animale ne peut être effectuée que lorsqu’aucune alternative n’est possible. Comme on peut le constater sur ce graphique de l’Office fédéral suisse de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (l’OSAV) avec la diminution des animaux utilisés (Figure 2). La loi nous informe également que les instances de recherche doivent avoir du personnel qualifié ayant eu des formations spécifiques pour leur permettre de travailler avec des animaux de laboratoire. Une autre norme, a été introduite par l’Office fédéral suisse de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (l’OSAV).  Cette dernière nous dit que l’utilisation d’animaux peut être faite seulement si les nouvelles connaissances qui en découleraient contrebalanceraient la souffrance animale. Il faut donc que les découvertes soient majeures. Afin « [qu’une] autorité cantonale compétente » (8) puissent évaluer cet équilibre, les chercheurs se doivent de poser une demande spécifique pour chaque expérience. Malgré différents procédés utilisés pour réguler l’utilisation animale, la société reste concernée et influence les décisions prises concernant l’expérimentation animale.

Figure 2 : Le nombre d’animaux utilisés pour l’expérimentation animale en Suisse de 1983 à 2017 (9)

Informations au public 

L’un des enjeux principaux est l’information divulguée au public. Celle-ci a beaucoup évolué au cours du temps. Au vu des informations rendues publiques, les avis qui en découlent ont eux aussi différé. Par exemple, dans un texte publié en 2002, le Dr Mark Matfield (10)  fait le point sur ce qui est dit ou non au grand public et leurs opinions sur le sujet au Royaume-Uni. Effectivement, avant le 20ème siècle, l’utilisation des animaux dans l’expérimentation était quelque chose d’acceptée puisque le public n’était que peu informé sur les pratiques commises à l’encontre des animaux. Les scientifiques ne parlaient que des découvertes. Dès lors, au début du 20ème siècle, l’opinion publique a radicalement changé à la suite de l’expérience faite par le Dr Eugene Magnan sur un chien, au beau milieu d’une foule. Le comportement du chien, à la suite de l’injection d’absinthe, a révolté l’audience présente qui a tout de suite protesté. Par la suite, les mœurs britanniques ont changé concernant l’expérimentation animale se demandant si l’utilisation d’animaux n’était pas une pratique cruelle et également si cela était réellement nécessaire de les utiliser. Par la suite, des réglementations ont été instaurées dans les différents centres de recherches et autres institutions. Enfin, dans les années 90, un revirement de situation s’est produit. En effet, les manifestations jusque là pacifiques ont commencé à devenir violentes. Au début du 21ème siècle, le gouvernement est revenu à la charge en expliquant que l’expérimentation était nécessaire pour avancer dans la recherche et a pointé du doigt les agissements violents occasionnés par la foule. Dès lors, l’opinion publique s’est quelque peu apaisée et un débat a pu se mettre en place. Depuis, le gouvernement met tout en jeu pour que les animaux souffrent le moins possible, notamment avec une régulation et un contrôle strict, des lois, etc.

 Il n’y a pas qu’au Royaume-Uni que le peuple a pu avoir une aussi grande influence et surtout un désir de changer les choses. Le 16 décembre 2005, le peuple suisse a voté en faveur de l’ordonnance pour la protection des animaux dans le domaine de la recherche. (11)

Selon un article du journal français Le Monde (12), la controverse sur l’expérimentation animale est confrontée à beaucoup de désinformation. En effet, ils énoncent que certaines images ou témoignages sont détournés hors de leur contexte, ce qui donne naissance à des amalgames infondés. « Des images de chirurgie chez le primate réalisées dans des conditions identiques à celles pratiquées chez l’homme sont maquillées en scènes de maltraitance. »(12) D’après eux, certaines organisations utilisent ces images pour heurter la sensibilité d’un public, qui ne connaît souvent pas les conditions réelles dans lesquelles se déroulent ces expériences, afin de décrédibiliser l’utilisation d’animaux dans des laboratoires.

Eric Muraille, biologiste et immunologiste belge, (13) annonce que dans de nombreuses campagnes menées par des associations contre l’expérimentation animale, l’accent est mis sur la cruauté de la vivisection. Or, cette pratique consistante à disséquer des animaux vivants, représente une infime partie de l’expérimentation animale. Pour lui, le public non averti a donc tendance à associer expérimentation animale et souffrance de la vivisection, ce qui est erroné. Ils appellent cela de la désinformation par une manipulation émotionnelle.

Dans cet article (13), Eric Muraille dénonce la désinformation concernant les découvertes faites grâce aux expériences sur les animaux. Il met en avant le fait que les vaccins et antibiotiques ont été développés grâce à l’expérimentation animale, et non par sérendipité comme le disent certaines associations de défense des animaux. Il reproche également à certaines associations de citer l’exemple du cobaye, pour qui la pénicilline est mortelle à faible dose contrairement aux souris ou à l’Homme, afin de prouver que des expériences faites sur des animaux ne peuvent être transposées à l’humain. Or, il explique que la très grande majorité des mammifères est résistante à la pénicilline et le cobaye fait partie des rares espèces faisant exception et que cet exemple n’est donc pas du tout représentatif.

De plus, en France, on peut lire dans le journal Libération, un article écrit par André Ménache le 7 décembre 2017 (14) dénonçant le manque d’information qui parvient au grand public. C’est une réponse à un article non disponible dans le même journal. Pour lui, la population soutient la recherche sur les animaux dans le cas où elle apporte quelque chose à la société (recherche pour la santé humaine, découvertes, etc.). Cependant, le peuple n’est pas assez informé selon lui. Il n’est notamment pas au courant de l’organisme européen chargé d’évaluer les nouvelles méthodes découvertes pour remplacer l’expérimentation animale. Il est aussi dit que ce même organisme n’a également pas un budget assez conséquent consacré à l’adoption de ces méthodes. Par conséquent, ces dernières ne peuvent pas être approuvées mais si elles le sont, elles seront déjà dépassées par le temps et les savoirs découverts entre temps.

A la suite de cette publication, un second article a été publié, le lendemain, dans le même journal, par plusieurs intervenants répondant également au 1er article publié le 1er décembre 2017. (15) En effet, ils estiment que les propos concernant le désir de protection animale ne viennent que de la part d’activistes mineurs et autres associations sont quelque peu exagérés. Effectivement, selon eux, la source de malaise et de mal être que l’utilisation des animaux provoque est également le quotidien de nombreux chercheurs qui ne peuvent pas faire autrement. Enfin, les auteurs du texte nous parlent d’un point important que sont les directives qui doivent être mises en place et donc divulguées afin que les gens soient au courant de leurs avancées : 

« Surtout, [les scientifiques de l’article du 1er décembre] se gardent bien de dire que la transposition de la directive en droit français a contourné l’exigence d’impartialité de l’évaluation des projets. Il importe, en effet, de savoir et de faire savoir que, aujourd’hui encore, le code rural prévoit que l’évaluation se fait par un comité d’éthique en expérimentation animale, certes agréé par le ministère, mais créé à l’initiative de l’établissement utilisateur lui-même avec l’assurance que la majorité de ses membres n’a aucune objection de principe à l’expérimentation animale. C’est une parfaite illustration du vieux proverbe « on n’est jamais mieux servi que par soi-même » et une manifestation criante de déni de démocratie scientifique. » (15)

La société n’est pas la seule à influencer ces différentes expériences et les scientifiques sont aussi limités par les fonds accordés.

Aspect financier de l’expérimentation

L’argent mis à disposition pour les expériences sans animaux est faible en comparaison au budget alloué à l’expérimentation animale. En effet, selon une association de lutte contre l’expérimentation animale en Suisse, l’AGSTG, (16) des centaines de millions de francs seraient mis à disposition pour la recherche scientifique basée sur des expériences avec des animaux, alors que seulement 400’000 francs sont utilisés pour la mise en place de méthode d’expérimentation avec moins d’animaux. De plus, les centaines de millions de francs destinés à l’expérimentation animale sont directement issus de l’argent des contribuables qui ne sont pas nécessairement en accord avec cette politique. L’AGSTG déplore que la Confédération Suisse mette aussi peu en avant ces méthodes alternatives : « En Suisse, la Confédération et les cantons soutiennent chaque année la recherche à base d’expérimentation animale par plusieurs centaines de millions de francs de l’argent du contribuable. Pour la recherche 3R, qui se consacre à une réduction du nombre d’animaux et à la diminution de la souffrance animale, on ne donne que 400000 francs ». (16) À titre de comparaison, l’institut national de la Santé (NIH) aux USA finance la recherche sans animaux à hauteur de 70 millions de francs. (16)

De plus, le seul entretien des animaux de laboratoire, sans compter les frais liés aux expériences elles-mêmes et au personnel, coûterait plus de 100 millions de francs par année, alors que cela coûterait beaucoup moins si les expériences était faites sur des humains. (17) Cependant, un ancien président d’une animalerie de laboratoire canadienne répond à ce propos (18)  en disant que ces grandes sommes d’argent servent à améliorer les conditions dans lesquelles ces animaux se trouvent : « Il n’y a pas un humain qui va à l’hôpital au Québec qui est bien traité comme un animal de laboratoire. […] Les endroits où les animaux sont les plus maltraités, c’est dans les petshops et dans les SPCA. » La SPCA est la société pour la prévention de la cruauté envers les animaux. Cependant, en Suisse, le contrôle fédéral des finances affirme que pour pouvoir juger le besoin de nouvelles infrastructures, et par conséquent le budget correspondant, il faudrait avoir accès aux données des animaleries comme les conditions d’hygiène ou le réel besoin de nouvelles installations. Or, ces données ne sont pas disponibles puisque les laboratoires n’ont aucune obligation à les publier. (12)

L’utilisation de l’argent fait également débat, le magazine albatros explique que certains profitent de leur haute position afin de faire passer leurs expériences. Par exemple, à l’université de Fribourg, (19) les expériences du Prof. Eric Rouiller sur des singes ont été beaucoup critiquées. En effet, le professeur Rouiller était membre du comité d’expérimentation animal à Fribourg (l’instance qui accepte ou refuse les différentes expériences menées sur les animaux) et également membre du conseil de recherche du Fonds National Suisse de la recherche scientifique (FNS), qui a pour rôle de financer ces expériences. Ce scientifique a ainsi pu autoriser et financer ses propres expériences, à hauteur de 5 millions de francs, alors que l’utilité de ces dernières n’était pas forcément examinée de façon objective.(19) D’un autre côté, l’expérimentation animale a servi aux avancées médicales qui ont permis l’élaboration de traitements coûtant beaucoup moins cher. Par exemple, au Royaume-Uni, la recherche animale a permis à 400’000 diabétiques d’être traités à l’insuline et à 40’000’000 de malades de pouvoir bénéficier d’antibiotiques chaque année. L’économie d’argent dû à la découverte de traitements moins chers est donc non négligeable. (20) L’argent n’est pas le seul frein à l’utilisation animale car la question concernant la position de l’animal dans notre société entraîne des polémiques.

La conscience des animaux

Dans ce contexte de nombreux groupes ont soulevé le fait que l’animal est un être vivant et qu’il devrait avoir les mêmes droits que l’Homme. C’est donc l’une des raisons pour laquelle l’expérimentation animale est tant controversée.(25) Un groupe constitué de trois médecins et d’un détenteur de maîtrise universitaire, (21) dit que les animaux ne devraient pas subir de vivisection même à des fins scientifiques. En effet, il en ressort dans leur livre que les stimuli douloureux occasionnés sur les animaux modèles ne seraient pas nécessaires car ne refléteraient pas la réalité humaine. Un stimulus ne permettrait pas, pour eux, par exemple de représenter un choc psychologique familial. La conscience de l’animal est perçue aussi au niveau des réactions de ce dernier. Effectivement, lorsque mis dans les conditions de laboratoire, l’animal se met à développer un stress qui va ensuite biaiser les données récoltées par les scientifiques. Lorsque l’animal stresse, sa physiologie interne se voit altérée. Ils parlent aussi du fait que les animaux souffrent lors des différentes expérimentations autant de peur que de douleur physique. Cela reflète donc le manque de besoins psychologiques et physiques essentiels (21). De plus, différents arguments sortent de l’article écrit le 6 août 2005 dans The Guardian par Richard Ryde, psychologue, (22) pour nous dire que même si les animaux ne parlent pas ou bien encore ne pleurent pas, on ne peut pas les classer comme des êtres dénués de conscience sur qui toute sorte d’expérimentations peuvent être faites.

« Cruelty free international » (5) explique que les différentes expérimentations sur les animaux sont cruelles. Les conditions dans lesquelles sont placées parfois certains d’entre eux semblent inhumaines et l’organisation a décrété un niveau inacceptable de cruauté animale dans les différents laboratoires anglais. A contrario, « Understanding Animal Research » (3) nous explique qu’il y a des mésinformations concernant le traitement des animaux en laboratoire et que, dans un reportage fait par la BBC, il y était montré que les rongeurs étaient bien traités. La volonté de mettre en avant l’importance de la position de l’animal a entraîné différentes démarches afin de relever la place qu’a l’animal dans notre société. Effectivement, différents groupes se sont soulevés afin de se battre pour défendre les droits concernant les animaux. Il est dit que ces derniers ne comprennent pas l’idée générale de ce que peut être une loi, ils n’en ont pas conscience et c’est pour cette raison que de nombreuses personnes leur ont enlevé tout droit. Le groupe AFC (22) veut donc mettre les choses au clair et milite pour l’importance de mettre les animaux sur un pied d’égalité avec les humains. Ils disent que les personnes handicapées mentales, bien qu’elles ne comprennent pas l’idée de loi, sont quand même touchées par cette dernière. Ils pensent donc que les animaux devraient avoir les mêmes droits. Vu que ces derniers ne peuvent se défendre tout seul c’est à l’Homme de le faire pour eux. Comme dit dans leur article écrit par l’auteur Ozren Cuk: « They need people to fight for them. They need people who acknowledge that all beings are equal. Different, but equal. » Il conclut son texte en disant que les Hommes devraient protéger toute forme d’être vivant sans aucune discrimination.

En plus du groupe AFC, l’association Pour une Éthique dans le Traitement des Animaux (PETA) (23)nous dit que la vie d’un animal de laboratoire est comparable à celle d’un prisonnier n’ayant pourtant commis aucun crime : enfermé dans une cage, sans pouvoir choisir ses activités, sa nourriture ou ses congénères, etc. Cette association dénonce aussi les lois américaines qui permettent aux animaux de se faire brûler, électrocuter, empoisonner, isoler, priver de nourriture, noyer ou encore exposer à des drogues. Elle critique également le fait que des maladies soient inoculées artificiellement à des animaux, alors qu’ils n’auraient jamais pu les contracter naturellement.

La question du statut de l’animal fait également débat. Pour certains, les espèces n’ont pas la même importance. Par exemple, selon le neurobiologiste et philosophe Georges Chapouthier (24), on utilise des rats et des souris car ces derniers sont à la fois suffisamment proches et éloignés de nous. Suffisamment proche phylogénétiquement pour que les résultats ou les données obtenues soient applicables et suffisamment éloignés pour que notre sensibilité à les utiliser ne soit pas un obstacle. Au contraire, d’autres pensent que toutes les espèces ont la même valeur car ce qui compte c’est que ce soit un être vivant qui soit utilisé. On retrouve cette opinion dans le commentaire de « trochu »  , sur le blog One Voice : « […] De quel droit des humain se permettent d’utiliser et d’exploiter de façon odieuse et abominable des animaux, qui sont tous DES ETRES VIVANTS comme nous avec leur intelligence, leurs émotions, leurs sensibilités et qui méritent tous le même grand respect, considération et reconnaissance que ces derniers»(25)

Enfin, un point important est la valeur affective liée à l’animal. On retrouve ce genre d’argument émotionnel dans les propos d’une étudiante Lénaïde Gasc, sur le blog au sujet des cours de SVT(26), où la question était de savoir si les étudiant étaient pour ou contre l’utilisation d’animaux durant les travaux pratiques: « Bah POUR si c’est un truc comme un rat ou une grenouille mais CONTRE si c’est un truc mignon genre un lapin ou un souriceau. » Son commentaire illustre une hiérarchisation affective liée aux animaux qui rentre en négociation avec l’expérimentation animale. Plus on se rapproche des mammifères et des grands singes, plus on remarque cette hiérarchisation. (19) À la suite de ces différentes problématiques, de nombreux procédés ont été développés afin de trouver différentes alternatives à l’utilisation animale.

Les alternatives

Comme vu auparavant, beaucoup de polémiques liées à l’argent, aux réglementations et à l’opinion publique font que l’expérimentation animale crée des tensions. Pour cela, différentes alternatives ont été mises en place. En effet, différentes espèces ont été utilisées afin de développer de multiples techniques ou bien connaissances sans toujours se soucier forcément du bien-être de l’animal en question. « Cruelty free international », (5) soulève le fait que malgré une utilisation importante d’animaux-tests, le ratio entre cette même action et les progrès scientifiques est bien trop faible. Ces revendications sont aussi soutenues par de nombreuses autres organisations qui soulèvent une volonté de changement et donc une manière de moins blesser ces mêmes animaux.

Le même groupe de médecins (21)cité dans le paragraphe « conscience », prône l’utilisation d’alternatives et veut justement montrer que dans de nombreux cas, il aurait été possible de se contenter d’utiliser les données récoltées sur des patients humains sans se soucier de celles d’animaux modèles. D’après eux, l’utilisation des données médicales aurait permis une économie de temps et d’argent. Ils parlent surtout de leur volonté de faire stopper l’utilisation de la vivisection et met donc en avant l’importance des données récoltées sur les patients. Une autre option proposée est l’utilisation de cellules in vitro qui serait moins couteuse, tant au niveau économique que par rapport au nombre d’animaux sacrifiés, et plus à même de représenter les effets sur un être humain car ces cellules seraient justement de provenance humaine. Cette même équipe cherche donc absolument à utiliser des alternatives à la vivisection. Il y a par exemple : (21)

  • L’étude de population qui implique donc l’observation de maladies survenues (ou présente) au sein d’une population et donc de voir l’importance de préventions ou bien encore de développement d’un remède.
  • Autopsies et biopsies qui utilisent des cadavres humains ou bien encore des tissus provenant de patients malades ou non. 

Au contraire, l’ONG anglaise “Understanding Animal Research” (3) nous dit qu’on ne peut pas totalement supprimer l’utilisation d’animaux dans la recherche puisque d’un point de vue technique, certaines expériences ne sont pas réalisables autrement. De ce fait, on ne peut donc pas complètement appliquer la règle dite de « Remplacement ». Des instituts tel que Fbresearch disent également que les expériences sur les animaux sont essentielles autant pour l’être humain que pour les animaux eux-mêmes. En effet, elles ont permis de trouver des traitements pour des chats, chiens, animaux de fermes/sauvages ou bien encore des espèces en voie de disparition. Nous pouvons donc observer des deux côtés de la balance, des groupes qui veulent absolument, ou non, des alternatives. (4) Il y aussi d’autres groupes, comme l’institution de recherche belge (VIB), (2) qui acceptent différentes façons de procéder aux expérimentations mais disent que dans certains cas il n’est pas possible d’utiliser différentes méthodes que celle de base. Il est justement dit qu’on ne peut faire de véritables avancées sans utiliser un véritable modèle animal en trois dimensions.

Des scientifiques australiens (27) ont publié dans la revue Pharmacology Research & Perspectives les différentes techniques connues à ce jour et qui sont en totale adéquation avec le principe des 3R. On y retrouve notamment les organes sur puces microscopiques ou les tissus reconstitués, appelés organoïdes, provenant directement de tissus humains donc beaucoup plus précis pour l’étude humaine. L’utilisation poussée de cellules souches a donc permis le développement des organoïdes. Cette récente découverte permet donc, grâce à l’utilisation de cellules souches, le développement de « mini-organes », comme par exemple un cerveau ou encore un rein. Cette alternative nous permet donc d’avoir un organe in vitro sans avoir recours à la vivisection. Celui-ci peut être obtenu de différentes manières. Effectivement, comme expliqué dans l’article de « the company of biologists », co-écrit par Megan Munsie, Insoo Hyun et Jeremy Sugarman, on peut utiliser : (28)

  • Les cellules épithéliales d’un même patient 
  • Les cellules souches pluripotentes 
  • Les cellules souches embryonnaires
  • Les cellules souches pluripotentes induites

Ces procédés étant assez récents, la technique ne fait que s’affiner et permet d’avoir des organes de plus en plus complexes. Comme dit dans l’article « Organoid biobanking : identifying the ethics », (29) il est possible de créer des mini-cerveaux afin de comprendre son développement ou bien encore des mini-intestins permettant d’avoir un test médicamenteux personnalisé concernant la mucoviscidose. Ce procédé n’est pas exempt de discussions éthiques. En effet, il y a, tout d’abord, la problématique d’utilisation de cellules souches (embryonnaires ou non) et l’utilisation d’insémination artificielle mais il est tout aussi possible de se poser un autre type de question : « Est-ce que l’organe créé nous appartient et pouvons-nous l’utiliser comme marchandise ? ». (29) Un autre problème éthique est décrit par « Science and society » et concerne le stockage des informations relatives aux organoïdes qui se doit d’être protégé. (30) En effet, même si les informations ont été obtenues à l’aide des différentes expériences faites grâce à des organoïdes dérivés de patients, la confidentialité des données relatives à ces patients est importante et impérative. Ils mettent en évidence que le stockage (le « biobanking ») des différents résultats se doit d’être fait pour le bien des patients tout en gardant leur confidentialité.(30)

Le groupe pour la protection des animaux AFC (22) nous donne encore d’autres alternatives pour que ces dernières soient utilisées à la place de la vivisection. Il nous est dit que l’utilisation de modèles informatiques permet d’avoir une analyse de la structure ainsi que l’effet du médicament sur le patient et donc de calculer les différents risques liés à l’utilisation de cette même drogue. Cette utilisation est également possible pour des modèles biologiques de type placenta humain afin de comprendre, par exemple, les différents problèmes causant la mort du bébé. Cette méthode ne se base que sur des données relatives à des humains. Même si cette technique permet de diminuer l’utilisation d’animaux, d’autres questions émergent comme par exemple l’utilisation éthique de cellules souches ou embryonnaires. Cependant, une chose est sûre, ces méthodes permettent une diminution radicale du nombre d’animaux utilisés. Mais comme le dit une étude (27), il est impossible de se passer totalement des animaux et d’appliquer seulement ces différentes méthodes pour l’instant. Certaines questions sont trop complexes pour être répondues avec un modèle alternatif.

Conclusion 

Cette controverse à propos de l’expérimentation animale touche l’ensemble de la société, de la recherche médicale à l’économie en passant par la politique et le droit, et non uniquement des acteurs du milieu de la recherche. C’est une controverse vive et très personnelle qui alimente un débat existant depuis quelques temps mais qui a pris une grande ampleur ces dernières années avec l’émergence d’alternatives de plus en plus prometteuses ainsi que l’augmentation d’acteurs luttant contre la souffrance animale. Cette même souffrance est mise en balance avec les avancées scientifiques rendues possibles. De nombreuses alternatives permettent d’éviter ou de limiter le plus possible l’utilisation d’animaux de laboratoire mais comme c’est un choix, elles ne sont pas forcément appliquées. Cependant, comme chaque laboratoire est libre aussi bien sur la question que sur l’utilisation de ces alternatives, les avis peuvent évoluer et pourquoi pas, dans un futur proche, il se pourrait qu’il n’y ait plus d’expérimentation animale. Cela semble tout de même compliqué puisqu’il est très difficile de se passer des animaux.

On pense également que l’utilisation d’animaux est quelque chose de presque obligatoire encore aujourd’hui pour la science. Il est quand même intéressant que des personnes se penchent sur différentes alternatives et pas forcément juste sur la question de l’animal en elle-même mais surtout pour l’intérêt qu’à la science à vouloir s’améliorer. On pense notamment aux organoïdes qui pourraient devenir une amélioration majeure dans le domaine de la recherche.

Bibliographie 

1.         L’expérimentation animale reste indispensable – La Libre [Internet]. [cité 7 juin 2019]. Disponible sur: https://www.lalibre.be/debats/opinions/l-experimentation-animale-reste-indispensable-5caccbb3d8ad5874778c3aa7

2.         Why animal research is essential [Internet]. [cité 9 mai 2019]. Disponible sur: http://www.vib.be/en/about-vib/organization/Pages/Why-animal-research-is-essential.aspx

3.         Testing, testing … | Understanding Animal Research [Internet]. Understanding Animal Research. [cité 9 mai 2019]. Disponible sur: http://www.understandinganimalresearch.org.uk/news/communications-media/testing-testing/

4.         Animal Testing for Animals [Internet]. Foundation for Biomedical Research. [cité 9 mai 2019]. Disponible sur: https://fbresearch.org/medical-advances/animal-research-for-animals/

5.         Arguments against animal testing | Cruelty Free International [Internet]. [cité 20 mars 2019]. Disponible sur: https://www.crueltyfreeinternational.org/why-we-do-it/arguments-against-animal-testing

6.         OSAV O fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires. 3R : Replace, Reduce, Refine – remplacer, réduire et réformer les expériences sur les animaux [Internet]. [cité 9 mai 2019]. Disponible sur: https://www.blv.admin.ch/blv/fr/home/tiere/tierversuche/3r-prinzipien.html

7.         F_GUILIANO.pdf [Internet]. [cité 9 mai 2019]. Disponible sur: https://www.urofrance.org/fileadmin/medias/recherche/graines-sol/2012/F_GUILIANO.pdf

8.         OSAV O fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires. Expérimentation animale [Internet]. [cité 2 mai 2019]. Disponible sur: https://www.blv.admin.ch/blv/fr/home/tiere/tierversuche.html

9.         Statistik [Internet]. [cité 2 mai 2019]. Disponible sur: http://www.tv-statistik.ch/fr/statistique-simples/index.php

10.       Matfield M. Animal experimentation: the continuing debate. Nat Rev Drug Discov. févr 2002;1(2):149‑52.

11.       RS 455 Loi fédérale du 16 décembre 2005 sur la protection des animaux (LPA) [Internet]. [cité 9 mai 2019]. Disponible sur: https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/20022103/index.html

12.       Oui, les modèles animaux sont nécessaires à la recherche. 3 juin 2015 [cité 9 mai 2019]; Disponible sur: https://www.lemonde.fr/sciences/article/2015/06/03/oui-les-modeles-animaux-sont-necessaires-a-la-recherche_4631488_1650684.html

13.       Muraille É. L’expérimentation animale en question. Rev Quest Sci. :28.

14.       Expérimentation animale : pour plus de transparence… et plus de contraintes [Internet]. Libération.fr. 2017 [cité 3 mai 2019]. Disponible sur: https://www.liberation.fr/debats/2017/12/07/experimentation-animale-pour-plus-de-transparence-et-plus-de-contraintes_1615147

15.       Expérimentation animale : une controverse scientifique [Internet]. Libération.fr. 2017 [cité 6 mars 2019]. Disponible sur: https://www.liberation.fr/debats/2017/12/08/experimentation-animale-une-controverse-scientifique_1615363

16.       albatros_magazin_tierversuche_37fr_www.pdf [Internet]. [cité 1 mai 2019]. Disponible sur: https://www.agstg.ch/downloads/magazin/2013/albatros_magazin_tierversuche_37fr_www.pdf

17.       albatros36f_medizin-der-zukunft_low.pdf [Internet]. [cité 6 mars 2019]. Disponible sur: https://www.agstg.ch/downloads/forschung/albatros36f_medizin-der-zukunft_low.pdf

18.       Utilisation d’animaux en recherche: chair à labos | Actualités | Le Soleil – Québec [Internet]. [cité 9 mai 2019]. Disponible sur: https://www.lesoleil.com/actualite/utilisation-danimaux-en-recherche-chair-a-labos-9e5d4248d65cf26aacdb1cc95a41662c

19.       albatros_magazin_tierversuche_25fr_www.pdf [Internet]. [cité 11 mars 2019]. Disponible sur: https://www.agstg.ch/downloads/magazin/2009/albatros_magazin_tierversuche_25fr_www.pdf

20.       UK Animal Research Statistics [Internet]. Speaking of Research. 2012 [cité 9 mai 2019]. Disponible sur: https://speakingofresearch.com/facts/uk-statistics/

21.       A Critical Look at Animal Experimentation.pdf [Internet]. [cité 9 mai 2019]. Disponible sur: http://bwcsa.co.za/wp-content/uploads/2009/06/A%20Critical%20Look%20at%20Animal%20Experimentation.pdf

22.       AFC – All Beings That Feel Pain Deserve Human Rights [Internet]. [cité 9 mai 2019]. Disponible sur: http://prijatelji-zivotinja.hr/index.en.php?id=703

23.       Cruelty to Animals in Laboratories [Internet]. PETA. [cité 29 avr 2019]. Disponible sur: https://www.peta.org/issues/animals-used-for-experimentation/animals-laboratories/

24.       Recherche : pourquoi expérimenter sur des souris et des rats ? – Le Point [Internet]. [cité 25 mai 2019]. Disponible sur: https://www.lepoint.fr/science/recherche-pourquoi-experimenter-sur-des-souris-et-des-rats-29-06-2015-1940712_25.php

25.       Nos compagnons chiens et chats torturés dans les laboratoires ! [Internet]. [cité 25 mai 2019]. Disponible sur: https://one-voice.fr/fr/blog/nos-compagnons-chiens-et-chats-tortures-dans-les-laboratoires.html

26.       Pour ou contre faire des dissections en SVT ? [Internet]. Okapi 100% ADO – Le blog des années collège. 2014 [cité 25 mai 2019]. Disponible sur: https://blog.okapi.fr/blablaclub/pour-ou-contre-faire-des-dissections-en-svt-4877.html

27.       Les techniques alternatives à l’expérimentation animale les plus prometteuses – Sciences et Avenir [Internet]. [cité 6 mars 2019]. Disponible sur: https://www.sciencesetavenir.fr/animaux/biodiversite/les-techniques-alternatives-a-l-experimentation-animale-les-plus-prometteuses_115446

28.       Munsie M, Hyun I, Sugarman J. Ethical issues in human organoid and gastruloid research. Development. 15 mars 2017;144(6):942‑5.

29.       Boers SN, van Delden JJ, Clevers H, Bredenoord AL. Organoid biobanking: identifying the ethics. EMBO Rep. juill 2016;17(7):938‑41.

30.       2009_06_journal_lscv_preview.pdf [Internet]. [cité 1 mai 2019]. Disponible sur: https://www.lscv.ch/wp-content/uploads/2017/12/2009_06_journal_lscv_preview.pdf

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer